
Béton et bois : construire demain dans un Luxembourg en transition
Malgré une crise structurelle touchant l’immobilier au Luxembourg, le secteur de la construction s’engage vers des solutions innovantes et durables. Thomas & Piron, acteur clé, réinvente les pratiques avec des projets « green », conciliant besoins économiques et impératifs environnementaux.
Présent au lancement du dernier magazine 4x3, François-Xavier Gilen, Luxembourg Sales Manager chez Thomas & Piron, a présenté le tableau actuel du secteur de la construction au Grand-Duché.
Un constat doux-amer… avec une pointe d’optimisme
« Il existe, malgré cette situation qui est un petit peu compliquée pour les secteurs, un avenir plein de possibilités pour la construction. Ces derniers mois, j’ai participé à beaucoup de réunions sur le secteur de l’immobilier. La crise immobilière fait souffrir beaucoup de personnes, mais toutes souhaitent tout de même garder le cap. »
François-Xavier Gilen a tenu à mettre en avant les notions de social et de durabilité dans le secteur de la construction. « Cela fait 22 ans que je travaille pour Thomas & Piron. À l’origine, c’était une société spécialisée dans de la construction en béton ou en briques en Belgique. Elle n’avait pas, au départ, d’ADN spécifique de durabilité. Il y a 48 ans en 1976, Monsieur Piron a rénové la maison de ses grands-parents. Aujourd’hui, il est à la tête de 3.200 collaborateurs. La société construit 780 maisons et 750 appartements par an, tout en étant active dans six pays différents. Le marché grand-ducal, c’est environ 200 logements par an, dont une quinzaine de maisons durables labellisées ‘Tomwood’. »
Il a également tenu à mettre en avant les qualités des équipes. « Nos 300 salariés luxembourgeois sont formés régulièrement, notamment à l’IFSB à Bettembourg pour s’acclimater aux nouvelles techniques de construction. »
Une crise aux multiples facettes
« Une des nombreuses raisons de la crise actuelle, c’est la grande inertie qui existe du côté des pouvoirs publics. » Et pour appuyer ses dires, il prend l’exemple d’un grand projet réalisé à Junglinster.
« Nous avons acheté, en 2017, un terrain de presqu’un hectare que nous avons mis en vente en 2022. Au Luxembourg, pour développer une surface vierge, on met en moyenne entre 4 et 9 ans avant de pouvoir commencer à parler du projet à des futures acquéreurs et investisseurs. Il y a toute une série de dynamiques qui sont actuellement en réflexion avec les pouvoirs publics pour essayer d’accélérer les choses et de soulager en quelque sorte les frais financiers générés par un long développement. »
À Junglinster, la construction de 49 maisons et cinq résidences a démarré. « Nous avons misé sur un projet « green » avec une systématisation des panneaux solaires photovoltaïques, des citernes d’eau de pluie, ou encore des toiture verte intensive de 50 centimètres d’épaisseur qui peuvent stocker l’eau de pluie pour éviter d’engorger les réseaux publics. Les maisons disposent également de borne intelligente pour charger les voiture électriques. »
Une maison témoin démontre à la clientèle et aux futurs investisseurs les potentiels des nouvelles technologies. « Dans ce type de projets, nous laissons systématiquement le choix aux acquéreurs de travailler en ossature bois ou d’opter pour une ossature traditionnelle béton. Évidement le pouvoir d’achat pèse assez lourd dans ces décisions, surtout qu’il a baissé d’environ 20%, principalement à cause des augmentations des taux de crédit hypothécaires. »
Interrogation sur la durabilité
François-Xavier Gilen reste assez réaliste. « Depuis le début de la crise fin 2022, on arrive de moins en moins à commercialiser des maisons durables. Nous avons l’expérience d’avoir pu labelliser 14 maisons durables, selon les critères Lenoz que le gouvernement a mis en place en 2017. C’est évidemment peu depuis le lancement de la loi en 2017. Et je m’interroge aujourd’hui sur le potentiel des futures années. Pourquoi ? On a une dichotomie, un combat avec des intérêts économiques. Les gens cherchent à se loger et n’ont pas de budget extensible. »
Mon équipe de représentants commerciaux fait le constat que le Green Deal, les émissions de CO₂ et les accords de Paris, sont des notions qui ne sont pas comprises, et donc qui passent au second plan. La priorité des investisseurs, c’est l’économie. On sait qu’un projet durable, avec ossature bois et toute une série de matériaux respectueux de l’environnement, coûte entre 6 et 8 % plus cher qu’une maison ou un appartement en ossature béton traditionnelle. »
Il y a donc un challenge important que Thomas & Piron souhaite relever. « Nous avons décidé récemment de commencer à construire nous-mêmes dans les villages de Bourscheid et de Ell, des maisons durables à ossature bois pour pouvoir montrer ce que c’est. Je pense que les investisseurs et les privés ont besoin d’exemples concrets pour pouvoir toucher, vivre, respirer dans une maison ou un appartement durable. Ça fait partie des décisions que l’entreprise a pris en suivant le concept ‘Tomwood’ de maison ossature bois. »
Malheureusement, il y a une culture luxembourgeoise qui est lente à faire évoluer, probablement plus lente que les notions environnementales dont le monde a besoin. « Force est de constater que beaucoup de futurs acquéreurs de maisons veulent de grands garages. Quand on propose un garage de 36 m2, il n’est pas assez grand. La majorité des clients veulent la même maison que leurs parents ou leurs grands-parents, avec des surfaces habitables de 250-300 m2, pour être sûrs d’avoir assez de place. Aujourd’hui, on est encore confrontés à ce type de réflexion de manière très récurrente. Et tant que ça ne change pas au niveau culturel, ce sera difficile de faire évoluer les choses. »
Sébastien Yernaux
Photos : Fanny Krackenberger