Du durable made in Luxembourg, même en temps de crise(s)

Du durable made in Luxembourg, même en temps de crise(s)

À Howald, le bureau BFF architectes développe un projet mixte pour l’entreprise General Technic Immobilière.

Le bâtiment aura une âme et une identité forte de par sa forme architecturale, mais aussi de par le système constructif utilisé : un CLT optimisé développé par Leko Labs qui répond aux critères de la certification Cradle to Cradle tout en étant très compétitif.

François Cordier et Tom Beiler
François Cordier et Tom Beiler

Pourriez-vous nous dire quelques mots sur Leko ?

François Cordier : Leko est né il y a 15 ans pour apporter une alternative carbonégative à la construction traditionnelle, où le béton est roi parce que c’est un matériau disponible, bon marché et maîtrisé. Il fallait un système constructif qui soit à la fois durable, performant et compétitif pour attaquer le marché et être transformatif. Nous travaillons avec un bois lamellé-croisé optimisé, dans lequel on met juste la quantité de matière et d’isolation nécessaires avec, derrière, l’appui d’un logiciel et de robots qui nous permettent de fabriquer ces éléments en usine de manière ultra-précise et ultra-compétitive. Il est carbonégatif comme en atteste son EPD.

Le système est également en passe d’être certifié cradle to cradle…

FC : Il nous tient à cœur depuis nos débuts de récupérer les éléments en fin de vie pour en fabriquer de nouveaux. Nous avons déjà réalisé plusieurs proofs of concept qui ont démontré que cela fonctionne.

Fin mai, nous avons aussi obtenu un avis technique d’expérimentation (atex) en France qui valide le produit pour une utilisation pour du résidentiel jusqu’à 7 étages (R+7) et 28 m de haut, pour du bureau sans restriction et des établissements publics (1re catégorie exclue), ce qui rend possible le projet Howald.

En quoi le projet Howald est-il durable ?

Tom Beiler : Nous avons pu aller très loin dans la réflexion sur le développement durable parce que nous avons eu la chance de travailler avec un maître d’ouvrage (General Technic Immobilière) très ouvert aux nouvelles méthodes constructives et à la construction bois. De plus, le PAP existant nous permettait de réaliser un projet mixte combinant commerces, logements et bureaux, ce qui pour nous est un critère de développement durable. Au-delà de la programmation et de la matière première, cette réflexion se traduit aussi dans l’approche sociétale, dans la manière de faire cohabiter des personnes dans un environnement agréable et naturel.

L’utilisation de Leko n’était pas une imposition au départ, mais le produit a su persuader le constructeur car il est non seulement durable mais aussi compétitif. Cependant, ce n’est pas parce que le bois stocke le CO2 qu’on doit en utiliser un maximum. Notre démarche va plus loin : construire en bois, mais en en employant le moins possible car la meilleure ressource est celle qu’on n’utilise pas.

FC : C’est un premier projet d’ampleur pour nous – près de 3 500 m2 – qui s’inscrit parfaitement dans notre logique d’utilisation frugale de la matière tout en permettant de construire en hauteur. Il marque une étape importante dans notre stratégie de développement car c’est la première fois que notre matériau sera mis en œuvre par un partenaire (CLE) et nous aurons besoin de partenaires pour travailler à l’échelle européenne, voire mondiale, en continuant à faire ce que nous savons très bien faire : concevoir, fabriquer et livrer.

Comment s’est passée la collaboration avec l’entreprise générale ?

FC : CLE est une entreprise pionnière dans le domaine de la construction bois au Luxembourg, avec des projets emblématiques comme le bâtiment Wooden. À travers ces projets, ils ont pu détecter les problématiques liées aux systèmes de construction bois existants et en résoudre certaines. Ils ont également formé avec l’IFSB une quarantaine de compagnons pour poser du bois et tout le monde, dans l’organisation, est pro changement et pro bois.

Vous parliez de réemploi des matériaux. Qu’en est-il ?

FC : Pour le produit certifié C2C, nos contrats prévoient la récupération des éléments en fin de vie pour les recycler, sachant que les propriétés mécaniques du bois n’auront pas changé dans 50 ans et que le « reprocesser » demande très peu d’énergie. Nous réfléchissons à la création d’une usine dotée d’une unité de recyclage pour alimenter le Benelux depuis le Luxembourg.

L’automatisation est une démarche qui est intervenue très tôt dans l’histoire de Leko…

FC : Au Luxembourg, nous avons accès aux compétences en automatisation liées aux industries aérospatiale et automobile. Nous avons une équipe de 10 ingénieurs roboticiens qui développent les « robots factories » où nous fabriquons des éléments carbonégatifs sur mesure et en série.

Qui dit préfabrication, dit aussi rapidité de mise en œuvre. En combien de temps le bâtiment sera-t-il monté ?

FC : La rapidité est un véritable facteur différenciant, en particulier sur ce projet et en particulier sur la partie « bureaux » où il y a de grandes fenêtres et des petites parties pour la descente de charge, donc beaucoup d’éléments à assembler sur chantier en construction traditionnelle, ce qui serait chronophage. La proposition de valeur de Leko est de fabriquer des éléments extrêmement fins pré-assemblés.

Le constructeur estime que la construction bois Leko/planchers CLT permet une réduction de délai d’environ 30 % par rapport à une structure en béton armé coulé en place traditionnelle. Au-delà de la rapidité d’exécution de la structure, les travaux intérieurs peuvent s’enclencher très rapidement après la couverture du plancher haut d’un étage par rapport à une solution traditionnelle, du fait de l’absence d’étaiement sous les planchers CLT. Il n’y a pas de temps de séchage à prévoir non plus pour l’application de l’étanchéité en toiture par rapport à une construction traditionnelle nécessitant 28 jours de séchage du béton.

Pour un architecte, quel défi cela représente-t-il de travailler avec le système Leko ?

TB : Le défi est dans la préparation. Là où la construction traditionnelle nous permettait de réagir en phase chantier, avec le système Leko, tout doit être minutieusement préparé. Ce temps d’étude supplémentaire est extrêmement important et il faut être très diligent car on est déjà en plein dans la réalité alors que le chantier est loin d’avoir commencé. Cela implique de rassembler et de sensibiliser l’ensemble des intervenants. Il ne s’agit pas seulement de l’architecture et de la géométrie des éléments, mais du système constructif jusque dans les détails et de l’intégration d’autres critères, notamment acoustiques, qu’il faut prévoir très en amont. Si on ne le fait pas, on risque de devoir multiplier les interventions ultérieures et de perdre tous les bénéfices de la préfabrication.

Mélanie Trélat
Extrait du NEOMAG#57
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Publié le lundi 6 novembre 2023
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