« L'économie circulaire, nous sommes déjà en plein dedans ! »

« L’économie circulaire, nous sommes déjà en plein dedans ! »

Témoignage de l’architecte Michelle Friederici, présidente de l’OAI.

Ce n’est plus un secret pour personne : la construction a un impact carbone considérable. Des avancées ont été réalisées ces dernières années dans le domaine de l’efficacité énergétique, pourtant la majorité des émissions de CO2 des bâtiments sont liées non pas à leur utilisation, mais à la production des matériaux qui les composent. C’est pourquoi les concepteurs travaillent dès à présent sur les matériaux.

Selon Michelle Friederici, la pénurie de matériaux à laquelle est confronté le monde de la construction n’est pas nouvelle. Elle a certes été amplifiée par les arrêts de production liés à la crise COVID, mais se fait ressentir depuis 2014 déjà : « Depuis cette date, nous devons essayer de travailler avec les matériaux dont nous disposons. L’économie circulaire, ce n’est pas le futur ; nous sommes déjà en plein dedans ! », affirme-t-elle.

À cette pénurie s’ajoute la nécessité de réduire les émissions de CO2 du secteur de la construction qui sont en majeure partie dues à la production des matériaux. « Il nous faut donc poursuivre le travail sur cette question. Il est nécessaire que les mentalités évoluent. On ne peut pas continuer à construire comme nous le faisons pendant 20 ou 30 ans, on ne peut plus vouloir chacun sa petite maison, isolée des 4 côtés et qui demande beaucoup de matériaux », souligne-t-elle.

Elle cite ensuite deux chiffres clés : « Chaque seconde, 2,7 nouvelles personnes rejoignent notre monde. Et nous avons besoin, dans les pays industrialisés, de 390 tonnes de matériaux au cours de notre vie, pour notre maison, mais aussi pour toutes les infrastructures que nous utilisons. Si nous avions tous recours à ce volume de ressources, il faudrait reconstruire deux fois le monde actuel, ce qui n’est pas faisable ».

Il revient donc, selon elle, aux concepteurs de sensibiliser leurs clients sur le sujet et de les inviter à se projeter dans le futur, pas seulement à l’échelle de leurs enfants mais aussi à celles de leurs petits-enfants. Une piste serait, par exemple, de construire des maisons qui puissent être reconverties sans devoir se lancer dans de grands travaux de transformation.

Et qu’en est-il de la rénovation énergétique des bâtiments existants qui constituent l’essentiel du parc immobilier ? Cela reste, selon Michelle Friederici, un sujet sensible car isoler thermiquement un bâtiment consiste encore à y ajouter des matériaux pour créer une enveloppe isolante, des matériaux qu’il a fallu produire, donc qui ont une empreinte carbone. « Il faut évaluer si le CO2 généré par la production de l’isolant est compensé par le CO2 que la maison ne va plus émettre grâce à une meilleure enveloppe thermique », explique-t-elle. Et elle ajoute que : « Le soleil est une source d’énergie intarissable qui peut permettre de réduire les émissions de CO2 sans avoir à rénover chaque immeuble existant ».

Mélanie Trélat

Article
Publié le jeudi 16 décembre 2021
Partager sur
Avec notre partenaire
Nos partenaires