Production circulaire d'énergie : défis et impact

Production circulaire d’énergie : défis et impact

Depuis fin 2015, la centrale de cogénération Lënster Energie produit et distribue de l’électricité et de la chaleur à partir de son site de Gonderange. Ce projet durable et circulaire profite aux acteurs locaux et contribue de manière significative à la lutte contre la pollution et le changement climatique.

Rencontre avec Alexandre Kieffer et Jean Schummer, gérants de Lënster Energie

À partir de quelles sources la centrale produit-elle de l’énergie ?

Jean Schummer : Dans sa nouvelle réglementation, le ministère de l’Énergie priorise la valorisation des effluents d’élevage, tels que les lisiers et fumiers. Pour obtenir le maximum prévu au niveau de la nouvelle prime lisier, il faut désormais atteindre un seuil de 90 %. C’est l’objectif que nous ciblons cette année et nous en sommes proches, sachant que nous étions déjà autour des 81 % l’année passée. Pour ce qui est des 10 % restants, ils seront issus de déchets organiques industriels et agro-industriels importés de Grande Région.

Lënster Energie est-il un modèle qui pourrait faire école ?

Alexandre Kieffer : C’est le but ! Oui, je pense que ce modèle pourrait avoir un avenir dans certaines régions rurales. Cependant, il s’agit d’un projet extrêmement complexe, bien plus qu’un projet immobilier, impliquant de nombreux obstacles à surmonter et dont la réalisation a exigé une grande patience, des ressources substantielles, ainsi que l’appui des autorités publiques tant ministérielles que communales. La collaboration avec la commune a été exemplaire, surtout lors des prises de décisions stratégiques.

JS : Il existe des initiatives similaires dans des zones artisanales ou industrielles où le déploiement d’un projet de biométhanisation aurait du sens. Cependant, actuellement, rien de concret n’a encore émergé, et l’avenir nous dira si le secteur de la biométhanisation parviendra à se stabiliser. Récemment, la crise en Ukraine a engendré une évolution des prix d’achat des énergies primaires, des coûts de gestion et d’entretien des équipements qui a considérablement augmenté nos coûts de production, alors que nos prix de vente n’ont pas suivi la même tendance à la hausse. Nos contrats de fourniture de chaleur définissent un prix de base corrélé à l’index et au prix du mazout. Nos coûts pour l’électricité consommée pour le process ont été multipliés par 7, tandis que notre prix de vente pour la chaleur a seulement augmenté de 10 %. Ces variations ne sont pas en proportion l’une avec l’autre. De plus, les tarifs d’injection pour l’électricité produite et les primes dont nous bénéficions (primes de chaleur et de lisier) sont figés par les règlements sans possibilité d’ajustement. Malheureusement, nous ne sommes pas éligibles au régime d’aides aux entreprises particulièrement touchées par la hausse des prix de l’énergie causée par l’agression de la Russie contre l’Ukraine qui a été mis en place par le ministère de l’Économie.

Les émissions de carbone épargnées grâce à votre projet peuvent-elles être chiffrées ?

JS : Oui, nous avons mandaté une société d’établir le bilan carbone de notre centrale afin d’obtenir des chiffres précis et concrets qui nous permettront de trouver une valorisation pour les milliers de tonnes de CO2 économisées. Selon nos propres calculs basés sur la quantité actuelle de chaleur vendue, cette économie s’élèverait à environ 3 500 tonnes/an et passerait à 5 000 tonnes/an dès lors que le volume de chaleur augmentera. Cela représente un impact significatif et, même si le prix de la tonne est actuellement relativement bas, cette perspective nous offre la possibilité d’augmenter notre chiffre d’affaires et de compenser les hausses de prix que nous devons absorber.

À propos de Lënster Energie

Lënster Energie comprend une unité de biométhanisation qui transforme le gaz produit par la fermentation de biomasse en électricité et en chaleur à l’aide de deux moteurs de cogénération d’une puissance électrique de 1,274 MW et d’une puissance thermique de 1,5 MW.

Une centrale à copeaux de bois de 1,7 MW et deux chaudières bicombustibles de 1,6 MW chacune fournissent un complément de chaleur qui permet de couvrir les pics de consommation pendant la saison froide et d’assurer l’approvisionnement lors des arrêts temporaires des autres installations.

L’électricité produite est injectée dans le réseau national, tandis que l’énergie thermique est acheminée vers le réseau de chaleur urbain desservant le village de Junglinster, qui s’étend actuellement sur près de 6 km. Il sera raccordé dans les années à venir aux nouveaux quartiers en développement et à un futur centre multiservices qui regroupera habitations, commerces et loisirs. L’objectif au niveau de la quantité de chaleur vendue est de 15 000 000 kWh (soit le double de la vente actuelle et l’équivalent de 1 500 000 litres de mazout) à l’horizon 2026.

Une production annuelle de 11 000 000 kWh d’électricité verte (soit environ la consommation annuelle de tous les ménages de la commune) a déjà été atteinte en 2018.

Le projet a une dimension circulaire et sociétale fondamentale, impliquant activement les collectivités locales, notamment les cultivateurs qui fournissent la matière première et récupèrent les fertilisants issus du processus de méthanisation pour enrichir leurs terres ainsi que les entreprises associées LEE et Gabbana qui ont respectivement contribué à la planification du projet et à la fourniture, l’installation et la maintenance des équipements techniques.

Mélanie Trélat
Extrait du NEOMAG#60

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Publié le lundi 26 février 2024
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