Vers une construction zéro carbone

Vers une construction zéro carbone

Le Conseil National pour la Construction Durable (CNCD) a reçu près de 300 personnes, le 20 septembre dernier, à l’hémicycle – ECCL, pour une conférence sur la décarbonation du secteur luxembourgeois de la construction.

Au programme : une mise en contexte scientifique, politique et normative, un passage en revue des méthodologies et outils de mesure de l’empreinte carbone, ainsi que des exemples de solutions et bonnes pratiques.

Ce sont les ministres Claude Turmes (Énergie et Aménagement du territoire) et Franz Fayot (Économie), qui ont ouvert la session, après le mot d’introduction de Paul Schosseler, président du CNCD.

Paul Schosseler, Claude Turmes et Franz Fayot
Paul Schosseler, Claude Turmes et Franz Fayot - ©Infogreen

« Pendant trop longtemps, nous avons cru que le changement climatique, c’est dans un autre temps, autre part dans le monde (…). Mais nous sommes en train de bousiller notre Terre (…). Il est important que même un petit pays comme le nôtre prenne ses responsabilités », a souligné Claude Turmes. Il a énuméré les nombreuses actions mises en place par le gouvernement pour aller dans ce sens et notamment le fait que le Luxembourg « est le 1er pays au monde à construire des bâtiments sans aucune énergie fossile ». Il a rappelé qu’il reste néanmoins « du pain sur la planche », notamment dans le domaine de la rénovation, mais que les instruments politiques existent. « À vous maintenant de continuer le travail sur le terrain pour faire du Luxembourg un leader mondial de l’innovation dans ce domaine », a-t-il lancé aux entrepreneurs et concepteurs présents dans la salle.

Franz Fayot a expliqué que « le changement climatique et la perte de la biodiversité qui s’ensuit sont des sujets qui traversent et amplifient les crises » et que « mieux on y sera préparé et mieux on pourra faire de ce challenge une opportunité (…).


Ceux qui maîtriseront la construction circulaire auront un avantage compétitif certain (…). Franz Fayot

« Des changements systémiques de paramètres réglementaires, fiscaux, juridiques et au niveau de la certification seront à opérer dans les mois et années à venir. Nous accompagnons les acteurs de la construction et je suis optimiste car tout le secteur est en mouvement », a-t-il conclu.

Le contexte scientifique et politique a ensuite été posé. Dana Lang, représentante du Luxembourg auprès du GIEC, a dressé un état des lieux de l’évolution du changement climatique. Au Luxembourg, la hausse des températures est de + 1,5 degré par rapport à l’ère préindustrielle. En cause : les activités humaines. Les conséquences : une alternance de périodes de sécheresses et de pluies intenses. « La fenêtre pour assurer un avenir durable se referme et il est temps d’agir », a-t-elle martelé. Et pour cela, il faudra, entre autres, mieux planifier les villes, favoriser les modes de mobilité douce, approfondir les solutions existantes, mettre en place des politiques ambitieuses, changer d’état d’esprit…

Dana Lang, Philippe Moseley et Julien Borderon
Dana Lang, Philippe Moseley et Julien Borderon - ©Infogreen

Philippe Moseley (Commission européenne) a présenté le contexte politique européen et énuméré les actions mises en place par la Commission pour favoriser la transition du secteur de la construction vers une empreinte carbone nulle. Avec 25 millions de personnes travaillant dans plus de 5 millions d’entreprises, la construction est le 2e des 14 écosystèmes industriels définis par l’Union européenne. Elle compte aussi pour 40 % des émissions de gaz à effet de serre. « La participation active de tous les acteurs est essentielle », a-t-il précisé.

Julien Borderon (CEREMA Est) a donné un retour d’expérience sur la mise en œuvre de la RE 2020 en France, ainsi que des détails de l’amélioration du texte dont l’objectif visé est d’atteindre – 30 % d’émissions de gaz à effet de serre par rapport aux exigences de 2012.

Paul Baustert (ministère de l’Énergie et de l’Aménagement du territoire) a parlé de la feuille de route construction bas carbone qui a été présentée le 14 juin dernier. Fruit de deux ans de travail collaboratif entre le ministère de l’Énergie et de l’Aménagement du territoire et celui de l’Environnement, du Climat et du Développement durable, avec la participation du CNCD, elle propose des méthodes et des outils pour la transposition des nouvelles dispositions de la directive européenne sur la performance énergétique des bâtiments.

Elorri Igos et Paul Baustert
Elorri Igos et Paul Baustert - ©Infogreen

Elorri Igos (LIST - Luxembourg Institute of Science and Technology) a exposé les outils d’analyse du cycle de vie des bâtiments, une approche holistique qui reprend différents textes législatifs et normes. Ces derniers constituent de précieux supports de communication pour soutenir le développement d’un produit, d’une stratégie ou d’une politique publique.

La 2e partie de la conférence s’est ouverte sur une table ronde intitulée : « Quels leviers pour la décarbonation au niveau des matériaux de construction ? » et animée par Frédéric Liégeois (Infogreen). Elle réunissait Olivier Vassart (ArcelorMittal), Christian Rech (Cimalux), Céline Depiesse (Codur), Éric Klückers (Contern) et Paul Nathan (Poeckes).

Leurs entreprises ont abordé la décarbonation de diverses manières, par exemple : refonte de l’acier issu de la déconstruction ou de l’industrie avec de l’énergie verte pour ArcelorMittal, production de béton à base d’agrégats locaux et de ciment CEM II (- 15 % de clinker par rapport à un CEM I) pour Cimalux, réflexion sur les produits biosourcés (blocs de terre crue ou de chanvre) pour Contern, renouvellement du patrimoine, optimisation des process, services, produits et de la logistique pour Poeckes, réflexion sur l’écoconstruction, la sobriété, la production dans un contexte de raréfaction des ressources et la modularité des bâtiments pour Codur. Quant aux prérequis pour parvenir à des bâtiments à empreinte carbone nulle, ils ont cité pêle-mêle : concevoir des bâtiments sobres, favoriser les matériaux locaux, mixer les matériaux, miser sur la R&D pour développer des produits plus verts et faciles à mettre en œuvre, intégrer les certifications dans les cahiers des charges, inclure toute la chaîne de production, établir un bilan carbone, proposer un soutien public à l’investissement, « un soutien financer sectoriel équitable où chacun contribue selon ses moyens et où les aides sont calculées en fonction des besoins » (Céline Depiesse), déployer des moyens logistiques pour évacuer le CO2 produit.

Frédéric Liégeois a animé la table ronde. Elle réunissait Olivier Vassart, Éric Klückers, Christian Rech, Paul Nathan et Céline Depiesse
Frédéric Liégeois a animé la table ronde. Elle réunissait Olivier Vassart, Éric Klückers, Christian Rech, Paul Nathan et Céline Depiesse - ©Infogreen

« Il faut activer l’ensemble des leviers, car le temps presse. À partir de 2036, les émissions seront payantes, à raison de 100 euros la tonne. Il faut donc commencer par décarboner nos produits », a souligné Christian Rech.


« Dans la construction, nous prenons tous les jours des décisions qui déclenchent de multiples procédures dans diverses entreprises, déterminent le travail quotidien de dizaines de femmes et d’hommes sur nos chantiers, dans nos ateliers d’architecture et bureaux d’études, usines et administrations, provoquent des flux de matériaux, consomment de l’énergie et engagent des moyens de production et de financement pour se matérialiser de manière tangible en fin de journée. C’est notre métier et en assumer les conséquences fait partie de nos devoirs. Il relève ainsi de notre responsabilité collective d’agir pour mettre notre secteur sur la bonne trajectoire de décarbonation. Répondez à l’appel de la conférence du 20 septembre en contribuant aux multiples séminaires et formations annoncés. Mettez en place les mesures nécessaires pour réduire nos émissions de CO2 et atteignons ensemble nos objectifs de décarbonation pour contrer le réchauffement climatique ! »
Christian Rech, Cimalux / CNCD

Christophe Thiry et Bruno Renders (CDEC - Conseil pour le Développement Économique de la Construction) ont abordé le rôle des entreprises. « Le CDEC est un écosystème qui regroupe les volets formation, conseil en ingénierie bas carbone et durabilité, et innovation, et qui a pour mission de sensibiliser et accompagner les entrepreneurs dans les challenges actuels pour les préparer à demain », a rappelé Christophe Thiry. Bruno Renders a présenté leur stratégie RCP Resilient Construction Programme qui structure leur feuille de route de décarbonation, ainsi qu’une série d’actions et de projets pilotes déjà menés ou en cours. Il a ensuite insisté sur la formation de conseiller en construction écocirculaire et bas carbone et les modules experts associés. L’action de CDEC s’articule donc sur l’acquisition de compétences liées à la décarbonation autant que sur divers projets pilotes de démonstration et de développement touchant aux matériaux, au processus de construction ou à de nouveaux business models innovants et résilients.

Christophe Thiry et Bruno Renders
Christophe Thiry et Bruno Renders - ©Infogreen

Julien L’Hoest (OAI - Ordre des Architectes et Ingénieurs-conseils) a présenté un exposé très complet sur les possibilités pour l’architecte et l’ingénieur de réduire l’empreinte carbone des bâtiments qu’ils conçoivent. Il a pour cela comparé différentes méthodologies de calcul de l’empreinte carbone des matériaux et des bâtiments et différents types de construction et d’architecture. « L’empreinte carbone d’un bâtiment standard se situe entre 700 et 1 200 kg de CO2 par m2 (..). La construction de sous-sols augmente fortement l’empreinte carbone (…). Le choix de matériaux à faible empreinte carbone et/ou biosourcés peut apporter une réduction jusqu’à 50 % de l’empreinte carbone d’un bâtiment », a-t-il résumé en conclusion de sa présentation.

Julien L'Hoest, Patrick Koehnen et Gilles Reding
Julien L’Hoest, Patrick Koehnen et Gilles Reding - ©Infogreen

Gilles Reding (Chambre des Métiers) et Patrick Koehnen (Fédération des Artisans) ont présenté les formations et outils qui existent pour les artisans pour la décarbonation du parc des bâtiments existants. Par exemple : le guide de planification des pompes à chaleur, qui est mis à la disposition des entreprises gratuitement, en allemand et en français.

Enfin, Romain Poulles (LuxReal) a fermé le bal sur la thématique de l’impact de la taxonomie européenne et des critères ESG sur le marché immobilier. « Les ressentis sont très forts », a-t-il annoncé. « La taxonomie, c’est un rouleau compresseur qui avance lentement mais sûrement sur un terrain très accidenté. C’est en train d’arriver et ça nous concerne tous. Ça va coûter très cher en investissements initiaux ».

Romain Poulles a clôturé les débats
Romain Poulles a clôturé les débats - ©Infogreen

Cette conférence marquait le lancement d’un cycle de séminaires et de formations sur la décarbonation du secteur luxembourgeois de la construction. À suivre…

Découvrez ici, les supports de présentation des différents intervenants.

Mélanie Trélat
Photos : Fanny Krackenberger & Sébastien Yernaux

Article
Publié le mercredi 27 septembre 2023
Partager sur
Nos partenaires