Saturation des infrastructures de mobilité : le pire sera-t-il évitable avec le télétravail ?

Saturation des infrastructures de mobilité : le pire sera-t-il évitable avec le télétravail ?

Depuis le printemps 2021, la levée progressive des restrictions (loisirs, Horeca, …) a eu un réel effet sur les conditions de mobilité. Le trafic automobile a même dépassé son niveau d’avant crise dès la fin du mois de mai. Cela illustre le fait que l’augmentation du télétravail n’est pas la seule à avoir eu un effet pendant la pandémie, de nombreuses autres restrictions ont également accentué la baisse des déplacements. Analyse de Vincent Hein, Senior Economist à la Fondation IDEA.

L’extraordinaire dynamisme économique luxembourgeois de ces dernières années a eu des conséquences sensibles en termes de conditions de mobilité. Entre 2016 et 2019, le pays a créé autour de 15.000 emplois par an, ce qui représenterait, compte tenu des habitudes de mobilité renseignées par l’enquête Luxmobil de 2017, l’équivalent de 9.150 voitures supplémentaires sur les routes du pays, de 1.800 nouveaux passagers de covoiturage, de 2.850 nouveaux usagers des transports en commun et de 1.200 adeptes de la mobilité douce chaque année.

Avec les tensions sur le marché immobilier, il s’agit certainement de la manifestation la plus concrète des goulets d’étranglement du modèle économique et spatial du pays. Cela est d’autant plus préoccupant que d’après les projections démographiques, le Grand-Duché pourrait accueillir d’ici à 2030 quelques 135.000 habitants supplémentaires et près de 110.000 nouveaux employés dont environ 60.000 seraient des frontaliers[1].

Au regard de ces éléments, il n’est pas surprenant que la piste d’un développement soutenu du télétravail soit régulièrement mentionnée. De surcroît, la part des emplois potentiellement concernés au Luxembourg est particulièrement élevée (environ 1 emploi sur 2)[2], en raison de la forte tertiarisation de son économie.

Avec les vagues épidémiques successives, l’expérimentation tout aussi forcée que massive du télétravail a eu des effets sur la mobilité, en particulier au printemps 2020 où les mesures sanitaires étaient les plus fortes. Entre mars 2020 et mars 2021, les déplacements routiers ont en moyenne baissé de 15% et l’utilisation des transports en commun de 34% en comparaison au début de l’année 2020[3]. Le nombre d’heures moyen passé dans les bouchons est quant à lui passé de 163 heures en 2019 à 105 heures en 2020[4].

Mais depuis le printemps 2021, la levée progressive des restrictions (loisirs, Horeca, …) a eu un réel effet sur les conditions de mobilité. Le trafic automobile a même dépassé son niveau d’avant crise dès la fin du mois de mai. Cela illustre le fait que l’augmentation du télétravail n’est pas la seule à avoir eu un effet pendant la pandémie, de nombreuses autres restrictions ont également accentué la baisse des déplacements.

Source Apple Covid mobility trend, calculs Fondation IDEA.

Si l’expérience aura donc prouvé que des marges de manœuvre existaient, il ne faut pas pour autant considérer le télétravail comme solution unique aux problèmes de mobilité au Luxembourg si d’autres efforts ne sont pas menés par ailleurs en matière d’aménagement du territoire et d’incitation à la mobilité durable, ne serait-ce que pour absorber les flux générés par les habitants et employés supplémentaires attendus les prochaines années.

Vincent Hein - Fondation IDEA, partenaire Infogreen


[1] Calculs Fondation IDEA asbl.
[2]D’après Jonathan I. Dingel and Brent Neiman (2020), BFI, University of Chicago, 53% des emplois au Luxembourg sont télétravaillables, contre 45% en Suisse, 44% au Royaume-Uni, 42% en Belgique, au Pays-Bas et aux Etats-Unis, 38% en France, 37% en Allemagne.
[3] Source : Apple, Rapports sur les tendances de mobilité, calculs IDEA.
[4] Source : TomTom Traffic Index.

Article tiré du dossier du mois « Mobilis in mobile »

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Publié le mardi 5 octobre 2021
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