
COP30 : l’incrémentalisme l’emporte sur l’urgence climatique
La COP30 avait été annoncée comme celle des peuples autochtones, de l’implémentation, et comme la dernière chance d’agir conformément aux Accords de Paris. Pourtant, les résultats restent décevants.
Samedi soir, à Belém, au Brésil, les décisions finales ont été entérinées après deux semaines de négociations intenses, que l’ASTM a suivies de près en participant aux mobilisations de la société civile et en informant sur les enjeux Nord-Sud.
Notre déception est double : ces résultats ne permettront pas de maintenir la hausse des températures sous 1,5 °C, ni de rétablir une coopération internationale fondée sur la solidarité entre le Nord et le Sud global.
Financement climatique
Notre campagne autour de la COP30 était centrée sur la révision urgente des engagements financiers, déjà insuffisants lors de la conférence précédente. L’un des enjeux majeurs était le triplement, d’ici 2030, des financements destinés à l’adaptation des pays du Sud au changement climatique. Or ce triplement est désormais reporté à 2035. « Cela revient à s’accommoder de cinq années supplémentaires de souffrances et de pertes de vies », s’insurge Raymond Klein, co-coordinateur du Klima-Bündnis Lëtzebuerg. « De surcroît, on ignore ce qui serait triplé, et nous craignons que le volume de 120 milliards de dollars, considéré comme un minimum absolu, ne soit pas atteint. »
Face au refus initial des pays du Nord de discuter de financement en début de conférence, il est compréhensible que de nombreux pays du Sud aient hésité à s’engager sur la voie d’une sortie rapide des énergies fossiles. Beaucoup d’entre eux ont soumis des NDC (Nationally Determined Contributions) « conditionnelles » : sans soutien financier additionnel, et déjà fortement touchés par la crise climatique, ils n’ont tout simplement pas la capacité de contribuer pleinement aux efforts de mitigation.
L’Union européenne pendant les négociations
L’Union européenne (UE) a finalement présenté une ouverture timide en matière de financement de l’adaptation, peu avant la fin de la conférence. « En début de COP, cela aurait pu faire évoluer les positions, mais c’est arrivé trop tard », estime David Hoffmann, coordinateur politique de l’ASTM. Selon lui, l’UE s’est ensuite appuyée sur cette annonce tardive pour reprocher à d’autres groupes de pays leur manque d’engagement sur la sortie des énergies fossiles.
Dans l’ensemble, l’UE n’a pas joué le rôle de leader attendu. Ses divisions internes l’ont freinée : elle n’a pas soumis sa NDC dans les délais convenus, et son soutien à la feuille de route pour la sortie des énergies fossiles a été tardif et flou.
Et le Luxembourg ?
En tant que membre de l’UE, le Luxembourg porte également une part de responsabilité dans le manque d’ambition des négociations. Toutefois, le ministre Serge Wilmes a fait bon usage de sa marge de manœuvre en participant au fonds d’adaptation à hauteur de 5,78 millions de dollars, et en soutenant, dès la mi-COP, la déclaration colombienne sur la sortie des énergies fossiles. « Nous apprécions l’ambition exprimée par ce geste, et attendons de voir l’engagement du ministre décliné en politiques nationales concrètes », commente Raymond Klein. L’initiative colombienne prévoit en effet que la sortie des énergies fossiles se fera selon un calendrier précis et selon le principe de la justice.
Une victoire pour la société civile : mécanisme de transition juste
Longtemps incertaine, l’inclusion dans le texte final d’un mécanisme de transition juste, baptisé BAM (Belém Action Mechanism), a été accueillie comme une véritable victoire par la société civile réunie à Belém. L’ASTM, qui défend depuis longtemps une approche fondée sur les droits humains et l’inclusion des communautés concernées, salue un langage ambitieux couvrant les droits des travailleur·ses, ceux des peuples autochtones, ainsi que l’inclusion des minorités et de l’éducation. « La mise en place de ce mécanisme, centralisé et fondé sur une approche axée sur les droits, est essentielle pour garantir que la transition vers une économie décarbonée ne se fasse pas au détriment des travailleur·ses et des communautés du Sud global », souligne David Hoffmann.
Les avancées obtenues – qu’il s’agisse du mécanisme de transition juste, de l’initiative colombienne de sortie des énergies fossiles, ou encore des feuilles de route présentées par la présidence brésilienne sur la déforestation et les énergies fossiles – restent des progrès incrémentaux dans un processus qui aurait nécessité un véritable moment de rupture. Tant que le Nord global n’assumera pas pleinement sa responsabilité historique, et tant que les intérêts fossiles et agro-industriels maintiendront leur emprise sur les négociations, nous nous dirigeons vers une nouvelle décennie perdue.
Communiqué et photo de Actions Solidarité Tiers Monde (ASTM)

















