
L’électromobilité s’installe dans le présent et prépare l’avenir
Le Luxembourg s’impose comme l’un des pays les mieux équipés d’Europe en bornes de recharge. Pour Didier Mele et Thierry Zehren, experts EV (electric vehicles) du groupe Petro-Center, le défi est désormais de transformer cette avance technique en confiance durable pour les conducteurs.
« L’avenir est forcément électrique », affirme Didier Mele, directeur électromobilité de Petro-Center. Son collègue Thierry Zehren, en charge des infrastructures, ajoute : « Que ce soit en 2030 ou en 2040, nous y arriverons. » Pour ces deux responsables, la transition n’est plus une option, mais une question de rythme et d’acceptation.
Une accélération à deux vitesses

Depuis 2022, le groupe connaît une accélération spectaculaire de son parc de bornes ultra-rapides. La première station équipée a ouvert à la station-service ESSO de Remerschen, marquant ainsi le début d’un déploiement intensif. Deux ans plus tard, le leader luxembourgeois dans le domaine de la recharge ultra-rapide a déjà installé une centaine de points de recharge en courant continu (DC).
« Leur nombre doit atteindre 200 d’ici fin 2025. Le dernier site ouvert en juillet dernier à Esch-sur-Alzette est un des plus puissants du pays, avec douze emplacements et six bornes de 400 kW, soit 2,4 mégawatts. »
Didier Mele, directeur électromobilité de Petro-Center
Aujourd’hui, l’offre dépasse la demande. « Nous construisons des stations de recharge plus vite que le nombre de véhicules électriques n’augmente », observe son homologue. Les ventes de recharges n’évoluent que trop faiblement, même si le parc automobile progresse. « C’est aussi saisonnier. En été, une batterie a plus de capacité qu’en hiver, et les besoins de recharge baissent de 10 à 20 % », ajoute Didier Mele.
Le pays, bien couvert, se concentre désormais sur des projets d’envergure en partenariat avec des propriétaires privés ou des communes. À Differdange par exemple, 51 bornes sont en cours d’installation, dont 19 ultra-rapides, sur neuf sites publics : 102 emplacements de recharge et un projet qui dépassera les 3.000 kW installés, le plus important à ce jour. Mais pour les experts, « le vrai défi des prochaines années sera de garantir la disponibilité maximale de ces infrastructures ».
Des durées et modes de recharge optimisés
Au-delà des chiffres, ce sont les usages qui se transforment. « Conduire une voiture électrique, c’est très agréable, puissant et souple », confie Thierry Zehren, utilisateur au quotidien. D’ailleurs, les collaborateurs de Petro-Center ayant une voiture de fonction roulent tous en 100 % électrique, un choix assumé par la direction. Mais l’expérience change les habitudes. « On ne fait pas forcément le plein. On recharge 15 ou 20 minutes, selon le temps dont on dispose, comme nos parents qui mettaient 500 LUF (francs luxembourgeois) d’essence plutôt que de remplir le réservoir », illustre-t-il.

Le parallèle avec le GPS vient naturellement. « Avant, on préparait une carte routière », poursuit Didier Mele. « Aujourd’hui, on suit une application. Avec l’électrique, c’est la même chose. Il faut anticiper un peu, mais on s’y habitue. » Les autonomies progressent, la recharge rapide divise déjà par deux les temps d’attente, et les batteries 800 V promettent encore plus d’efficacité.
L’enjeu est aussi psychologique, à savoir rassurer l’automobiliste. « L’intégration des paiements par carte bancaire a levé une énorme inquiétude », rappelle le manager. Pouvoir payer simplement, comme partout ailleurs, a fait tomber un frein majeur. L’autre clé réside dans les services. «
« Le groupe a lancé l’app BESTCHARGE, une application gratuite et une carte interopérable utilisable sur près d’un million de points de recharge en Europe. L’idée, c’est que l’électromobilité soit aussi simple que possible, pour un particulier comme pour un professionnel. »
Thierry Zehren, en charge des infrastructures pour Petro-Center
Face aux incertitudes du calendrier européen et aux hésitations de certains constructeurs, les deux hommes restent confiants. « Chaque année, les véhicules progressent, les infrastructures aussi. Le Luxembourg a une longueur d’avance », conclut Didier Mele. « Il faut maintenant transformer cette avance en confiance. »
Sébastien Yernaux
Photos : Petro-Center
Extrait du dossier du mois « En route ! »