Une matinée engagée pour penser la transition ensemble

Frédéric Liégeois, fondateur de Picto (magazine 4x3 / infogreen.lu), a ouvert la matinée en remerciant Enovos, partenaire historique et mécène de cette nouvelle édition. Il a rappelé que depuis plusieurs années, les dossiers de novembre – consacrés à la mobilité et à la construction – étaient soutenus par le fournisseur d’énergie. « Leur engagement constant témoigne de leur volonté d’encourager des contenus engagés et ancrés dans le réel. »

L’événement s’est déroulé au sein du bâtiment de l’Institut de Formation Sectoriel du Bâtiment (IFSB), également partenaire de longue date. Alexis Sikora, son directeur, s’est réjoui d’accueillir l’événement 4x3 au sein de l’IFSB, « un lieu dédié depuis sa création à la construction et à la mobilité durables ». Il a souligné l’importance d’ancrer les principes de la transition dans les formations, les projets et les infrastructures du site. « J’en profite pour présenter le projet Carbon Coaching, soutenu par le FSE, le Fonds Social Européen, qui accompagne les entreprises artisanales dans leur décarbonation via des formations pratiques et l’usage de l’outil SAMI. Bornes électriques, panneaux solaires et expérimentation concrète font du campus un véritable démonstrateur de solutions durables. »

Pour présenter le magazine et installer le ton de l’événement, Frédéric Liégeois a choisi d’interpréter via un rêve une anecdote personnelle, vécue lors d’une conférence de Rob Hopkins, fondateur du Mouvement de la Transition. Ce dernier l’aurait invité à un voyage fictif vers 2030 – un futur pas si lointain – à la découverte d’un Luxembourg transformé : quartiers durables, villes intelligentes, mobilité électrifiée, urbanisme respectueux, bâtiments respirants. « Un rêve éveillé ? Peut-être. Mais surtout une vision guidée par les actions déjà concrètes d’aujourd’hui. » Il a conclu en rappelant que tous les intervenants partagent cette ambition et y œuvrent, chacun à leur échelle.

Des routes plus propres, des esprits mieux formés

Après cette introduction imagée, la matinée s’est poursuivie par la présentation du dossier « mobilité », première partie du magazine 4x3. Les interventions ont illustré les multiples dimensions de la transition dans les transports : technologiques, structurelles, humaines et réglementaires.

Peter Recking : « des chiffres qui accélèrent »

Peter Recking, project manager – Local charging Infrastructure Development pour la Klima-Agence, a ouvert ce premier chapitre en apportant un état des lieux clair. « Au Luxembourg, un tiers des véhicules neufs sont électrifiés et près de 40.000 voitures 100 % électriques circulent déjà. Grâce à 3.000 points de charge publics, le pays se place en tête des infrastructures européennes. » Il a également rappelé que la transition ne se fera pas uniquement par l’offre. « Elle doit aussi s’accompagner d’un accompagnement sur mesure. Klima-Agence développe ainsi des outils, diagnostics, comparateurs et dispositifs d’aides pour soutenir particuliers, professionnels et collectivités dans leurs projets. »

Jeanne Pernot : « la norme au service de l’hydrogène »

Jeanne Pernot, responsable du domaine Normalisation et développement durable à l’ILNAS, a souligné l’importance des normes pour structurer le développement de la mobilité à l’hydrogène notamment. « En tant que vecteur énergétique, l’hydrogène offre des perspectives importantes pour les transports lourds. Mais pour qu’il devienne une alternative viable et sûre, il doit reposer sur des standards partagés, définissant la qualité du carburant, la sécurité, l’interopérabilité. » Elle a insisté sur l’implication volontaire possible des acteurs luxembourgeois dans l’élaboration de ces normes internationales, souvent perçues à tort comme lointaines ou figées.

Mélanie Archen : « la compétence, levier de la transformation »

Mélanie Archen, chargée de direction au CNFPC (Centre national de formation professionnelle continue) de Esch-sur-Alzette, a défendu une conviction forte : former pour transformer. Pour elle, la transition ne repose pas uniquement sur la technologie mais sur la capacité des individus à comprendre, utiliser et faire évoluer les pratiques. « Le pôle électromobilité de l’INFPC (Institut national pour le développement de la formation professionnelle continue, ndlr) a donc mis en place des formations destinées aussi bien aux techniciens qu’aux usagers. » Elle a mis l’accent sur la montée en compétence comme outil de sécurisation, de simplification et d’engagement dans la durée. « La transition est un processus, pas un produit fini. »

Yvan Deschamps : « connecter mobilité, habitat et réseau »

Yvan Deschamps, responsable pour la transformation digitale, l’innovation et les produits chez Enovos, a illustré l’approche systémique d’Enovos en matière d’électromobilité. « Chaque recharge ne représente pas seulement un acte isolé, mais un maillon d’un écosystème intelligent, où la voiture devient une batterie mobile, intégrée à la maison et au réseau. Enovos développe des offres tarifaires flexibles, des outils digitaux et travaille sur des solutions de recharge bidirectionnelle, permettant à un véhicule de restituer de l’énergie au logement. » Il a insisté sur le potentiel des batteries pour le stockage d’électricité à l’échelle nationale et sur la nécessité d’outils simples, normés, interopérables pour assurer l’adhésion des usagers.

Matthieu Degrave : « repenser les deux-roues »

Dernier intervenant de cette première séquence, Matthieu Degrave, resposnable commercial Prefalux Group en charge du projet My Ways, a présenté les scooters et motos électriques comme des solutions efficaces, propres, silencieuses et adaptées à la densité urbaine. « Avec des performances comparables aux modèles thermiques et une simplicité mécanique qui réduit les coûts d’usage, ces véhicules constituent un maillon essentiel d’une mobilité fluide et durable. Notre concept store installé au GridX incarne cette volonté de démocratiser les nouvelles formes de déplacement. »

Sophie Brouwers, l’écologie par l’usage

La partie centrale de l’événement a été l’occasion de dévoiler le Grand Entretien de ce numéro 32, consacré à Sophie Brouwers, entrepreneure engagée et à la tête de l’épicerie « Épices & tout ». Son portrait, écrit par Mélanie Trélat, illustre un changement de paradigme où écologie ne rime pas avec contrainte, mais avec plaisir, beauté, alignement personnel.

Elle y raconte son cheminement. Ingénieure de formation, passée par le secteur de la construction passive, elle a progressivement fait le choix d’un mode de vie plus en accord avec ses valeurs. Son magasin, bien plus qu’un lieu de vente, est un espace de transmission, d’échange et de simplicité heureuse. Elle y prône une écologie concrète, intuitive, accessible, loin des discours culpabilisants. « En 2024, l’épicerie a permis d’économiser plus de 50.000 emballages à usage unique. La durabilité n’est pas un renoncement, mais un enrichissement. »

Penser et bâtir la résilience

Le second dossier du magazine 4x3 se consacre à la construction durable. Trois interventions ont permis de croiser la recherche, les innovations technologiques et les solutions opérationnelles au service d’un habitat plus intelligent, plus efficace et plus vertueux.

Luc Meyer : « vers un label pour les quartiers durables »

Luc Meyer, directeur de Neobuild GIE, a présenté le projet SERENE, fruit d’une collaboration entre le LIST, LSC360 et des partenaires publics, dans le cadre du FNR. L’objectif ? Concevoir une méthodologie de certification volontaire pour les quartiers résilients, prenant en compte les critères environnementaux, sociaux et économiques. « Le projet se base sur une analyse des labels existants et sur la participation active d’un groupe d’experts. En répondant à la crise climatique, mais aussi à la crise du logement, SERENE ambitionne de devenir un outil stratégique au service des collectivités et des aménageurs. »

Françoise Ferring : « un siège à taille humaine, pensé dès la première esquisse »

Françoise Ferring, directrice chez SGI Ingénierie Luxembourg, a mis en avant le nouveau siège de SGI à Junglinster, pensé comme une démonstration d’ingénierie durable et cohérente. « Le bâtiment, à l’esthétique volontairement sobre, repose sur une structure bois-béton, qui maximise l’inertie thermique et le confort acoustique. Les façades préfabriquées permettent une mise en œuvre rapide et efficace. » Elle a mis en avant plusieurs choix structurants : absence de parking souterrain pour limiter le terrassement, lumière naturelle abondante, espaces modulables et conviviaux conçus avec les collaborateurs. Françoise Ferring a conclu sur un principe clé : « intégrer les critères de durabilité dès les premières esquisses, et non les ajouter à posteriori. Une approche globale, systémique, et reproductible. »

Gunther Krings : « le HEMS, chef d’orchestre de l’énergie domestique »

Gunther Krings, managing directeur de Viessmann Luxembourg, a ensuite proposé une plongée dans le fonctionnement du HEMS – Home Energy Management System, une solution développée par Viessmann pour optimiser la gestion énergétique des bâtiments. « En connectant production (photovoltaïque), stockage (batteries, ballons thermiques) et consommation (chauffage, recharge de véhicules), le HEMS permet de synchroniser les flux énergétiques en temps réel, selon les habitudes du foyer et les données météo. Il en résulte un système à la fois économique, écologique et transparent pour l’utilisateur final. » Viessmann, fabricant européen, assure la compatibilité du système avec des équipements existants, et propose une gestion centralisée via le cloud.

Novalair : bien respirer, c’est bien vivre

Novalair Luxembourg fut la start-up à l’honneur, représentée par Tony Russo, son fondateur. Son action sur la qualité de l’air intérieur a été saluée. « Encore trop souvent négligée, cette thématique a un impact direct sur le confort, la santé et la performance énergétique des bâtiments. Novalair intervient auprès des particuliers et des professionnels pour auditer, entretenir et optimiser les systèmes de ventilation. » Tony Russo a rappelé qu’un équipement mal utilisé ou mal conçu peut entraîner surconsommation, inconfort et propagation de virus. « L’entreprise milite pour une approche de bon sens, accessible et préventive, à l’heure où la transition énergétique passe aussi par la maîtrise de l’existant. »

Chaîne de solidarité avec la Fondation Partage Luxembourg

Comme à chaque édition, l’équipe de Picto a tenu à associer une dimension humaine à cet événement avec la chaîne de solidarité. Denise Richard, directrice de la Fondation Partage Luxembourg, est intervenue pour présenter deux projets soutenus par l’ONG : l’un au Guatemala, où les agriculteurs apprennent à sortir de la monoculture de cardamome pour adopter des pratiques agroécologiques ; l’autre au Kenya, où des puits solaires permettent de sécuriser l’agriculture dans un contexte d’alternance extrême entre sécheresse et pluies diluviennes. « Ces projets renforcent l’autonomie des communautés vulnérables face au changement climatique. » Le lancement de la chaîne a été officialisé avec un don de 1.000 euros versé par 4x3, premier maillon d’un soutien élargi à toutes celles et ceux qui souhaitent contribuer.

Sébastien Yernaux
Photos : Fanny Krackenberger