Passer de la vision à la stratégie

Passer de la vision à la stratégie

La Commune de Wiltz, le Circular Innovation Hub de Wiltz et Infogreen.lu ont accueilli leur premier débat commun sur les enjeux de l’économie circulaire. Les intervenants restent optimistes malgré les obstacles.

L’événement a rapidement affiché complet et c’était donc salle comble pour débattre des enjeux de l’économie circulaire à Wiltz le jeudi 9 février, introduit notamment par Frédéric Liégeois, fondateur de Picto Communication Partner (Infogreen.lu, 4x3) : « le Luxembourg a épuisé le 14 février toutes les ressources à sa disposition pour l’année 2023. Si ce modèle économique s’est révélé très efficace pour accroître les niveaux de vie d’une grande partie de la population mondiale, il est aussi tenu responsable de l’apparition des deux problèmes majeurs que sont la raréfaction des ressources naturelles et la pollution de l’environnement, sans parler des inégalités sociales ».

Ce premier volet co-organisé par le Circular Hub de Wiltz et Infogreen.lu rassemblait un panel d’experts en matière de circularité, de secteurs très variés, et un public très intéressé et impliqué dans la recherche de solutions.

  • Paul Schosseler, directeur Construction durable et Économie circulaire au ministère de l’Énergie et de l’Aménagement du territoire, représentait une boucle de coordination de six ministères agissant en faveur de l’économie circulaire. « Nous consommons des ressources qui ne seront plus disponibles pour nos enfants. L’économie circulaire peut être une réponse à cette problématique. »
  • Patty Koppes, chef de projet économie circulaire - commune de Wiltz : « Au niveau de la commune, nous avons réalisé l’énorme potentiel des ressources disponibles régionalement. Nous avons surtout le rôle de créer une demande, de déclencher des nouvelles solutions pour qu’elle trouve leur place sur le marché ».
  • Bruno Renders, administrateur général du CDEC (Conseil pour le Développement Économique de la Construction) : « Je représente le mauvais élève de la classe. La construction est un gros émetteur de déchets, gros consommateur d’énergie et de matières premières. Nous essayons de trouver des solutions avec le CDEC et l’IFSB (Institut de formation sectoriel du bâtiment). Je suis un climat-optimiste, je suis persuadé qu’il y a des solutions à mettre en place sans faire la révolution, en changeant nos habitudes de faire des bâtiments ».
  • Nicolas Delvaux, business developer chez COMPOSIL Europe, entreprise experte en nettoyage, recyclage et réemploi des moquettes de bureau : « Nous nous sommes associés avec un grand fabricant de moquettes. Maintenant nous sommes capables de donner une 2e et une 3e vie aux dalles avant de les recycler ».
  • Jean-Marc Moulin, Sustainability Director Hydro Extrusions pour Wicona by Hydro Building Systems, producteur de châssis en aluminium : « Nous ne pouvons pas encore nous passer de la biosphère, mais nous investissons dans la technosphère pour diminuer notre impact, et nous proposons maintenant des châssis composés de minimum 82% d’aluminium recyclé sans perte de qualité ».
  • Modératrice et gestionnaire du Circular Innovation Hub, Ariane Bouvy a interrogé les intervenants sur les porteurs de stratégies circulaires. Faut-il attendre que le gouvernement impose des réglementations ou que les entreprises prennent les choses en main ? Tous s’accordent à dire qu’il faut agir sans attendre, tester à petite échelle avant d’appliquer plus largement.

« Le secteur de la construction doit se doter d’une stratégie sans attendre que la réglementation vienne s’imposer » Bruno Renders (CDEC)

« Les entreprises qui ont le développement durable dans leur stratégie sont celles qui vont le mieux réussir au niveau de la stabilité financière » Jean-Marc Moulin (Hydro)

Les contraintes

Elles sont évidemment nombreuses et très variées : les mentalités liées aux habitudes (« on a toujours fait comme ça, pourquoi changer ? », valeur économique, coût, business plans à court terme, complexité du sujet, etc. Comme le mentionne malheureusement Paul Schosseler, représentant ministériel, « on pourrait parler durant deux heures d’obstacles et de freins ». Positif de nature, Bruno Renders transforme les freins en solutions : « Il faut inverser la tendance et favoriser ceux qui font plus plutôt que ceux qui font moins. Les entreprises sont prêtes à y aller, mais le cadre doit être présent. Si le marché public exige une démarche circulaire, elles le feront ».

« Une des principales contraintes est la valeur qui est définie par un prix économique aujourd’hui. Il faut définir cette valeur d’une autre manière, dans un cadre beaucoup plus large, pour respecter les besoins de la nature et des générations futures. En fait, le frein majeur est peut-être l’humain » Paul Schosseler (MECDD)

« Il y a je pense deux freins majeurs : la complexité du sujet, qu’il faut travailler en équipe pluridisciplinaire où chacun maîtrise sa partie, et ensuite la vision court-termiste avec laquelle les entreprises fonctionnent actuellement. On a une vision différente quand on réfléchit sur 5 ans ou sur 30 ans » Patty Koppes (commune de Wiltz)

Les solutions

Heureusement aussi nombreuses que les freins, les solutions voient le jour, qu’elles soient de l’ordre du test à petite échelle ou de la réglementation à portée large.

L’État se mobilise, même si les démarches mettent du temps à se mettre en place, d’autant plus quand pour des thématiques qui touchent à plusieurs ministères, comme l’économie circulaire : « Un élément très important est d’avoir une approche de concertation au niveau de l’État. C’est ce que nous faisons en nous réunissant toutes les deux semaines pour discuter de projets interdisciplinaires, traiter les questions réglementaires, financières… selon une approche holistique », développe Paul Schosseler. Une approche mutltidisciplinaire encore confirmée par Patty Koppes de la ville de Witz : « il faut s’entourer d’un réseau pluridisciplinaire, aller chercher les compétences nécessaires pour bien comprendre la problématique et se rendre compte qu’il y a déjà des solutions sur le marché ».

Des solutions comme celles présentées par les deux entreprises présentes au débat.

« Notre solution a été de faire du lobbying afin de se créer un écosystème de petites et moyennes entreprises pour générer du dialogue : tu entends parler de quelque chose ? On en discute. Et vice-versa. Et encore du lobbying avec les industriels pour qu’ils mettent des options de réemploi et de recyclage en place. Comme les mentalités changent, la demande est là. S’ils ne proposent pas le recyclage, ils ne vendent plus » Nicolas Delvaux (Composil)

« L’élément de solution le plus récent pour nous est la création de partenariats. C’est important de ne pas aller seuls voir les communes, les ministères, mais d’y aller avec des entreprises complémentaires, ayant la même approche, la même stratégie » Jean-Marc Moulin (Hydro)

Le sustainability director croit également beaucoup aux certifications qui permettent de prouver les aspects circulaires des produits proposés (Cradle to Cradle) mais aussi de s’améliorer et d’être transparents.

Côté sectoriel, la vision du directeur du CDEC consiste à : « repenser la manière de construire, en distinguant le neuf du rénové car les approches et les possibilités sont différentes et enfin montrer, pas juste dire et prescrire ».

Place à l’action, donc, en regroupant les forces de chacun, dans une approche pluridisciplinaire. Un travail collectif pour relever les défis de la durabilité.

Ponctué d’interventions d’un public intéressé, le débat s’est poursuivi autour d’un buffet préparé par Benu Sloow dans une approche elle aussi circulaire, groupant slow food, rescued food (aliments invendus), zéro déchet et inclusion sociale.

Marie-Astrid Heyde
Photos : Marie Champlon

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Publié le jeudi 16 février 2023
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