Des actions pour s’engager dans l’économie circulaire au Luxembourg
Comment inscrire les activités de son entreprise dans la durabilité ? En adoptant des principes d’économie circulaire et en se penchant sur la responsabilité sociale de son business, comme le font ces cinq acteurs du changement.
La commune de Wiltz, le Circular Innovation Hub et in4green - le réseau des partenaires infogreen en action -, ont organisé début mars le premier grand rendez-vous débat de l’année 2024 sur la thématique de l’économie circulaire, en présence de l’échevine de Wiltz Chantal Kauffmann.
« C’est très motivant pour nous de voir que de plus en plus de personnes s’intéressent au thème de l’économie circulaire. Cela témoigne d’un engagement envers un avenir plus durable et plus responsable. Des événements comme celui-ci sont des opportunités de partager des idées, d’inspirer et d’être inspirés. »
Chantal Kauffmann, échevine de la commune de Wiltz
Le public a répondu présent et s’est montré très intéressé par les interventions du panel d’experts lors d’une discussion animée par Frédéric Liégeois (infogreen.lu) et Ariane Bouvy (Circular Innovation Hub).
« La transition vers l’économie circulaire positionne le Luxembourg et la commune de Wiltz comme pionniers dans la promotion de pratiques commerciales responsables. »
Frédéric Liégeois, fondateur Picto Communication Partner (infogreen.lu)
À l’aide de ces morceaux choisis, découvrez comment des entreprises, un établissement public, un groupement d’intérêt économique et une coopérative parviennent à gérer les ressources planétaires de façon plus durables dans un objectif de production et de consommation responsable.
À terme, l’objectif est clair : aboutir à un écosystème circulaire luxembourgeois, en poussant l’écoconception dans l’innovation, en redéfinissant la notion de déchet vers celle de ressource et en valorisant les démarches vertueuses telles que la réutilisation.
Des projets prometteurs et variés étaient au centre des débats, à savoir :
La remise en question de la gestion des déchets
Le groupe Polygone rassemble différentes activités, notamment un département prestations de services pour la déconstruction d’ouvrage, et la construction modulaire via sa société fille OIKOS-concept.
« Avec OIKOS-concept, nous sommes déjà dans la circularité. Par définition, le bâtiment modulaire représente une vision circulaire de l’économie. Nous avons d’ailleurs le plaisir d’avoir été choisis par le Fonds du Logement pour la mise en œuvre de 42 habitations pour un total de 200 modules dans le quartier Wunne mat der Wooltz à Wiltz.
Pour le second axe de l’entreprise - la gestion des déchets -, il y a un réel challenge. Quand on fait de la déconstruction aujourd’hui, on génère des déchets. Quand on entend ce que l’Union européenne veut faire des déchets à l’horizon 2030-2050 (1), ça constitue une vraie menace pour une entreprise comme la nôtre. Il a donc fallu se demander comment transformer cette menace en opportunité. C’est en traitant à l’avenir des ressources ou bien des matériaux de réemploi. Cela demande de changer réellement le mindset de l’entreprise pour s’adapter à ces réalités.
Ce que nous sommes en train de faire, c’est une sorte d’inventaire par département. À savoir que nous avons déjà des actions qui peuvent rentrer dans la circularité, sans peut-être même s’en rendre compte. Lorsque nous aurons établi cet inventaire, nous définirons ce dont chaque département a besoin pour être réellement intégré dans l’économie circulaire.
La difficulté va être de travailler sur deux activités en parallèle : l’activité traditionnelle qui permet à l’entreprise de vivre, avec des résultats à atteindre annuellement, et une activité circulaire qui, elle, ne sera pas rentable dans les premiers temps. »
Eric Dziechciarek, directeur marketing du groupe Polygone
Les outils, de marchandises à services
General Technic - petite entreprise de 16 personnes – est un distributeur multi-marques pour le matériel des composants techniques du bâtiment : chauffage, pompe à chaleur, systèmes de pompage, etc.
« Nous nous sommes demandé comment nous pouvions faire vivre un outil qu’on retrouve tous les jours sur un chantier, tel qu’une visseuse. Nous ne voulons pas vendre une visseuse, mais la proposer en tant que service. On garantit au client la fonctionnalité de la visseuse, contre une mensualité, sur une durée de 3 ans. À l’issue du contrat, nous faisons en sorte de faire revivre ces machines, de les réutiliser dans le cercle de l’économie circulaire, en les réparant, en les proposant à des associations, en les intégrant dans un mode d’économie de partage, etc.
Après 4 ans d’activités, les premières machines commencent à revenir. Ce qui est très positif pour nous, c’est que 90 % de ces clients ont renouvelé les contrats et de nouveaux clients nous rejoignent. Par contre, nous avons 10.000 machines en location, pour lesquelles il faudra trouver une 2e vie. Pour cela, nous sommes continuellement à la recherche de partenaires. »
Tom Kieffer, CEO de General Technic
La construction d’habitations circulaires
Le Fonds du Logement est un établissement public autonome sous la tutelle du ministère du Logement qui travaille notamment sur le quartier circulaire Wunne mat der Wooltz sur une ancienne friche industrielle de 25 hectares. À terme, 2.000 habitants vont s’y installer.
« Le quartier Wunne mat der Wooltz est un projet pilote de construction circulaire, au niveau national qui a l’ambition de devenir une référence en tant que quartier durable. Pour cela, il a été développé sur base de quatre piliers de l’économie circulaire : économie solidaire et de partage, développement urbanistique et architectural innovant, optimisation dans l’utilisation des matières et optimisation dans l’utilisation des énergies. Dans le développement des PAP, des lignes directrices ont été données. Quelques exemples : places de parking centralisées, mobilité douce, car-sharing, bike-sharing, toiture verte, panneaux photovoltaïques … Tous ces prérequis ont un impact sur la façon de créer les bâtiments.
Le potentiel de développement et d’amélioration est énorme. On progresse de jour en jour. »
David Reichling, chef de projet au Fonds du Logement
Le regroupement en coopérative pour donner plus de pouvoir à la collectivité
Mise en place en octobre 2022, la coopérative EnCoWo a émergé en parallèle du projet Op Heidert, autre quartier résidentiel et projet pilote circulaire sur le territoire de Wiltz, pour assurer un apport en électricité renouvelable.
« Un des points importants dans le lotissement, c’est le concept énergétique, avec premièrement un réseau de chauffage à basse température par géothermie, qui sert à chauffer et à rafraîchir les maisons. Pour compléter ce concept, on a opté pour de l’électricité issue d’énergie renouvelable, grâce à une toiture verte avec panneaux photovoltaïques. Soit les propriétaires installent eux-mêmes les panneaux, ou, s’ils n’ont pas les moyens de faire ça, ils peuvent laisser leur toiture à disposition de la coopérative pour au moins 20 ans, et la coopérative va installer les panneaux photovoltaïques. »
Charlotte Origer, ingénieur en environnement à la Commune de Wiltz
« Les fonds viennent de la vente des parts. La coopérative est ouverte à tout le monde, en achetant des parts d’une valeur de 150 euros chacune. Il y a une assemblée générale annuelle lors de laquelle chaque coopérateur dispose d’une voix.
Nous avons réalisé une première installation sur le bâtiment de l’école fondamentale et une seconde installation est planifiée. Nous sommes sur une bonne trajectoire, malgré des débuts difficiles en raison des différentes crises. »
Marc Lorang, président de la coopérative EnCoWo
Cleantech : projets pilotes et soutien aux entreprises
Luxinnovation donne aux entreprises « les moyens d’innover aujourd’hui afin qu’elles soient prêtes pour demain ». L’agence de l’innovation du Luxembourg propose de nombreux services gratuits à destination d’entreprises de toutes tailles et mène des projets phares, notamment à travers le cluster Cleantech qui comprend environ 350 entreprises.
« Dans le cadre des Cleantech, on a cherché à se positionner et on a rapidement identifié le secteur de la construction qui est le seul à avoir une chaîne de valeur presque complète au Luxembourg. Je peux citer 4 projets dans ce secteur :
- Mettre en place une plateforme de recyclage béton. Il s’agit d’un projet très concret demandé par les industriels. Un bureau d’études va nous fournir en fin d’année ses résultats concernant la quantité d’agrégat disponible pour le recyclage.
- La création d’une plateforme de réemploi. Des premiers pas vers plus de circularité ont déjà été effectués grâce aux plateformes virtuelles de Schroeder & Associés et de BIM-Y. L’objectif de Luxinnovation est de développer une plateforme physique, comme l’a fait, par exemple, la ville d’Utrecht. Nous souhaitons dupliquer cette banque de matériaux sur un modèle luxembourgeois. Aujourd’hui on n’a pas la solution parce qu’on manque d’espace. Je pense qu’on va le trouver mais ça prend un peu de temps.
- Avec Neobuild et le List, nous travaillons sur la réutilisation de l’eau. Des entreprises comme Rout Lëns RootLens veulent mettre en place des doubles réseaux de récupération des eaux grises. Les directives européennes vont également dans ce sens.
- Le dernier projet est l’organisation de workshops sur la récupération de la chaleur fatale dans l’industrie et la construction, les 26 mars et 23 mai avec différents partenaires, dont le List. ArcelorMittal a déjà mis en place un système de récupération de chaleur et d’autres industriels vont suivre.
Nous sommes dans une période d’augmentation des prix des matériaux et de l’énergie. Ce sont des cycles assez longs, qui ne vont pas s’arrêter demain. L’économie circulaire a donc sa justification. »
Charles-Albert Florentin, cluster manager Cleantech à Luxinnovation
Marie-Astrid Heyde
Photos : infogreen.lu
1 Conformément à la directive européenne sur les décharges, les pays de l’UE doivent réduire la quantité de déchets municipaux envoyés en décharge à 10 % ou moins du total des déchets municipaux générés, et cela d’ici 2035.