Des projets qui invitent au partage

Des projets qui invitent au partage

À l’occasion des Luxembourg Impact Days, trois projets d’économie du partage et cinq projets d’innovation sociale ont été présentés suite à une sélection qui leur donne accès à un cofinancement. Alors que tous répondent à des besoins sociétaux, six ont en plus une vision circulaire.

Les Luxembourg Impact Days ont pour objectifs d’augmenter la visibilité des sociétés d’impact sociétal et des entrepreneurs sociaux/locaux, d’informer et sensibiliser les consommateurs en soulignant l’importance d’une consommation responsable et de permettre aux sociétés d’impact sociétal d’offrir leurs produits et services lors d’événements dédiés.

Lors de la première de ces deux journées, les Ministres Fayot et Engel ont saisi l’opportunité de présenter les lauréats de deux appels à projets lancés quelques mois plus tôt. L’un concerne l’économie de partage et l’autre l’innovation sociale. Chaque projet peut être subventionné jusqu’à concurrence d’un montant maximal de 200.000 euros.

Économie de partage :

En tant que ministre de l’Économie, Franz Fayot avait lancé en avril un appel à projets promouvant les espaces de partage d’équipements, pratique circulaire visant à minimiser les achats individuels de matériel utilisé ponctuellement en faveur d’une mise en réseau. À l’échelle d’un quartier, d’une ville ou du pays, du matériel est ainsi disponible à la location de courte durée.

Ernest Boever, en charge du projet auprès du ministère de l’Économie précise que « les habitations, surtout celles dans les endroits à forte densité de population, deviennent de plus en plus exiguës. L’espace disponible est alors utilisé de préférence à d’autres fonctions que de stocker des équipements qui ne sont utilisés que rarement. Notre initiative des espaces de partage sert à stimuler l’offre de solutions à cette réalité. »

Jérôme Petry, qui suit l’appel à candidatures de très près, aussi au ministère de l’Économie, se dit très satisfait des projets retenus : « Notre sélection s’est faite de manière transparente sur base des critères donnés dans l’appel à projets. Chaque concept a vraiment des éléments intéressants. La seconde étape du processus permettra de réfléchir plus précisément à leur mise en œuvre ». Le cofinancement de ces projets pilotes porte sur une durée maximale de 24 mois.

POST Luxembourg – « Kiosque de partage »

Plusieurs sites, dont 2 stations colis de type « Pack-Up » et un kiosque intérieur permettraient de louer divers appareils pour une courte durée. Les produits mis à dispositions pourraient couvrir les domaines du bricolage, nettoyage, électroménager, cuisine, voyage, loisir et puériculture. La cible sont tous les résidents à proximité des points choisis.

Mario Treinen, directeur de POST Courrier précise : « Notre projet comporte notamment un défi logistique, ce qui nous plaît, car nous en sommes spécialistes depuis 1842 au Luxembourg. D’autre part, il s’agit d’une contribution à l’économie d’usage, qui vise à changer les modes de consommation pour les rendre plus durables. Il s’agit d’un enjeu auquel nous nous engageons également au niveau de l’entreprise avec des engagements RSE clairs autour de 4 axes : l’efficience énergétique, la consommation responsable, la circularité et l’inclusion. C’est donc une façon de mettre en pratique notre engagement. »


Jérôme Petry : « Ce projet peut avoir une envergure nationale en se basant au moins en partie sur des infrastructures existantes. Le service Pack-Up et les kiosques s’ouvriraient à de nouveaux business models qui collent vraiment bien à la sharing economy. Comme pour les projets suivants, il faudra voir l’acceptation du public et les produits les plus intéressants à lui proposer ».

General Technics – « Good tools for all »

Parmi ses services, l’entreprise General Technic (GT) propose la distribution d’une gamme complète d’outillage (perceuses à percussion, visseuses à choc, meuleuse d’angle, disqueuse, etc.) sous forme de fleet management, encourageant d’emblée l’usage plutôt que la propriété dans une optique circulaire (Platform as a Service - PaaS).

- ©General Technic

« L’objectif premier de Good tools for all est de mettre un parc de machines électroportatives et filaires de seconde main à disposition des particuliers sur le territoire luxembourgeois », explique Stéphanie Sauce, responsable marketing & communication. « Ces machines de qualité professionnelle haut de gamme entament leur seconde vie après un cycle de 3 ans passés en contrat GT FLEET Management, notre leasing opérationnel pour les professionnels du bâtiment et les artisans. Elles sont révisées, réparées, et entretenues par notre service SAV outillage, et donc tout à fait opérationnelles. »


Jérôme Petry : « General Technic tient à ce que, au terme des contrats de leasing, le matériel puisse avoir une seconde vie. L’entreprise l’a déjà démontré en faisant don de machines à des communes et associations. Forte de ces retours-là, elle voulait aller plus loin ».

Concrètement, la mise en place pourrait se faire sous forme d’un enlèvement physique d’outils spécifiques au siège de GT à Munsbach ou de packs d’outils thématiques via des partenaires.

Microtarians S.à r.l.-s. SIS – « Shared Kitchen »

L’institut de formation Microtarians vise à faire revivre les méthodes de fermentation de nos grands-parents. C’est aussi une entreprise sociale qui gère notamment la conception et l’animation de trois « tiers-lieux » (Quartier Stuff) au Kirchberg dans le but d’en faire des lieux de proximité de l’économie circulaire et de l’économie du partage.

- ©Microtarians

Stefania Filice, fondatrice : « Avec Shared Kitchen, nous prévoyons un kiosque de prêt d’ustensiles de cuisine, y compris pour pratiquer la fermentation, la pâtisserie, les barbecues, du matériel pour fêtes d’anniversaire, de la vaisselle, etc. Nous envisageons également de mettre en place des boxes individuels et prêts à l’emploi et une cuisine partagée au sein de la Stuff ».


Jérôme Petry : « Bien que ce projet cible un quartier en particulier, il est très intéressant car il vise non seulement les habitants du quartier, mais aussi les travailleurs y compris frontaliers, qui peuvent par exemple emporter du matériel pour le week-end, ou encore les réfugiés et demandeurs d’asile du Kirchberg, qui n’ont pas ce type de matériel ».

Le Quartier Stuff Grünewald dispose des infrastructures nécessaires et pourrait donc être le point de départ d’un projet qui, si le succès est au rendez-vous, serait aisément reproductible à d’autres endroits.

Le ministre de l’Économie Franz Fayot était présent pour introduire le sujet et féliciter les lauréats :


« Ces 3 projets ont été retenus parce qu’ils cadrent parfaitement avec les attentes du ministère en vue de l’octroi d’un cofinancement. En effet, bien que l’aspect de partage soit un élément essentiel, il faut également que ces projets soient économiquement viables pour pouvoir effectivement perdurer à long terme, afin d’inciter les consommateurs et les entreprises à se tourner vers l’économie du partage et à terme, opérer un changement des mentalités. »

Innovation sociale :

Le ministère de l’Économie et le ministère du Travail, de l’Emploi et de l’Économie sociale et solidaire (MTEESS) ont lancé en mars un appel à projets qui vise à promouvoir et à soutenir l’innovation sociale.

Vanessa Schummer, responsable du Département de l’Économie sociale et solidaire (MTEESS) : « Parmi les 14 projets reçus, 5 ont été retenus car ils répondaient le mieux à nos quatre critères, à savoir la réponse par le projet à un besoin social/sociétal, l’aspect innovant voire d’autres aspects positifs du projet et la possibilité d’encourager un changement systémique. »

On.perfekt SIS – « Back to the roots »

Julia Gregor, cofondatrice : « Dans ce projet, nous voulons explorer de nouvelles opportunités de valorisation des fruits et légumes rejetés, en collaboration avec nos partenaires agricoles, car les aliments perdus dans les exploitations agricoles restent négligés par rapport aux efforts ciblés sur le gaspillage alimentaire dans le commerce et les ménages ».

- ©On.perfekt

On.perfekt dispose déjà d’une boutique à Marnach où sont commercialisés ses aliments rejetés par la grande distribution. En passant en B2B, elle mettrait en place un nouveau canal de distribution sous forme de box pour les employés d’entreprises privés. Un second volet consiste à proposer des activites de type « teambuilding » aux entreprises : en allant directement sur le lieu de la récolte, ils seront sensibilisés à une consommation et à une production plus responsables.


Vanessa Schummer : « En ouvrant un nouveau canal de distribution, on.perfekt maximise son impact sur la société, contribue davantage à faire baisser le gaspillage alimentaire et incite à limiter la surconsommation à l’avenir. ».

Survcoin SIS - « SoftCommute »

Survcoin est une devise virtuelle à usage local. Avec SoftCommune, Survcoin souhaite vouer une plateforme à la décarbonation de la mobilité en récompensant les utilisateurs qui choisissent la mobilité douce pour leurs trajets domicile-travail et domicile-école. Les Survcoin empochés pourront être dépensés au sein de commerces locaux partenaires, favorisant dès lors les circuits courts.

« La plateforme est constituée d’une app qui détecte les déplacements des utilisateurs et permet à ceux-ci de gérer leurs avoirs en tokens et de participer à des scénarios de gamification. La version web de la plateforme permet de programmer ces scénarios, qui comprennent des défis individuels ou par équipes, des quiz, des concours et des tirages au sort, et de gérer les boutiques en ligne et offres des commerçants partenaires. L’objectif est de faire graduellement émerger des écosystèmes, reliés par une ou des devises partagées, tournés vers la décarbonation », explique le fondateur Jean Lasar. Dans le cadre de ce projet, les infrastructures de transport public seront équipées de balises (à l’intérieur des bus et des trains) afin de faciliter l’utilisation de la plateforme.

- ©Survcoin

SoftCommute est un projet dérivé du pilote MobiDiff, mis en place conjointement avec la commune de Differdange, qui a pour objectif initial de stimuler le recours à la mobilité douce des employés communaux et devrait être étendu par la suite à d’autres segments de la population de la ville.


Vanessa Schummer : « Avec SoftCommute, l’innovation est déjà technologique en intégrant la notion de cryptomonnaie. Mais surtout, en incitant les gens à utiliser les transports en commun et la mobilité douce, la décarbonation est davantage encouragée. Enfin, en se promenant ou en utilisant davantage le vélo, la santé des personnes et les liens sociaux se renforcent également ».

Microtarians SIS - « MicroAtelier - Conserverie pédagogique du Luxembourg »

Doublement sélectionnée lors de ces appels à projets, Microtarians propose dans ce cadre social un projet de MicroAtelier à vocation pédagogique. Stefania Filice : « Ce lieu représente un environnement positif et protégé dans lequel les familles, les enfants et les individus peuvent, sous la direction et avec l’infrastructure nécessaire, lutter ensemble et avec succès contre le gaspillage alimentaire ». La conservation pour lutter contre le gaspillage alimentaire, l’aspect participatif pour renforcer la cohésion sociale, le partage de connaissances pour pratiquer la conservation de manière adéquate sont autant de thèmes qui trouveront écho au sein d’une maison de quartier du Kirchberg.

« Un exemple d’action concrète : En collaboration avec La Provençale et Auchan Luxembourg, les fruits et légumes mis au rebut en raison de leurs défauts esthétiques sont transformés et consommés en fonction des quantités disponibles pour des soirées de cuisine entre voisins, des événements de cuisine partagée d’entreprise ou des événements publics de grande envergure », précise encore la fondatrice.


Vanessa Schummer : « Je crois que le slogan qui résume au mieux ce projet est ‘Back to basics’ : retour aux pratiques de conservation de nos grands-parents, qui utilisaient ces méthodes de fermentation au lieu de jeter les aliments qui ne sont pas immédiatement consommés. La conservation à l’aide de micro-organismes permet par ailleurs d’ouvrir de nouveaux horizons culinaires, de découvrir de nouvelles saveurs et de s’éloigner encore un peu plus des produits transformés à l’aide d’additifs chimiques. »

Les deux autres projets retenus dans cet appel d’offre n’ont pas de qualités circulaires, mais gardent toute leur importance dans un contexte d’innovation sociale :

Sospeso

Le projet vise à implémenter le concept du « café suspendu » au Luxembourg. En effet, le porteur du projet, en partenariat avec la chaîne « Cocottes », souhaite développer une application qui sert à donner la possibilité aux consommateurs d’utiliser anonymement leurs points de fidélité pour financer en entièreté ou en partie, le menu pour une personne défavorisée.

WIDE AndCo SIS

La société souhaite lancer une nouvelle activité « Impact No code studio » pour accompagner prioritairement des femmes n’ayant pas les ressources nécessaires à se lancer dans une aventure entrepreneuriale à impact pour le développement de produits dans le numérique. Les organisations et entreprises de l’économie sociale et solidaire déjà établies peuvent également être soutenus dans leur efforts de digitalisation.

Le ministre Georges Engel a félicité les lauréats pour leurs projets innovants :


« Il est rassurant de constater que des entrepreneurs au Luxembourg font des efforts considérables pour renforcer l’idée d’une économie basée sur d’autre piliers comme la solidarité et la durabilité. Dans les années à venir, il faut encourager les entrepreneurs qui veulent renforcer l’entreprenariat social au Luxembourg ».

Marie-Astrid Heyde

Article
Publié le lundi 10 juillet 2023
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