Un territoire à ménager

Un territoire à ménager

« Le Luxembourg en 2050 – de l’aménagement au ménagement du territoire » : l’experte luxembourgeoise Pascale Junker sort ce 16 juillet un livre éclairant et qui offre matière à débats. Quelque part entre essai littéraire et recherche scientifique, dans une optique de « recherche populaire ».

« Qui sommes-nous ? Nous sommes les 624 000 résidents qui cohabitent au Luxembourg. C’est sans compter les 200 000 navetteurs, les 1 000 000 d’arrivées annuelles de touristes (avant Corona), les 200 000 bovins, 120 000 poules ou 90 000 porcs, ou encore les autres 1500 espèces connues, qui sont aussi usagers du territoire national. » C’est un extrait, évocateur de l’esprit et du ton qui l’animent, du nouveau livre, publié à titre personnel, de l’experte luxembourgeoise Pascale Junker.

« Le Luxembourg en 2050 – de l’aménagement au ménagement du territoire » sort ce jeudi 16 juillet et est notamment disponible dans les librairies Ernster et Diderich, en version physique (imprimé sur du papier certifié FSC bien sûr).

Experte reconnue...

Ce livre, Pascale Junker le voit comme un « hybride entre essai littéraire et recherche scientifique, qu’on pourrait qualifier de recherche populaire, pour jeter un regard informé, entier et alarmé sur le Luxembourg ». Le tout sans langue de bois mais dans un langage abordable pour un propos clair, analytique, parfois décapant, souvent amusant, mais toujours percutant dans son approche.

Pascale Junker, jusque récemment encore au service du ministère de l’Énergie et de l’Aménagement du Territoire, est une experte renommée. De formation historienne contemporaine et économiste de l’environnement, elle est aussi, notamment, conférencière à l’Université de Luxembourg, conseillère en action climatique et auteure régulière, dans la presse ou en librairie, sur des thèmes en relation avec l’environnement, le climat ou la résilience, et son regard est nourri d’une expérience internationale - elle a parcouru le monde pendant 20 ans en tant qu’experte de la coopération au développement.

Parmi ses publications, on trouve notamment des essais, analyses ou rapports prospectifs, sur la construction bioclimatique au Niger, une approche diagnostic des énergies renouvelables au Cabo Verde ou l’intégration de l’environnement et des changements climatiques dans les processus décisionnels et budgétaires au Sénégal. Au Luxembourg, elle s’est notamment penchée attentivement sur l’aménagement du territoire, la cohésion sociale et le processus Rifkin.

... et récidiviste

En 2010, elle écrivait « Le Luxembourg en 2020 », puis participait au tour de table organisé par la Fondation IDEA sur « Le Luxembourg en 2030 ».

Récidiviste, « prospectrice malgré elle » comme elle le souligne avec un brin de malice, et ayant de la suite dans les idées, Pascale Junker prolonge la série avec cet essai « Le Luxembourg en 2050 ».

L’argumentaire est simple, redondant et, quelque part, résilient : « les temps demandent une révision de fond en comble de notre aménagement du territoire. Si celui-ci veut servir l’intérêt général et les générations futures, il doit se mettre au service de la préservation des ressources, de la prévention des risques territoriaux, de la responsabilisation communale et de la participation citoyenne au devenir territorial ».

Un engagement

L’auteure ne fait pas de concessions et déroule ses constats analytiques, quitte à déboulonner au passage des concepts ou des mythes sur la construction écologique ou les villes durables, l’efficience des ressources, le découplage économie-écologie, le prétendu désamour entre les jeunes et la voiture, la mobilité individuelle, l’électrique propre, la biomasse neutre ou la quête de l’autarcie.

« L’état territorial par défaut est l’état naturel. Ce n’est pas à la nature de justifier son maintien, mais à la croissance de justifier le sien ». Alors l’essayiste propose d’inverser les logiques pour contrebalancer le national, le fossile, l’urbain, le routier, l’économique ou le linéaire par le grand-régional, le climatique, le renouvelable, l’alimentaire, le circulaire et le vivant dans son ensemble. « D’abord manger, boire, se loger. Ensuite énergiser, produire et se mouvoir. Enfin sécuriser et transmettre. Et rebelote... » Sa thèse : dans un monde en contraction, la neutralité carbone va venir, pour ainsi dire, naturellement, car c’est une contrainte bio-géo-physique. « Sur le plan humain, c’est aussi un engagement politique, moral et juridique. Mieux vaut être préparé et positif, et rien de plus efficace que le territoire pour le devenir ».

Une lecture à prolonger de la réflexion et de l’action ad hoc. Car le territoire, alors, n’est plus juste à aménager. Il est surtout à ménager.

Alain Ducat

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Publié le jeudi 16 juillet 2020
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