Une transition qui passe par la coopération

Une transition qui passe par la coopération

L’éradication progressive du plastique à usage unique se poursuit. Pour trouver les alternatives les plus adaptées aux différents secteurs, la collaboration est de mise.

Dès 2025, les boissons et repas, qu’ils soient emportés ou consommés sur place, devront être servis dans des contenants réutilisables. Le café attrapé au vol sur la route du travail, les pizzas commandées pour une soirée entre amis ou le cornet de pâtes dégusté lors d’un festival sont trois exemples vous permettant de visualiser le défi : comment remplacer ces emballages jetables par des contenants lavables et réutilisables, tout en maintenant le côté pratique de ces achats souvent spontanés ?

Le cadre légal

En 2021, les déchets en plastique représentaient 16% du poids des poubelles des ménages luxembourgeois, soit 26 kg par personne par an. Une baisse de 6 kg par rapport à 2018, toutefois en partie contrebalancée par les déchets de matériaux composites jetables qui se sont substitués à certains emballages plastiques. Remplacer du jetable par du jetable ne peut pas être considéré comme une solution durable.

Pour davantage endiguer ces chiffres, les nouvelles dispositions du paquet de lois « déchets et ressources », publié en juin 2022, poursuivent leur intégration dans les pratiques courantes des secteurs concernés. Ainsi, depuis janvier 2023, les restaurants doivent servir les biens consommés dans leur enceinte dans des contenants lavables. Dès le 1er juillet, les fruits et légumes ne pourront plus être vendus dans des emballages à usage unique. Ces dispositions nécessitent bien entendu le développement de solutions alternatives, moins polluantes.

Le changement prévu à l’horizon 2025 doit donc être anticipé, préparé. Qu’il s’agisse de l’après-match du club de foot local ou de la Schueberfouer, toutes les consommations devront être servies dans des emballages réutilisables. Pour le consommateur, cela signifie au pire une caution à payer et un contenant à ramener après dégustation, mais l’organisateur a pour sa part la responsabilité de se procurer suffisamment de gobelets, par exemple, et/ou d’effectuer un nettoyage rapide afin d’assurer un roulement optimal.

À noter que ces efforts anti-gaspi font partie des mesures demandées dans le cadre de l’obtention du label national Green Events, récompensant les événements qui cherchent à réduire leurs impacts négatifs sur l’environnement et les habitants.

Le « tupperware » luxembourgeois

Face à ces défis, des initiatives, tantôt locales, tantôt régionales, émanant du privé comme du public, tentent d’amorcer l’exercice. Le plus connu à l’échelle nationale est probablement l’Ecobox, un des premiers systèmes mis en place pour le secteur Horesca dans le but de réduire les emballages uniques et de lutter contre le gaspillage alimentaire.

- ©SDK


« L’Ecobox a notamment permis d’encourager les gens à emporter leurs restes, ce qui par le passé en gênait plus d’un  », explique Romaine Stracks, conseillère et coordinatrice de projets à la SuperDrecksKëscht, une marque qui a été mise en place dans le cadre des tâches qu’assume l’état luxembourgeois en matière de gestion des ressources.

Romaine Stracks, conseillère à la SuperDrecksKëscht
Romaine Stracks, conseillère à la SuperDrecksKëscht - ©SDK

« L’Ecobox est réemployable presqu’à l’infini à condition d’être correctement employée. Elle est fabriquée par Ornamin en Allemagne, une usine spécialisée dans les récipients en plastique destinés aux personnes âgées et handicapées et est donc incassable ». La caution est généralement fixée à 5 euros et le nombre de prestataires ne cesse de croître à travers le pays. Des couverts lavables sont également disponibles.

Synergies du sud

Le site ecobox.lu permet aussi de faire un tour d’horizon des autres prestataires proposant des emballages réutilisables – il convient d’ailleurs, à tous ceux offrant ce type de produits, de se manifester auprès de SDK afin de compléter la liste présentée.

On y retrouve notamment la start-up Luloop - lauréate des Circular by Design Awards 2023 dans la catégorie Événements commerciaux durables - et dont le gobelet Loopcup a commencé à circuler dans les rues de Dudelange début 2022. À présent bien répandue dans le sud et la capitale, la Loopcup s’adresse tant à l’Horesca qu’aux administrations et entreprises, qui doivent toutefois être en mesure de laver professionnellement les gobelets en polypropylène. Le catalogue Luloop comprend également des accessoires mangeables (cuillères et touillettes en biscuit) et s’élargit à d’autres types de contenants alimentaires destinés au transport de nourriture (pâtes, salades, frites, pizzas, etc.), lui aussi concerné par la disposition de janvier 2025.

Toujours dans le sud du pays, l’entreprise Reka-Packaging – anciennement Italux – se spécialise également dans les contenants alimentaires réutilisables. L’Ecocup, un gobelet lavable et personnalisable, est disponible dans différents formats. Des barquettes, boites à pizza, bols ou encore assiettes et plats sont également proposés à la vente. Non loin de Betzdorf, Ruppert est en mesure d’offrir le même type de produits et services.

À travers le pays, les communes ont déjà l’obligation de disposer d’alternatives aux emballages en plastique à usage unique depuis janvier 2023. Certaines avaient pris les devants et disposent depuis quelques années d’un stock de gobelets lavables. La Ville de Differdange, par exemple, met à disposition des gobelets « Cup System » de Boissons de Contern gratuitement à disposition des associations, ainsi qu’une remorque permettant de disposer de vaisselle et de lave-vaisselles sur roues (« Spullweenchen ») pour un maximum de 150 personnes, à prix abordable. Une aide étatique est d’ailleurs prévue pour soutenir les communes dans l’acquisition de ces dispositifs de nettoyage nomades ou stationnaires.

Certains syndicats intercommunaux ont saisi l’ampleur de la tâche et ont créé des synergies afin de mener à bien cette transition durable. Toujours dans le sud du pays, Pro-Sud a investi dans 133.000 gobelets, tandis que les communes de la même région en totalisent 131.000 – des achats qui ont également été incités par l’événement Esch2022.

Les retombées positives concernent non seulement l’environnement mais aussi le social, puisqu’une station de lavage gérée par le Centre d’initiative et de gestion local (CIGL) de Sanem a été ouverte à Belvaux et emploie des bénéficiaires de l’Adem en réinsertion professionnelle. « Actuellement, nous pouvons laver jusqu’à 2.000 gobelets par heure. Pendant la même heure, les boîtes sont également nettoyées, vidées et contrôlées », explique Jessica Birklé, responsable de la Spullkëscht.


« Il faut compter 7 minutes pour un cycle complet, incluant la pose du gobelet, le lavage et le séchage », Jessica Birklé du CIGL Sanem.

Le démarrage du lave-vaisselle professionnel requiert 220 litres d’eau. Tout de même durable ? « Oui, car le lavage se fait en étapes et l’eau est récupérée pour être réutilisée dans le lavage suivant. La même chose s’applique à la chaleur, qui est également réutilisée. »

- ©CIGL Sanem

Solutions multiples dans la capitale

La Spullkëscht de Sanem ne devrait pas manquer de travail, puisque c’est également là que sont nettoyés les 5.000 gobelets du tout nouveau système Spin, lancé par Valorlux sous forme de phase pilote en accord avec une quinzaine de commerçants de Luxembourg-ville.


Corinne Bremer, responsable du développement durable de l’asbl spécialisée dans le recyclage et la valorisation des déchets d’emballages des entreprises : « Lorsque le nouveau texte de loi a été annoncé, nous nous sommes dit que nous avions la responsabilité de proposer une solution à nos membres. Chacun a la possibilité de créer son propre système, mais l’union fait la force, et c’est évidemment bien moins cher si on le fait ensemble ».

Après avoir sondé ses membres, dont les infrastructures souvent restreintes ne permettent ni le stockage, ni le lavage des contenants, Valorlux a opté pour une solution all inclusive, centralisant les diverses étapes du circuit. Et a été encore un cran plus loin, en anticipant les exigences de reporting bientôt imposées par Bruxelles : « ils sont fabriqués en Allemagne, près de Munich, par la seule usine qui était en mesure d’apporter à la fois la qualité recherchée mais aussi la possibilité de graver un QR code unique dessus, qui permettra d’un côté aux consommateurs d’effectuer leurs emprunts de manière digitale, et à nous de tracer les gobelets pour prouver les rotations. »

Pour motiver les utilisateurs, aucune caution n’est requise. Via une app, une notification leur rappelle de déposer le gobelet chez un commerçant participant. « Après 12 jours, on considère qu’ils souhaitent le garder et on le leur facture alors à hauteur de 5 euros.  »

- ©Valorlux

La réussite d’une telle transition passera par la capacité des différents acteurs concernés à trouver les solutions adéquates. Dans la capitale, si certains sont encore frileux à l’idée de passer par une app et de savoir leur gobelet « tracé », ils peuvent envisager la solution « Cup2Go ».


Nicole-Anne Isaac, assistante déléguée à l’environnement : « Nous avons lancé Cup2Go en 2022 pour inciter les citoyens à prendre leur propre tasse pour la remplir de leur café favori et ainsi encourager la consommation écoresponsable. Avec une soixantaine d’entreprises participantes, la Ville de Luxembourg est plus que satisfaite du succès de cette initiative. »

Enfin, pour ses propres événements, « la Ville a choisi Cup Système de Boissons de Contern, qui assure le transport, le stockage, le lavage ainsi que la distribution des gobelets aux organisateurs agréés par la Ville. En ce qui concerne les verres et la vaisselle en porcelaine et couverts utilisés lors des moments solennels et/ou officiels, la Ville de Luxembourg peut faire recours autant à des services internes, qu’aux prestataires externes, en dépendant de la disponibilité et de la quantité requise », précise encore l’employée communale.

Unis dans le nord

- ©Mubowl

Autre start-up ayant récemment rejoint le marché de l’événementiel, Mubowl a pris ses quartiers à Wiltz, avec son support multifonctionnel pouvant accueillir de la nourriture et tenir un gobelet et un cornet de frite, par exemple. Pour se désaltérer sans jeter, Boissons Heintz met en location verres à vin, à champagne, à bière, etc. tout en se chargeant du nettoyage.

Les communes du nord du pays sont également actives dans leur recherche du meilleur modus operandi. C’est cette fois le Naturpark Our qui a lancé une coopération avec l’ensemble des communes du nord, incluant celles du parc de la Haute Sûre, mais aussi les grandes villes comme Diekirch. Le point de départ : une réunion pour définir les besoins des différents acteurs.


Emile Eicher, président du Naturpark Our : « Nous avons vite compris qu’il fallait faire une distinction entre les grands événements comme la foire agricole avec 30.000 participants qui nécessitent des milliers de gobelets et les petits rassemblements associatifs ou autres ».

Emile Eicher, président du Naturpark Our
Emile Eicher, président du Naturpark Our - ©Syvicol

Le Naturpark Our a investi dans 15.000 gobelets – produits en France - mis à disposition des communes partenaires. Ceux-ci s’ajoutent aux gobelets déjà obtenus par certaines communes, à l’instar de Clervaux qui en possède 25.000 qui sont régulièrement prêtés. Renforçant une nouvelle fois l’emploi du secteur social, c’est à l’APEMH – association de parents d’enfants vivant avec un handicap intellectuel - que le parc naturel délègue le nettoyage quand il peut être effectué durant la semaine, tandis que pour les week-ends diverses communes ont investi dans des remorques lave-vaisselle. « Nous pouvons ainsi couvrir les différents besoins tout au long de l’année, mais il reste le problème de la fête nationale où une large quantité de gobelets est demandée partout à travers le pays, au même moment. » Une alternative dans ces cas de grosses affluences est de revenir au verre lorsque c’est possible.

Le Naturpark Our est également à la recherche de solutions pour d’autres types de contenants alimentaires. « Nous nous intéressons à tout ce qui se fait en Europe, mais c’est un nouveau marché, il faut lui laisser le temps de se développer. » En témoignent les diverses start-up qui viennent intégrer la boucle vertueuse qui est en train de se mettre en place.

Soucieux de suivre cette transition de près, le ministère de l’Environnement, du Climat et du Développement durable et le Syvicol ont lancé, courant mai, une circulaire visant à sonder les communes sur la disponibilité des récipients réemployables et des installations de lavage. Premier bilan après le 30 juin.

Marie-Astrid Heyde
Photo principale : Luloop

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Publié le mercredi 14 juin 2023
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