Responsabilité sociale et environnementale des entreprises au Luxembourg

Responsabilité sociale et environnementale des entreprises au Luxembourg

Le débat politique sur la responsabilité sociale et environnementale des entreprises au Luxembourg prend de l’ampleur

Six mois après avoir présenté leur proposition d’instaurer des normes contraignantes pour garantir le respect des droits humains et de l’environnement par les entreprises transnationales au Luxembourg, les 14 organisations membres de l’Initiative pour un devoir de vigilance font état d’un bilan encourageant.

Dans leurs programmes électoraux, cinq des six partis politiques actuellement présents à la Chambre des députés soutiennent ou n’excluent pas la proposition de l’Initiative d’adopter une loi sur le devoir de vigilance pour les entreprises transnationales au Grand-Duché afin de prévenir d’éventuels impacts négatifs sur les droits humains et l’environnement dans le cadre de leurs activités et celles de leur chaîne de valeur.

La proposition de l’Initiative a été également défendue lors de l’élaboration du premier Plan d’action national (PAN) sur les entreprises et les droits humains du Luxembourg. Promu comme « un processus consensuel », la rédaction du premier PAN a surtout démontré qu’il existe deux visions différentes sur l’approche à adopter pour responsabiliser les entreprises au Luxembourg.

Le devoir de vigilance fait son entrée dans le discours politique

Suite à la publication des programmes électoraux des partis politiques, l’Initiative constate certaines évolutions positives dans le discours politique[1]. La plupart des partis politiques ont pris conscience de la pertinence de la proposition d’adopter des normes contraignantes pour responsabiliser les entreprises et de l’urgence d’agir pour prévenir des impacts négatifs sur les droits humains et l’environnement.

L’analyse des programmes électoraux des six partis actuellement présents à la Chambre des députés révèle trois types de positions :

  • Soutien à l’adoption d’une loi sur le devoir de vigilance au niveau national (Déi gréng et déi Lénk)

Déi gréng veulent « peaufiner l’idée de la responsabilité sociale des entreprises ». Pour cela, « il faut, en s’inspirant de la référence française, élaborer une loi sur le devoir de diligence des entreprises transnationales afin qu’elles respectent les normes des droits de l’homme, du droit social et environnemental, y compris dans leurs implantations en dehors de l’UE »[2].

Déi Lénk vont au-delà de la proposition de l’Initiative parce qu’ils sont prêts à s’engager pour un cadre multilatéral contraignant en matière de RSE des entreprises. Selon le parti de gauche « une première étape est l’introduction, sur le plan national, d’un devoir de diligence pour les entreprises[3] ».

  • Soutien à la mise en place de normes contraignantes sur le devoir de vigilance au niveau européen (LSAP et DP)

Selon le parti socialiste, une loi au niveau national risquerait de nuire à la compétitivité du Luxembourg et il a donc une préférence pour des normes contraignantes au niveau européen. Ainsi, le LSAP s’engage dans le cadre de son programme électoral à « travailler au niveau européen pour s’assurer que les entreprises transnationales ont l’obligation contraignante de connaître leur chaîne d’approvisionnement et de contrôler le respect des critères sociaux et environnementaux (devoir de vigilance)[4] ».

Malgré que le DP soit le seul parti à ne pas se positionner sur la proposition de l’Initiative dans son programme électoral, d’après des échanges avec la coalition, le parti démocratique serait également en faveur de l’adoption de normes contraignantes au niveau européen.

  • Si l’approche volontaire s’avère inefficace, soutien à l’adoption d’une loi (CSV et ADR)

Le CSV déclare dans son programme que « si le Plan d’action national ne démontre pas que l’engagement volontaire des entreprises est efficace, nous rendrons la responsabilité de l’entreprise de respecter les droits humains juridiquement contraignants et établirons des normes vérifiables de diligence raisonnable »[5]. L’ADR évoque également la possibilité d’établir une loi « afin d’aider les entreprises à développer la déontologie nécessaire et éviter les violations des droits humains »[6].

PAN sur les entreprises et les droits humains : le smart mix n’est pas encore à l’ordre du jour

Élaboré par le Ministère des Affaires étrangères et européennes, le PAN luxembourgeois a été adopté par le Conseil du gouvernement en juillet 2018. Il est censé mettre en œuvre les Principes directeurs des Nations Unies sur les entreprises et les droits de l’homme adoptés en 2011 par les États membres de l’ONU. Un élément central de cette mise en œuvre est la recherche d’équilibre entre les mesures - en anglais “le smart mix”. Comme le souligne le Groupe de travail des Nations Unies sur les entreprises et les droits humains, un plan d’action national devrait contenir un mélange bien dosé de mesures contraignantes et volontaires, ainsi que de mesures nationales et internationales. L’idée du smart mix est que toutes les mesures susceptibles d’influencer les effets de l’économie sur les droits humains devraient être prises en considération.

Lors de l’élaboration du PAN luxembourgeois, l’Initiative a, à plusieurs reprises, insisté sur l’importance de se doter d’un smart mix de mesures, y compris des normes de prévention contraignantes, telles qu’une loi sur le devoir de vigilance. Pourtant, le MAEE a décidé de retenir, dans le cadre de ce premier PAN, uniquement l’approche volontaire prônée par les acteurs du secteur privé tout au long du processus.

Ainsi, malgré l’annonce d « un véritable effort collaboratif entre le gouvernement, le secteur privé, la société civile et les syndicats » par le Ministre Jean Asselborn[7], les positions des acteurs mentionnés ci-dessous sont au final assez différentes et visibles dans l’annexe 2 du PAN[8]. Dans le cadre de ce premier PAN, 13 mesures[9], dont une cartographie des risques d’impacts négatifs sur les droits humains liés aux activités des entreprises domiciliés au Luxembourg, devront être mises en œuvre jusqu’à fin 2019.

Vers une loi sur le devoir de vigilance au cours de la législature 2018-2023 ?

Malgré l’absence de normes contraignantes, le PAN comporte certaines actions qui sont positives et pourraient contribuer à la concrétisation d’une loi sur le devoir de vigilance au cours de la prochaine législature. Lors d’un entretien avec l’Initiative, le Ministre Jean Asselborn a affirmé que ce serait une tache pour le nouveau gouvernement. Estimant que l’approche volontaire pour responsabiliser les entreprises est insuffisante, l’Initiative continuera à plaider pour un cadre contraignant auprès des nouveaux décideurs.

Communiqué par Fairtrade Lëtzebuerg

Contacts :

ASTM : Dietmar Mirkes (+4917662517587), Antoniya Argirova (+352621303193)
Fairtrade  : Jean-Louis Zeien (+352621180105)
OGBL : Jean-Claude Bernardini (+352621302954)

[1] Les positions intégrales des partis peuvent être consultées sur https://www.initiative-devoirdevigi...
[2] http://wielgreng.lu/wp-content/uplo..., page 95
[3] https://issuu.com/deilenk/docs/wahl..., page 84
[4] https://www.lsap.lu/wp-content/uplo..., page 64
[5] https://wahlen2018.csv.lu/files/201..., page 63
[6]https://adr.lu/wp-content/uploads/2..., page 47
[7] https://maee.gouvernement.lu/dam-as..., page 3
[8] Idem, page 42
[9] Idem, pages 30-31

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Publié le lundi 15 octobre 2018
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