Un nouvel exploit pour la construction bois-paille-terre

Un nouvel exploit pour la construction bois-paille-terre

Un immeuble de bureaux de Bettembourg est l’objet d’un test grandeur nature pour la construction de ses façades à l’aide de modules bois-paille-terre en pleine hauteur (12 m). Un « stress test » concluant a été mené début février pour vérifier la faisabilité technique du chantier.

« Une étape cruciale s’est achevée avec la validation de la statique et du modus operandi de manutention des éléments de façade en bois-paille-terre. Deux modules types pour l’ensemble du projet, trois étages en une phase de pose et approximativement 8 jours pour fermer l’ensemble des façades du futur siège de bureaux à Bettembourg, tels sont les chiffres-clef », se réjouit Régis Bigot de Neobuild, le pôle d’innovation technologique du secteur de la construction durable, qui opère ici en tant qu’assistant à maîtrise d’ouvrage.

C’est un travail d’équipe, grâce à une « bouwteam » composée de multiples experts du bâtiment (voir fin d’article), qui permet à ce chantier de voir le jour dans des délais serrés. Un travail qui commence avec la volonté du maitre d’ouvrage, Christoff Dellizotti, de l’entreprise générale de construction éponyme, de remettre en question les pratiques du secteur, et qui se concrétisera très prochainement dans ce projet pilote novateur soutenu par le ministère de l’Économie.


« C’est un pilote qui montre les tendances d’aujourd’hui et de demain et qui invite à les généraliser. »

Régis Bigot, architecte et Innovation Project Manager chez Neobuild

Projet transfrontalier

Un module de façade de 12 m de haut (3 étages) lors d'un test de levage, transport et assemblage à Bettembourg
Un module de façade de 12 m de haut (3 étages) lors d’un test de levage, transport et assemblage à Bettembourg - ©R.Bigot - Neobuild GIE

Le système constructif des façades joint la structure bois, l’isolation en paille et les enduits intérieurs en terre dans des modules préfabriqués en atelier et validés au standard passif. Le Luxembourg compte plusieurs entreprises spécialisées « bois-paille », mais il a fallu faire appel à une entreprise belge – Paille-Tech – pour intégrer l’élément « terre », élémentaire puisque « il s’agissait d’apporter aux façades – via cet enduit de terre épais qui fait la plus-value de leur approche – une inertie thermique supérieure à une ossature bois classique, inertie nécessaire au fonctionnement du concept thermique », précise l’Innovation Project Manager.

L’entreprise du plat pays a également été challengée dans la réalisation de panneaux de grands gabarits, de murs façades de 12 m de hauteur, au lieu des modules d’une seule hauteur d’étage auxquels elle est habituée. Régis Bigot : « Ce choix audacieux vise à systématiser la conception des façades (un module opaque et un module vitré pour l’ensemble du projet), réduire les travaux de jonctions entre éléments (étanchéité à l’air), pousser la préfabrication au maximum du gabarit standard de transport et accélérer le processus de mise en œuvre ». Rappelons que l’ensemble des façades de ce bâtiment (1.200 m2), devrait être fermé en 8 jours environ.

Compte tenu de l’envergure des modules et du procédé novateur, un « stress test » a été organisé afin de garantir le bon déroulement du levage, du transport et de l’assemblage. « C’était très excitant et tout s’est très bien déroulé. Autant le matériel de levage fabriqué pour l’occasion que les modules se sont bien comportés lors des opérations de manutention et de levage ; les hypothèses de déformation de la structure étaient alignées avec les mesures qui ont été prises durant les essais, au millimètre près ! Les corps d’enduit en terre n’ont présenté aucune microfissure, ce qui est fantastique. Ce fut l’occasion pour Paille-Tech de prendre quelques notes d’ajustement pour le mode opératoire d’installation prévu dans quelques mois. »

Circulaire et biosourcé


« S’il y a beaucoup d’enthousiasme autour de ce projet, il y a aussi beaucoup de détracteurs qui nous attendent au tournant ; il est toujours possible que certains choix techniques ne fonctionnent pas parfaitement ou conformément à nos prédictions, mais cette prise de risque est assumée et nécessaire pour évoluer et c’est ce que nous attendons d’un démonstrateur. »

Régis Bigot, Neobuild

Cette conception des façades n’est pas la seule innovation dans ce projet, puisqu’il s’agira du premier bâtiment de bureaux du pays à ne pas disposer de système de chauffage, de climatisation ni de ventilation mécanique.

La superstructure réalisée en éléments de béton préfabriqués sur le chantier et assemblés mécaniquement rendra l’immeuble entièrement démontable. « Ce choix du béton plutôt que le bois est ici essentiel pour que le concept thermique à forte inertie fonctionne. Cette approche constructive n’est pas révolutionnaire en soi, mais elle est encore trop peu exploitée au Luxembourg », développe Régis Bigot. Cette volonté de répondre autant que possible aux principes circulaires, également soutenus par le gouvernement, est renforcée par le recours à de nombreux matériaux biosourcés, recyclés ou issus du réemploi.

Par Marie-Astrid Heyde
Photos : R.Bigot - Neobuild GIE

Bouwteam :

Sur le sujet bois-paille-terre, lire aussi cette interview de Julien Lefrancq, administrateur de Paille-Tech

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Publié le vendredi 16 février 2024
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