Mobilité durable : convertir 73.000 salariés avant 2025

Mobilité durable : convertir 73.000 salariés avant 2025

Ce n’est un secret pour personne, le Luxembourg souffre de congestion routière (et même ferroviaire). Le TomTom Traffic Index nous apprend que sur l’année 2018, il fallait en moyenne ajouter 33% au temps de trajet théorique pour un déplacement en voiture, un niveau comparable à celui de Sydney, Genève, Hambourg ou encore Shanghai.

Dans ce classement de 403 aires urbaines, Luxembourg est la 64e la plus encombrée. À noter qu’il ne s’agit là que d’une moyenne 24h/24, 7j/7, car les lundis, mardis et mercredis entre 8h00 et 9h00, ce temps additionnel s’élève à 68% et culmine même à 72% le vendredi entre 17h00 et 18h00 (ce qui signifie, qu’en moyenne, un trajet théorique d’1h00 en prend 1h43 sur ce créneau horaire).

On fait souvent le lien entre la saturation des infrastructures de transport et la croissance continue de la main-d’œuvre frontalière. Effectivement, avec une moyenne de 133 frontaliers supplémentaires par semaine depuis cinq ans et une distance domicile-travail d’environ 38 km pour ces derniers (Enquête Luxmobil 2017), on comprend assez vite à quel point les contraintes d’utilisation des infrastructures se sont considérablement renforcées. Et le nombre de salariés résidents a lui aussi continué de croître avec, sur la même période, 121 nouveaux postes créés par semaine. Si ces derniers habitent en moyenne à 13 km de leur lieu de travail, ils n’empruntent pas pour autant des tronçons les moins saturés...

Au total, 73% des salariés utilisent leur voiture pour se rendre au travail, 19% prennent les transports en commun, 6% se déplacent à pied et 2% à vélo d’après l’enquête Luxmobil de 2017. Si l’on tient compte de cette répartition modale, les 254 nouveaux salariés hebdomadaires représenteraient donc l’équivalent de 155 voitures supplémentaires (en comptant 1,2 passager par voiture conformément aux résultats de l’enquête Luxmobil) et d’un nouveau bus (en considérant que chaque usager des transports en commun prenne le bus et en comptant 48 passagers par bus)... Chaque semaine ! À cela s’ajoutent 15 piétons et 5 cyclistes.

En outre, les déplacements domicile-travail ne sont pas les seuls à faire monter la pression au Grand-Duché. Au plus fort du pic matinal, ces derniers ne représentent qu’un peu plus de la moitié des déplacements, les mobilités domicile - école comptent pour le tiers du total et les déplacements privés pour plus de 10% (ce qui veut aussi dire que les frontaliers ne représentent finalement « que » 25% des personnes qui se déplacent au plus fort du pic matinal).

L’année dernière, le Luxembourg s’est doté d’une « Stratégie pour une mobilité durable » qui ambitionne à l’horizon 2025 de « réduire la congestion aux heures de pointe, tout en transportant 20% de personnes de plus qu’en 2017 ». Concrètement, en comparaison à un scénario dans lequel les nouveaux salariés garderaient le même comportement que les salariés de 2017, la stratégie reviendrait d’ici 2025 à « éviter » 73.000 nouveaux conducteurs de voitures. 34.000 devraient se « convertir » en passagers de covoiturage, 14.500 en usagers des transports en commun, 14.500 en piétons et 10.000 en cyclistes (calculs IDEA)…

Ces ordres de grandeur donnent une idée du défi qui attend tous les acteurs concernés par la mobilité sur le court terme. Constructions et rénovations d’infrastructures, achats de trains, de bus, gestion intelligente des flux, (dés)incitations fiscales, éducation, coopération transfrontalière, aménagement du territoire, logement, soutien à des nouveaux services, flexibilité du travail, urbanisme, il sera difficile d’y arriver sans activer pleinement tous les leviers disponibles.

Vincent Hein, économiste à la Fondation IDEA
Photo : Licence CC

Article tiré du dossier du mois Infogreen Chacun sa route

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Publié le lundi 23 septembre 2019
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