Entreprises engagées et coopération durable au Sustainability Forum
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Entreprises engagées et coopération durable au Sustainability Forum

De visions inspirantes en expériences de coopération, la seconde et la troisième partie du Luxembourg Sustainability Forum d’IMS ont montré comment l’économie peut devenir un moteur de transformation durable. Une plongée dans les récits, les engagements et les modèles qui dessinent déjà le monde de demain.

Comment avancer dans l’agenda du développement durable lorsque les vents semblent contraires ? Face à la polycrise, l’enjeu n’est plus de freiner, mais d’accélérer. « Le retour au business as usual n’est ni viable, ni rentable », a rappelé Nancy Thomas, la directrice d’IMS.

Quels leviers permettent d’aller de l’avant ? Quel leadership pour accompagner la transition ? Et comment agir concrètement dans sa sphère d’impact ? C’est à ces questions qu’a répondu la dernière édition du Luxembourg Sustainability Forum, avec comme thématique Sustainability : The Only Way is Forward.

Deuxième partie : « Making the business case for sustainability »

Serge Wilmes : « Les entreprises sont au cœur de la transformation »

Après la première partie riche en enseignements - « Moving Forward, from greenhushing to greenleading » -, Serge Wilmes, ministre de l’Environnement, du Climat et de la Biodiversité, a ouvert la deuxième partie en rappelant ce que dix ans de transition ont permis d’apprendre : « Nous savons ce qui fonctionne, où persévérer, et ce qu’il nous reste à accomplir collectivement ». Il a insisté sur le rôle moteur des entreprises, qu’il a décrit comme « le cœur battant de la transition énergétique, de la protection du climat, de la biodiversité et d’une consommation plus responsable ».

Il a cependant reconnu la tension du moment rythmée par les crises géopolitiques, les bouleversements technologiques et le dérèglement climatique. « Il faut maintenir le cap et continuer à agir. Les acteurs que vous allez entendre en sont la preuve vivante. »

Serge Wilmes et Thomas Breuzard
Serge Wilmes et Thomas Breuzard - © IMS Luxembourg

Thomas Breuzard : « Jamais autant de solutions »

Pour Thomas Breuzard, co-président de B Corp France et directeur de norsys, il est clair que « le backlash dont on parle tant n’est pas citoyen ». Il a expliqué que des modèles d’affaires pourtant réputés stables montraient déjà leurs limites. « Ce qui semblait tenir jusqu’en 2050 vacille. Ce n’est pas une mauvaise nouvelle. Cela ouvre des brèches pour réinventer la valeur. »

Il a ensuite cité la montée fulgurante des entreprises à mission, les approches permaculturelles, les standards B Corp renforcés. « Chez norsys, une idée a marqué les esprits. Nous avons intégré la nature dans la gouvernance. Un siège dédié, avec droit de veto. Cela oblige à réfléchir autrement. »

François Neu : « Les motivations évoluent »

Pour François Neu, CEO d’Enerdeal, la transition énergétique n’est pas qu’une question de technologie. « C’est aussi une question de sens. »

Les projets solaires industriels qu’il déploie évitent environ 140.000 tonnes de CO₂ par an, mais il a insisté sur les motivations. « Avant, le solaire était un jackpot. Aujourd’hui, il répond à une autonomie recherchée, à une pression réglementaire ou simplement au désir d’agir. »

Il a partagé cette phrase, gravée dans sa mémoire : « Ce n’est pas assez rentable, mais je veux montrer l’exemple à mes enfants. » Pour lui, ces choix personnels sont aussi puissants que des mégawatts.

François Neu et Evelyne Barberot
François Neu et Evelyne Barberot - © IMS Luxembourg

Evelyne Barberot : « L’économie circulaire avant l’heure »

Avec GPA, un centre de recyclage de véhicules hors-d’usage, Evelyne Barberot, la directrice générale, a raconté une histoire où la circularité précède le concept. « En 1962, mes parents récupéraient pneus, huiles, batteries… Ils faisaient du circulaire sans le savoir. » L’entreprise a évolué vers un modèle industriel robuste, avec 17.000 m2 d’infrastructures et quatre hectares de panneaux photovoltaïques. « Nous avons dû créer nos propres outils, nos propres flux. Aujourd’hui, nous sommes entreprise à mission. »

Elle a également insisté sur le lien au territoire : « Une entreprise doit rendre à l’écosystème qui l’entoure ».

Jean Minne : « Le réemploi peut être désirable »

Avec Composil, Jean Minne, le CEO, a résumé son virage stratégique avec humour : « La moquette, ce n’est pas glamour… sauf quand elle évite des tonnes de déchets. » La crise du Covid a été un catalyseur. « Nos clients étaient à l’arrêt, nos équipes inquiètes. Nous avons cherché ce qui nous animait vraiment. »

Composil a alors conçu une filière complète de réemploi et de recyclage. « Par exemple, sur un projet, plus de 10.000 m2 ont été réutilisés. Dans notre hub circulaire, 90 % de l’aménagement provient du réemploi. » Il a enfin glissé : « Certains disent que nous avons rendu la moquette sexy again. Challenge réussi. »

Jean Minne et Pierre Schmidball
Jean Minne et Pierre Schmidball - © IMS Luxembourg

Pierre Schmidtgall : « L’investissement citoyen change la donne »

Grâce à Lita, Pierre Schmidtgall, Co-founder and Investment Director, veut remettre l’investissement au service du bien commun. « Avec déjà 100 euros, chacun peut investir dans l’économie réelle. C’est essentiel ! La transition a besoin d’un financement démocratisé. » Plus de 200 millions d’euros ont déjà été mobilisés à ce jour. « Investir, c’est exprimer sa vision de la société. »

Arnaud Gillin : « L’impact comme étoile polaire »

Pour Arnaud Gillin, co-fondateur d’Innpact, le monde financier doit passer d’une logique de rendement à une logique de sens. « L’économie ressemble à une forêt que nous avons traitée comme une machine. » Innpact a structuré quarante fonds à impact et orienté 10 milliards d’euros vers des solutions durables.

Mais il a tenu à relativiser : « Dix milliards, c’est important… et marginal face aux 500.000 milliards de la finance mondiale. » Son message est limpide : « La croissance n’est pas le sujet. L’impact, si. »

Arnaud Gillin et Clément Wampach
Arnaud Gillin et Clément Wampach - © IMS Luxembourg

Clément Wampach : « 300 kilos de matériaux en moins »

Chez TK Elevator Luxembourg, Clément Wampach, Managing Director, a raconté comment l’ascenseur EOX incarnait la transition. « Nous réduisons de 300 kilos les matériaux utilisés — l’équivalent du poids d’un grizzli. »

Moins d’empreinte carbone, meilleure efficacité énergétique, maintenance réduite grâce au digital. « La durabilité n’est pas un service. C’est une manière de repenser chaque étape. »

Génica Schafgen : « La mission protégée par le droit »

Avec Ecosia, Génica Schafgen, Head of Ecosia EU, a rappelé que la durabilité commence par la gouvernance. « Une mission n’est durable que si elle est protégée. » La steward ownership d’Ecosia -séparation des droits économiques (liés à l’argent) des droits de vote (liés au pouvoir de décision) - en fait un cas unique : « Une fondation détient une golden share et peut bloquer toute tentative de vente. Cela garantit que 100 % des profits continueront à planter des arbres. »

« Et bientôt, nous atteindrons les 250 millions d’arbres plantés ». Un objectif impressionnant qui est loin d’être terminé.

Génica Schafgen et Anne-Marie Loesch
Génica Schafgen et Anne-Marie Loesch - © IMS Luxembourg

Anne-Marie Loesch : « Pas de promesses. Des preuves. »

Pour Anne-Marie Loesch, Head of Sustainability & Business Development à la House of Sustainability, cette seconde partie du Forum laisse une impression nette. « Ce que nous avons entendu aujourd’hui, ce ne sont pas des intentions. Ce sont des preuves. »

Elle y a vu une maturité nouvelle : « Les entreprises ne se contentent plus d’en parler. Elles mettent la transition en œuvre, parfois à petits pas, parfois de manière plus ambitieuse. Mais elles avancent. »

Elle est revenue sur la diversité des approches. « Certains réinventent leur modèle économique, d’autres améliorent leur efficacité énergétique ou créent des filières circulaires inédites. La durabilité n’est pas un seul chemin, mais une multitude de voies. »

Elle a aussi rappelé que transformer une organisation reste un défi. « Changer des habitudes, des process, des manières de décider… ce n’est jamais simple. Et pourtant, ces entreprises testent, ajustent, apprennent. Cette capacité d’expérimentation est essentielle. »

Pour elle, l’enjeu dépasse l’environnement. « La durabilité devient un facteur de confiance. Les talents, les clients, les partenaires… tout le monde observe le degré d’engagement. » Elle voit un écosystème en mouvement : « Les grandes entreprises apportent des moyens, les PME montrent une agilité remarquable, les startups injectent de la créativité. Des collaborations naissent là où il n’y en avait pas. La transition n’appartient à personne. Elle repose sur une somme de contributions. Aujourd’hui, on a senti cette énergie collective — et elle ne demande qu’à grandir. »

Troisième partie : « Reconnecting : nothing great is achieved alone »

Hugo Paul : réapprendre à « faire tribu »

Explorateur de communautés, Hugo Paul a commencé avec un constat poignant : « Nous vivons une crise du “nous”. Nous manquons d’espaces où coopérer, nous manquons de rituels pour nous comprendre. »

Il a raconté ses immersions dans les monastères, les refuges pour exilés, les écoles en forêt, ou encore chez les peuples autochtones. Dans ces communautés, trois éléments sont indispensables :

  • la sécurité, qui apaise le système nerveux et permet la rencontre ;
  • la confiance, qui se construit comme un tissage, relation après relation ;
  • la légitimité, qui donne à chacun la place pour contribuer.

Il a également décrit les « membranes » de coopération, c’est-à-dire des frontières qui protègent sans enfermer. « La coopération ne naît pas du consensus, mais de l’entretien régulier du lien. »

Puis est venu un moment fort. La salle du Grand Théâtre Studio plongée dans une semi-obscurité, chaque participant a été invité à choisir une action positive qu’elle ou il fera rapidement. Une fois choisie, chacun a pu allumer une petite lampe, illuminant progressivement la salle. « Une seule. Mais faites-la. »

Dans la pénombre, des dizaines de « flammes » ont alors dessiné un cercle lumineux. « Rien de grand ne s’est jamais accompli seul. Mais rien de petit ne commence sans vous. »

Hugo Paul a illuminé la salle du Grand Théâtre
Hugo Paul a illuminé la salle du Grand Théâtre - © IMS Luxembourg

Alex Steele : improviser pour mieux coopérer

Psychologue, jazzman et coach, Alex Steele est monté sur scène avec une idée simple pour clore ce forum : « Le jazz peut vous aider à mieux coopérer. » Il a commencé par briser un mythe. « En jazz, il n’y a pas de mauvaise note. Il y a une note inattendue autour de laquelle on construit. »

Puis il a exposé trois principes :

  1. Ne pas juger trop vite : « Le jugement ferme la porte avant même que l’idée existe. »
  2. Dire « yes, and » : « Le « oui, mais » bloque. Le « oui, et » accueille et amplifie. Êtes-vous une personne « yes, and » ? Votre organisation l’est-elle ? »
  3. Cultiver l’esprit du débutant : « L’expert voit des limites. Le débutant voit des possibilités. »

Il a ensuite invité sur scène une participante qui n’avait jamais touché un piano. Elle a posé quelques notes hésitantes… que les musiciens -un quartet composé de musiciens qui ne se connaissaient pas- ont transforment en une mélodie. Alex Steele s’est alors adressée à la pianiste novice. « La musique était en toi, et tu nous as guidés. C’est ça, le leadership : créer l’espace où d’autres peuvent briller. »

Alex Steele au coeur de son quartet improvisé.
Alex Steele au coeur de son quartet improvisé. - © IMS Luxembourg

Puis il a fait monter quatre autres volontaires pour diriger les musiciens par gestes. La salle a pu observer un ballet : écoute, lâcher-prise et créativité partagée. Après ce nouveau mini-concert improvisé. Le jazzman et professeur anglais a conclut : « Lorsque vous combinez le non-jugement, le yes-and et l’esprit du débutant… des choses magnifiques peuvent émerger. Le changement, c’est exactement ça. Une improvisation collective. »

Les replays de toutes les interventions sont consultables ici.

Sébastien Yernaux
Photos : IMS Luxembourg

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Publié le mercredi 3 décembre 2025
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