« Une opportunité de réfléchir à l'usage des ressources »

« Une opportunité de réfléchir à l’usage des ressources »

La crise des matériaux est globale. L’importance des ressources de proximité est vitale. Plongée à la (bio)source de la planification et de la circularité, avec Philippe Genot (Schroeder & Associés)

La construction, durable surtout, souffre-t-elle de la crise qui raréfie les fournitures et les matériaux et fait exploser les prix ? Vu l’état du marché, Philippe Genot, ingénieur en chef chez Schroeder & Associés et expert en matériaux biosourcés, dresse un premier constat : « La crise concerne tous les matériaux, c’est global. Certaines variations sont plus importantes, mais c’est volatil, tout peut aller très vite et il y a peu de visibilité. Les projets de construction sont à l’horizon de 4 ou 5 ans. Les prix sont à une semaine. Conclusion : la planification fait la différence et les notions de durabilité apportent le sens à long terme qui peut manquer au marché, en apportant de la prévisibilité et de la réflexion d’ensemble ».

Pour l’ingénieur, c’est clair : « Il y a dans ces crises une vraie opportunité, qui pousse à réfléchir à l’utilisation des ressources, en termes de quantité, de qualité, d’impact environnemental ». Et la seconde conclusion coule de source : « Les ressources locales, régionales, proches en tout cas, ont toute leur pertinence dans cette réflexion. Sur le marché du bois par exemple, c’est la distance et le transport qui font les écarts de prix ».

Et quand les matériaux sont biosourcés, le gain se fait sur plusieurs tableaux, notamment sur l’efficience et la neutralité carbone. « Argile, miscanthus, bois local, paille, herbe… Ces ressources locales fonctionnent dans des conditions intelligentes. On peut les intégrer dans des projets où l’humain et son bien-être sont au centre de la chaîne de valeurs. Et on apporte une traçabilité dans cette chaine ».

Appliquer de nouveaux modèles

Même approche avec la circularité des ressources. Déconstruire au lieu de démolir, inventorier, stocker et réutiliser plutôt que mettre en décharge, c’est devenu une évidence. Qui s’intègre dans la planification des projets, pensés pour être adaptés, modulés, déplacés ou/et démontés plus tard. La législation « zéro déchet » consacre le procédé et pousse à l’inventaire, à la banque de données circulaire. « On peut ainsi penser à la réutilisation et à la remise sur le marché. Une plateforme d’échange ou/et de vente de matériaux déconstruits pour le réemploi, par exemple, ce n’est plus de l’utopie, c’est un nouveau modèle économique viable, dans une approche circulaire ».

Avec l’évolution du cadre réglementaire voire des incitants législatifs, l’approche de la construction durable et de l’économie circulaire peut trouver un rythme, devenir une forme d’automatisme, que peut renforcer l’approche BIM par exemple, puisque chaque « couche » d’informations digitalisées peut modéliser un « passeport » de matériaux à réutiliser localement. Idem avec les matériaux biosourcés. Des groupes de travail de l’OAI l’ont récemment démontré au travers de deux études réalisées pour le compte du ministère.

« Notre métier est d’accompagner les nouveaux modes de construction, de planifier en intégrant tous les paramètres en amont du projet », poursuit Philippe Genot. « On peut concilier résilience et autonomie – notamment via les matériaux biosourcés et/ou renouvelables produits dans un petit rayon – avec l’harmonie des ouvrages, la mixité des fonctions et l’intégration dans l’environnement. Il faut le faire et le voir comme un réel investissement, avec retour. La crise est, à cet égard je pense, un catalyseur, voire un accélérateur de changement ».

Alain Ducat

Extrait du dossier du mois « Bâtir d’autres modèles »

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Publié le mercredi 16 novembre 2022
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