
Tableau de bord chiffré inédit de la biodiversité au Luxembourg
Forêts, rivières, prairies : pour la première fois, l’état de la biodiversité luxembourgeoise est passé au crible de 25 indicateurs. Présenté le 12 décembre, le rapport « La biodiversité en chiffres » entend objectiver la situation et servir de boussole aux politiques publiques.
« La biodiversité en chiffres » a offert pour la première fois une vision chiffrée, structurée et documentée de l’état de la nature au Luxembourg. Piloté conjointement par le Statec (Institut national de la statistique et des études économiques) et le ministère de l’Environnement, du Climat et de la Biodiversité, le rapport a mis en évidence des écosystèmes fragiles, malgré des efforts croissants de protection, de conservation et de restauration.
« Je suis très heureux de pouvoir vous présenter aujourd’hui une nouvelle publication », a déclaré Serge Wilmes en ouverture de la conférence de presse. Pour le ministre de l’Environnement, du Climat et de la Biodiversité, « La biodiversité en chiffres » ne relevait pas d’une opération de communication, mais constituait un outil d’aide à la décision. « Il s’agit d’un exercice important, mené par le Statec, en collaboration avec de nombreux partenaires, afin d’obtenir une vision d’ensemble de l’état de la biodiversité. »
Le rapport s’est appuyé sur 25 indicateurs, sélectionnés pour leur robustesse scientifique. « L’objectif est clair : mesurer de manière objective et transparente l’état de la biodiversité, mais aussi évaluer si les mesures mises en place pour la protéger, la restaurer ou la compenser portent leurs fruits », a insisté le ministre. « Sans diagnostic précis, impossible d’agir efficacement. »
Derrière les chiffres, Serge Wilmes a rappelé l’enjeu fondamental.
« Quand on parle de biodiversité, on parle de la diversité des espèces végétales et animales, mais aussi de la capacité des écosystèmes à rester résilients et durables. Disposer d’un tableau de bord national, c’est une véritable assurance-vie pour notre société. »
Rendre visible une crise encore trop reléguée au second plan
Pour Tom Haas, directeur du Statec, cette publication a répondu à un manque. « La biodiversité est une thématique complexe, aux multiples dimensions, qui souffre encore d’un manque de visibilité dans le débat public », a-t-il observé. La comparaison avec le climat a été assumée : « La perte de biodiversité est tout aussi grave que le changement climatique. »
Le rôle du Statec a consisté à fournir des repères fiables. « Notre mission est de mettre à disposition des données pour alimenter le débat public et la prise de décision », a rappelé Tom Haas, en soulignant l’ancrage du Luxembourg dans le système statistique européen. Le rapport s’est également distingué par son approche pédagogique. « Nous avons opté pour un format de vulgarisation afin de rendre ces informations accessibles au plus grand nombre, sans en dénaturer le contenu scientifique. »
Un travail collectif ancré dans la science
Ingénieur au Statec et auteur du rapport, Olivier Thunus est revenu sur la genèse du document, lancé en 2023. L’Administration de la nature et des forêts, l’Administration de la gestion de l’eau, le LIST, le Musée national d’histoire naturelle et la Centrale ornithologique de natur&ëmwelt ont contribué à l’exercice. « Cette publication est aussi le résultat du travail quotidien des naturalistes, professionnels ou amateurs, qui encodent des données dans des bases internationales », a-t-il souligné.
Structuré en trois chapitres – habitats, espèces, mesures et budget –, le rapport permet de comparer les situations dans le temps et d’objectiver les évolutions.
Habitats sous pression malgré une surface stable
Premier enseignement : les espaces naturels et semi-naturels couvrent environ 65 % du territoire, une proportion globalement stable depuis 2007. « Toutes ces forêts et prairies ne sont pas forcément riches en biodiversité », a toutefois nuancé Olivier Thunus, rappelant la nécessité de compléter l’approche satellitaire par des observations de terrain.
Les forêts ont illustré cette complexité : seuls 43 % des peuplements présentant un fonctionnement proche du naturel. L’état sanitaire des arbres s’est fortement dégradé. « En 1984, environ 80 % des arbres ne présentaient aucun dommage. En 2023, ce chiffre est tombé à 15 %. »
Les milieux ouverts, qui ne représentent que 1,9 % du territoire, ont montré une forte hétérogénéité. « Dans la majorité des cas, on observe une dégradation et une disparition de ces habitats », a relevé Olivier Thunus. Le constat a été particulièrement sévère pour les milieux aquatiques : en 2021, aucune masse d’eau n’atteignait le bon état écologique.
Espèces menacées : des signaux d’alerte clairs
Sur la base des listes rouges, Olivier Thunus a rappelé que sont considérées comme menacées les espèces classées en danger critique, en danger ou vulnérables. « En 2024, 30 % des oiseaux nicheurs étaient menacés de disparaître. » À long terme, « les oiseaux des milieux agricoles ont vu leur indice diminuer d’environ moitié depuis 1980 ».
Les papillons ont suivi une trajectoire similaire : « 26 % sont menacés et 30 % de leurs aires de répartition se sont contractées », avec une baisse d’environ 50 % de l’indice européen entre 1991 et 2022. Les plantes vasculaires ont également présenté un niveau d’alerte élevé, avec 35 % d’espèces menacées.
Le rapport a enfin abordé les espèces non indigènes. Dans certains habitats, jusqu’à 30 % des espèces recensées n’étaient pas originaires du territoire. « Actuellement, 22 espèces figurent sur la liste noire », a indiqué Olivier Thunus. Le raton laveur illustre cette dynamique : détecté sur 57 % des sites en 2014, il l’était sur 86 % en 2021.
Des moyens en hausse, des effets à mesurer dans le temps
Les zones naturelles protégées couvrent 28 % du territoire, avec un objectif de 30 % d’ici 2030. Les instruments financiers ont progressé, représentant environ 90 millions d’euros en 2022 et plus de 800 emplois.
Interrogé sur l’efficacité de ces investissements, Olivier Thunus a reconnu l’absence de modèles permettant d’en mesurer précisément l’impact. Serge Wilmes a insisté sur la temporalité : « Les effets des mesures ne sont pas immédiats. Il faut du temps pour observer des résultats concrets. Cette publication n’était pas une fin en soi. »
L’intégralité de ce rapport peut être parcourue ici :
Sébastien Yernaux
Photos : © Picto
Illustrations : © Statec


























