Les nouvelles conceptions de la construction circulaire

Les nouvelles conceptions de la construction circulaire

Une action anticipée sur les causes permet d’éviter certaines crises. C’est le rôle de l’écoconception.

Dès le premier jet du projet : mieux ordonner les matériaux et les ressources, gérer le réemploi et la réutilisation, utiliser tout le potentiel du digital pour améliorer l’efficacité énergétique et réduire continuellement l’impact environnemental des bâtiments. Par tous les moyens.

Le bâtiment circulaire est un assemblage de modes de pensée disruptifs. Patty Koppes, chef de projet en économie circulaire à la commune de Wiltz le définit comme « un changement systémique » où le moindre détail compte.

Pour exemple, la rénovation de l’Hôtel de Ville de Wiltz, « la Villa Thilges », une ancienne maison patricienne. La philosophie circulaire a pris corps jusque dans les robinets déversant au choix, une eau plate filtrée et une eau pétillante.

Le but, évidemment, est de faire disparaître toutes les bouteilles en plastique. La préservation des ressources passe par l’application de l’intégralité des bonnes idées.

Comme « hotspot national de l’économie circulaire », la commune de Wiltz est un laboratoire à ciel ouvert de l’inversion des valeurs. Du linéaire au circulaire. La réhabilitation de l’Hôtel de Ville a également largement usé du réemploi. La charpente, les poutres et les planchers ont été récupérés pièce par pièce. Les matériaux non recyclables comme le polystyrène ont été exclus du chantier.

Au sein de Bamolux, on défend aussi un renouveau conceptuel : le leasing dans la construction. Geoffrey Debertry, directeur de l’Administration, du Développement et des Ressources humaines chez Bamolux, ose même : « l’accès à la propriété est démodé ».

JuuNoo incarne cette volonté d’avenir. C’est une cloison entièrement démontable, repositionnable et réutilisable. Rapidement et simplement. « On essaie d’imaginer trois à quatre utilisations futures », ajoute Geoffrey Debertry et de proposer « une location avec ou sans achat ». L’entreprise prospecte toutes les solutions de leasing : « portes, moquettes, plafonds, etc. »

À plus grande échelle, certains édifices émanent déjà d’une réflexion entièrement circulaire. Pour Isabelle De Bruyne, Chief Sustainability Officer chez CFE Group, le projet ZIN à Bruxelles, la rénovation de deux tours du complexe WTC, coche de nombreuses cases dans l’obtention de la note maximale en durabilité.

La construction circulaire modifie aussi la perception de l’architecture. Le bâtiment pourra s’adapter dans le futur à un usage changeant, notamment par l’addition de nouveaux volumes aux plateaux à double hauteur. La modularité est devenue une constante de l’écoconception circulaire.

L’ancien bâtiment est utilisé tel une banque de matériaux, comme matière première. Au final, il devrait être réutilisé à 68 % et ses parties démolies, recyclées à 95 %.

Isabelle De Bruyne pointe le rôle prépondérant du BIM dans ces démarches. Comme presque tous les acteurs du secteur dont Marc Feider, Directeur chez Schroeder & Associés, chef du département Structures génie civil.

Le scan to BIM, la modélisation 3D du bâtiment, crée un relevé dont le but est une planification numérique. C’est profitable à la conception écologique comme à la cartographie des matériaux.

Marc Feider évoque la « maîtrise d’œuvre OAI - MOAI » qui maintient un lien direct entre maître d’ouvrage et concepteurs et opte pour une meilleure médiation entre tous les intervenants. La méthode s’apparente à l’approche holistique. Aujourd’hui, cette vision moderne de l’ensemble, dans la globalité de ses dimensions et fonctions, est également largement plébiscitée par les forces de la construction durable.

Dans les faits, elle révèle des aspects souvent trop méconnus. Ralph Baden, biologiste de l’habitat, membre de l’Institut de Baubiologie (IBN) en Allemagne, rappelle par son travail et ses interventions, l’importance majeure de la pollution des bâtiments dans l’écoconception, le réemploi ou la réutilisation des matériaux.

À quoi bon récupérer ou recycler des matériaux pollués ? Ralph Baden met en lumière la place de la santé dans les critères d’éco-durabilité. Les substances qui sont nocives pour l’homme le sont tout autant pour la faune et la flore. Les écosystèmes du vivant ont toujours été de parfaits modèles de circularité…

Par Sébastien MICHEL
Photos : ZIN Bruxelles / Befimmo
Architectes : l’AUC / Jaspers-Eyers Architects / 51N4E


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Quelle est la différence entre réemploi, réutilisation et recyclage ?

Réemploi : toute opération par laquelle des produits ou des composants qui ne sont pas des déchets sont utilisés de nouveau pour un usage identique à celui pour lequel ils avaient été conçus (loi sur les déchets-LU)

Réutilisation : toute opération par laquelle des substances, matières ou produits qui sont devenus des déchets sont utilisés de nouveau (loi sur les déchets-LU)

Recyclage : toute opération de valorisation par laquelle les déchets sont retraités en produits, matières ou substances aux fins de leur fonction initiale ou à d’autres fins. Cela inclut le retraitement des matières organiques, mais n’inclut pas la valorisation énergétique, la conversion pour l’utilisation comme combustible ou pour des opérations de remblayage (loi sur les déchets-LU)


Toutes les sources de cet article, toutes les interventions et citations sont extraites de la conférence « Construction durable pour des villes résilientes », organisée par le Luxembourg Institute of Science and Technology (LIST) en collaboration avec Luxinnovation et la plateforme Betriber & Emwelt.

Article tiré du dossier du mois « Doheem »

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Publié le mardi 19 septembre 2023
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