Les racines qui donnent des ailes

Les racines qui donnent des ailes

Aller de l’avant se fait parfois par un retour en arrière. Ramborn a fait le choix d’employer des méthodes traditionnelles pour la production de ses cidres et jus, tout en se rendant compte que chaque étape de ses activités reprenait des principes de circularité. Témoignage de Carlo Hein, fondateur.

« Chez Ramborn, nous avons commencé à faire de l’économie circulaire avant de devenir une entreprise certifiée B-Corp, pour veiller à ce que les ressources disponibles soient utilisées le mieux possible. Cette démarche, qui est continuellement en cours d’amélioration, a commencé dans les vergers, et s’est rapidement étendue à la production et à la vente de nos produits. Nous avons regardé ce dont nous avions besoin et nous nous sommes demandé quels déchets allaient en résulter. À première vue, il y a beaucoup de choses qui nous échappent, et qu’on découvre au fur et à mesure que l’on se penche sur l’ensemble des processus.

Les vergers

Les vergers, tels qu’ils sont exploités industriellement de nos jours, sont des rangées de pommiers et de poiriers dans lesquelles circulent des tracteurs afin d’y déposer des engrais, de traiter le terrain avec des pesticides, de les arroser, etc. De la même manière, ces arbres ont été modifiés pour que les fruits soient facilement accessibles, voire récoltables via des machines. Les éco-vergers composés d’arbres fruitiers dit à « haute-tige », qui procurent les fruits de variétés traditionnelles luxembourgeoises avec lesquels sont fabriqués les cidres et jus Ramborn, n’ont pas besoin d’engrais, de pesticide, ni d’irrigation. Des vaches cohabitent d’ailleurs avec les arbres fruitiers. Nous ne devons rien y ajouter, c’est la nature qui nous donne tout. C’est une très belle image, à nos yeux.

À une époque où tout est pensé à court terme, nous choisissons d’aller à contre-courant en pensant à long terme.

La seule question qui s’est posée concernant nos vergers, c’est ce que nous allions en faire, comment en assurer la durabilité. Nous pouvions soit utiliser tout ce qui était à notre disposition, sans penser aux générations suivantes, ou alors continuer à planter de nouveaux fruitiers – un pommier a besoin de 30 ans pour devenir adulte - pour les besoins de ceux qui nous succèderont. À une époque où tout est pensé à court terme, nous choisissons d’aller à contre-courant en pensant à long terme. Il y a déjà presque toute une génération qui n’avait plus planté d’arbres fruitiers dans nos régions, mais nous reprenons cette tâche pour préserver et même développer la biodiversité de ces vergers. Si nous pouvons jouir de ce que les autres ont planté avant nous, alors nous devons aussi permettre aux générations suivantes de récolter les fruits de nos plantations. C’est aussi cela, l’économie circulaire.

La production

Ici non plus, nous n’avons rien inventé. Nous utilisons simplement les méthodes traditionnelles, qui fonctionnent depuis toujours. Le pressage des pommes, poires et coings pour en tirer leurs jus, la matière première de tous nos produits, se fait uniquement au moment de leur récolte. Nous pourrions produire davantage en important des fruits, mais nous faisons le choix de respecter le cycle des saisons. Ces méthodes traditionnelles, voire ancestrales, ont malheureusement été oubliées dans une société où tout doit aller vite. Or, il nous tient à cœur de perpétuer ces traditions en les transmettant aux générations suivantes pour que ce savoir-faire perdure, et ce, de manière circulaire.

Le pressage et la fermentation

Lorsque les fruits sont pressés, nous obtenons un résidu : le moût. Au départ, nous le donnions à une station de biogaz et cela permettait déjà de le récupérer, de le transformer et de le réemployer. Puis, en discutant avec certains de nos fermiers partenaires, qui étaient en train de faire certifier « bio » leurs diverses cultures, nous avons réalisé qu’ils avaient besoin d’enrichir leurs engrais naturels en acidité. Cette acidité se trouve naturellement dans le moût des pommes, que nous leur donnons maintenant. Nous pouvons donc être satisfaits de rendre à la terre une partie des fruits qu’elle nous procure.

Une fois le jus extrait, nous le laissons se clarifier de lui-même. Ici encore, un moût se dépose dans les cuves. Nous le fermentons à part pour en faire une eau de vie très naturelle, peu énergivore et de très bonne qualité. Une nouvelle fois, nous utilisons entièrement ce qui est disponible.

Mise en bouteille

L’embouteillage des jus et cidres se fait à l’aide d’une machine plutôt grande et assez coûteuse, que nous n’utilisons que de manière ponctuelle. C’est pourquoi, au lieu d’acheter cet outil qui ne servirait qu’une petite partie de l’année, nous avons choisi de travailler en partenariat avec Vinsmoselle. Nous utilisons d’ailleurs également leurs fûts consignés pour les produits concernés. Le fait d’emprunter ce matériel et de mutualiser leurs équipements est aussi une démarche circulaire et cela donne un complément de travail bienvenu à leurs ressources humaines.

Pour les bouteilles elles-mêmes, nous avons fait le choix de contenants en verre consignés. Durant la crise sanitaire, les contenants en verre neufs sont devenus très difficiles à trouver, et des sociétés sont tombées à court de cet élément crucial pour les produits tels que les nôtres. Grâce aux bouteilles et aux casiers consignés, nous échappons à ce problème et nous limitons la production de verre. Je suis persuadée que les ressources sont de plus en plus rares et qu’il faut veiller à ne pas les épuiser.

Distribution

Lorsqu’on s’intéresse à l’économie circulaire, on réalise qu’il est toujours possible de s’améliorer. C’est exactement ce qui se passe actuellement au niveau de la distribution. Nous sommes en train de revoir la logistique afin de réduire les flux de transport au minimum et ainsi éviter de voir des camions circuler à vide, tout en gardant un bon niveau de services pour nos clients.

Ce que je trouve de plus fascinant avec l’économie circulaire, c’est que le cercle se referme et on se retrouve là où nous avons commencé. Back to the roots.

Le mot de la fin

Je suis d’avis que la circularité rend toute société plus résiliente. Nous ne le sommes jamais entièrement, mais on le devient un peu plus au fur et à mesure que l’on instaure des démarches circulaires et que l’on dépend moins des flux et éléments extérieurs.

Finalement, nous ne faisons rien de nouveau, nous redécouvrons des façons de travailler de manière économe et en équilibre avec l’environnement, des modèles qui étaient rôdés anciennement et qui ont fait leurs preuves durant des centaines d’années. Ce que je trouve de plus fascinant avec l’économie circulaire, c’est que le cercle se referme et on se retrouve là où nous avons commencé. Back to the roots. »

Propos recueillis par Marie-Astrid Heyde
Photos : Ramborn
Extrait du dossier du mois Infogreen « Circul’ère »

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Publié le jeudi 6 avril 2023
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