Économie circulaire et solidaire : le projet pilote Wunne mat der Wooltz

Francine Hahn, secrétaire communale à Wiltz :

« Notre ville porte en elle les marques profondes d’un passé industriel qui a façonné son paysage urbain et social. Pendant des décennies, les usines et ateliers ont rythmé la vie des habitants, structurant les quartiers, les liens communautaires et les modes de vie. Mais cette histoire est aussi celle d’une ville martyr marquée par les épreuves terribles de la Seconde Guerre mondiale et par la résistance courageuse de ses habitants.

Ces racines nous rappellent les défis surmontés et nourrissent aujourd’hui notre volonté de renouveau sans oublier le passé.

C’est précisément sur les anciennes friches industrielles, vestiges d’un passé révolu, que s’ouvre un nouveau chapitre : le projet d’envergure Wunne mat der Wooltz, développé par le Fonds du Logement en étroite collaboration avec la Commune de Wiltz.

Transformation qui se répercutera dans toute la région. La commune se trouve aujourd’hui face à une croissance démographique substantielle à l’horizon 2035. Cette augmentation de la population nous oblige à repenser notre manière de loger, de vivre et de travailler. C’est un profond bouleversement de notre réalité urbaine, sociale et économique.

Défi et opportunité à la fois

Ce développement s’inscrit dans une vision plus large. Wiltz a été désigné centre de développement et d’attraction de la politique nationale de l’Aménagement des territoires, ce qui confère à notre commune une responsabilité particulière de jouer un rôle moteur dans l’évolution du pays.

Face à cette perspective ambitieuse, le conseil communal a élaboré il y a quelques années une stratégie claire, visionnaire et proactive articulée autour de ce que nous appelons notre Cap 2035. Une feuille de route évolutive construite autour de projets concrets porteurs de transformation.

Dans cette démarche, nous avons la grande chance de pouvoir compter sur un partenaire de poids, le Fonds du logement. »

Denis Ory, chef de projets « grande envergure » au Fonds du Logement :

« Le Fonds du logement intervient sur le projet de réhabilitation des friches industrielles de Wiltz depuis 2009. Les projets dont on parle aujourd’hui ont fait l’objet de deux plans directeurs qui totalisent une surface de 34 hectares. Ils ont fait l’objet de six plans d’aménagements particuliers (PAP) qui ont déjà reçu l’approbation ministérielle et dont quatre ont déjà des conventions d’exécution en bonne et due forme.

Un autre PAP sera mis en procédure fin 2025 et un autre est en cours d’élaboration. On parle sur l’ensemble du site d’environ 1.100 unités de logement, puisque c’est le cœur de métier du Fonds.

Le nom officiel du projet, c’est Wunne mat der Wooltz, mais bien entendu, ce que la Commune de Wiltz et le Fonds du Logement souhaitent créer, c’est Wunnen, schaffen und liewe mat der Wooltz.

Dans le cadre de ce projet, quatre volets principaux ont été mis en avant.

Urbanisme et architecture

Il y a actuellement environ 150 unités de logement qui sont en cours de construction, dont 82 unités de logement modulaires 3D en bois, sur le quartier de Geetz. Et 155 unités de logement seront mises en construction fin de cette année.

Au-delà de ça, nous avons souhaité valoriser le patrimoine existant. Même s’il n’y avait pas de bâtiment classé sur le site, qui était 100% industriel, nous avons souhaité conserver et rénover le bâtiment administratif Ideal, du nom des anciennes usines qui se trouvaient sur le site. C’est un bâtiment que nous remettons en état et que nous allons occuper pour nos propres besoins, dans lequel il n’y aura pas de logement.

Nous essayons au maximum de conserver des éléments existants et, lorsque nous sommes obligés de les remplacer, de les remplacer par des éléments de récupération que nous allons chercher. Nous travaillons sur un cadastre des matériaux pour l’ensemble du site, avec l’analyse de circularité, de démontabilité et de cycles de vie pour les matériaux de tous les nouveaux bâtiments. Nous allons aussi valoriser la cheminée d’usine qui se trouve toujours sur le site et qui sera partie intégrante du centre régional d’escalade.

Bien entendu, nous créons d’autres fonctions : commerces, bureaux, HORECA.

Dans le cadre de l’urbanisme, nous avons renaturé la Wolz sur plus d’un kilomètre, puisqu’elle a été fortement anthropisée dans le cadre des activités industrielles qui étaient présentes sur le site. Il y a eu des renaturations :

• volet hydrologique : pour éviter que les bâtiments que nous allons construire soient inondés.
• volet biologique : pour améliorer la continuité de la rivière, puisqu’il y a, sur le site, un barrage qui sera supprimé.
• aspect social : cette renaturation constituera une zone de parc et de rencontre sur l’ensemble du site.

Les espaces verts, justement, représentant plus de 30% de toutes les surfaces du site, dans le cadre du chantier, nous insistons sur la réutilisation des terres. On parle d’environ 500.000 tonnes de terres à gérer pour l’excavation dans le cadre des travaux. Cela représente une file de camions qui va de Luxembourg à Paris. Évidemment, il n’est pas souhaitable de mettre tout cela en décharge. Nous avons donc pour projet de réutiliser un maximum de terre sur le site.

Concernant les bâtiments qui ont été démolis - d’anciens bâtiments qui n’ont pas pu être démontés, les matériaux ont été valorisés : ils ont été concassés de façon à pouvoir être réutilisés.

Nous privilégions en cas de nouvelle construction des matériaux sains. Et la mobilité douce occupera une partie prépondérante sur le site.

Concept énergétique

Nous avons voulu créer un quartier neutre en carbone pour le chauffage, en base annuelle.

Nous avons créé un réseau de chauffage urbain, qui est un réseau décentralisé basé sur des pompes à chaleur alimentées par des panneaux solaires thermiques et photovoltaïques en toiture. Des bacs à glace feront l’appoint pour les périodes de pointe. Dans chaque quartier du site, il y aura un ou deux bacs à glace de plusieurs centaines de mètres cubes dans l’espace public. En période hivernale, on pourra y puiser la chaleur de l’eau. En fin d’hiver, cette eau se transformera en glace. L’idée est que cette glace ne soit pas non plus un déchet, elle sera valorisée, notamment pour les commerces, les frigos, les congélateurs, dans les commerces, pour les serveurs, etc.

Gestion des déchets

Nous avons mis un point d’ordre à réutiliser un maximum de matériaux du site. Aussi, dans le cadre de l’assainissement, nous travaillons avec le ministère de l’Environnement sur des évaluations quantitatives de risques sanitaires, de manière à pouvoir réutiliser la bonne terre au bon endroit.

En phase chantier, nous mettons en place un centre de tri des déchets, à disposition de l’ensemble des entreprises qui travaillent sur le site.

Dans le cadre des futures résidences, nous mettrons en place des centres de tri, qui sont bien plus que simplement des pôles poubelles.

Économie solidaire et partagée

Le Fonds du logement a vocation de créer des logements abordables, mais pas que. En collaboration avec la commune de Wiltz, nous créons des tiers-lieux. Dans chaque résidence, nous allons créer des locaux communautaires, qui sont privatifs mais mis à disposition de l’ensemble des locataires et des habitants d’une résidence. De nos jours, les logements sont de plus en plus petits. Lorsque, exceptionnellement, les résidents auront besoin d’une surface supplémentaire, ces locaux seront disponibles. Nous mettrons en place aussi, réparties, sur l’ensemble des quartiers, des stations de bike- et de car-sharing.

Nous travaillons avec les acteurs sociaux locaux, notamment Coopérations et Transition Nord. Puisqu’ils ont une très bonne connaissance du terrain, nous essayons de les intégrer.

Le Fonds de logement va créer plus de 2.100 unités de logement sur le site. On parle de 2.500 habitants, c’est beaucoup, d’autant plus dans une commune qui compte environ 8.500 habitants. Nous mettons une attention particulière à l’intégration de nos habitants dans le nouveau quartier, mais également à l’intégration de ce quartier dans le tissu urbain existant.

C’est un projet que nous ne développons pas seuls, mais avec la commune, aussi avec toutes les instances publiques - ministères, administrations, etc. Pour nous, concevoir un nouveau quartier selon les principes de l’économie circulaire, c’est être à l’écoute de l’innovation aujourd’hui, pour faire en sorte qu’elle s’intègre naturellement dans le quotidien des habitants de demain. »

Marie-Astrid Heyde
Photo principale : © Eve Millet / Picto