Mobilité alternative : retour d'expérience d'un pionnier sur la Place

Mobilité alternative : retour d’expérience d’un pionnier sur la Place

L’objectif du programme My Commuting @PwC est de proposer aux 2.300 collaborateurs de PwC Luxembourg des solutions de mobilité qui répondent à la fois à leurs besoins et aux exigences environnementales de la firme. A la voiture de société s’ajoutent d’autres modes de transport adaptés aux déplacements pendulaires et/ou professionnels.

Rencontre avec Laurent Rouach, associé, Sustainability Leader chez PwC Luxembourg.

Cela fait plus de trois ans que PwC Luxembourg concentre ses efforts et ressources sur le développement d’un programme de mobilité durable baptisé My Commuting @PwC. En quoi consiste ce programme de mobilité ? Comment s’articule-t-il ?

Notre programme de mobilité a été conçu autour de notre Bilan Carbone®, lequel a mis en évidence que près des trois quarts de nos émissions de CO2 relèvent de la mobilité de nos collaborateurs. S’ajoute à la considération écologique la problématique de l’engorgement des axes routiers au Luxembourg, à laquelle est confrontée PwC Luxembourg comme une majorité d’entreprises dans le pays.

A l’heure où la voiture de société a un peu moins la cote qu’auparavant et où nos jeunes collaborateurs émettent le souhait de se voir proposer des solutions de mobilité dans leur package salarial, nous avons développé un programme de mobilité ambitieux et inédit au Grand-Duché.

Quelles sont ces solutions ?

Notre plan de déplacement combine plusieurs solutions de mobilité.

D’abord, il inclut les transports en commun. Nous avons adhéré à la solution Jobkaart, laquelle propose aux entreprises, moyennant une convention avec la Ville de Luxembourg, d’offrir à ses employés le transport en commun gratuit dans la capitale. Nous proposons également à nos collaborateurs le M-Pass, un abonnement annuel à tarif réduit valable à la fois pour les trajets sur le territoire national et les trajets transfrontaliers, que nous prenons en charge pour moitié.

A cela s’ajoute une grande plateforme de covoiturage, qui, grâce à un système de géolocalisation, permet à tous les collaborateurs de se rapprocher et d’interagir par le biais d’un outil informatique dédié afin de se rendre à plusieurs sur leur lieu de travail.

Nous avons parallèlement mis au point sur notre site intranet un système d’auto-partage. Par le biais d’un outil informatique spécifique, une flotte de 11 véhicules composée de véhicules électriques et thermiques à faibles émissions est mise à disposition. L’objectif est de favoriser les déplacements sur place des collaborateurs n’ayant pas de voiture personnelle ou ayant fait le choix de la laisser au garage. Un salarié peut même occasionnellement utiliser un véhicule pour rentrer chez lui, voire l’utiliser le week-end.

Aujourd’hui, nous continuons de développer des solutions de mobilité durable et incluons cette problématique dans l’aménagement de Crystal Park, notre nouveau siège certifié BREEAM, en construction sur le Ban de Gasperich.

Les collaborateurs de PwC Luxembourg sont-ils réceptifs à cette initiative ?

Nous nous situons dans la moyenne des initiatives de ce type menées un peu partout dans le monde. Près de 350 personnes sur les 2.300 collaborateurs que compte la firme ont d’ores et déjà adhéré à notre programme d’auto-partage qui a vu le jour en avril 2013 et qui affiche plus de 2.100 réservations. Tous les mois, dix collaborateurs supplémentaires rejoignent les rangs. On peut donc aisément considérer que les mentalités évoluent.

Nous cherchons d’ailleurs à étendre notre plateforme informatique de covoiturage à d’autres sociétés dans la zone, et qu’une société a récemment rallié la plateforme.

L’auto-partage et le covoiturage induisent un véritable changement de paradigme et la mise en place d’infrastructures ad hoc (pour l’auto-partage) et complémentaires très ambitieuses. Parallèlement, les trajets domicile-travail ont un caractère très hétéroclite au Luxembourg, selon que l’on habite près de Luxembourg-Ville , le Nord du pays ou que l’on soit frontalier. Comment pallier ces problématiques ? Quid des non-citadins ?

L’auto-partage et le covoiturage sont un changement de paradigme.

On passe du produit,la voiture, au service, la mobilité, de la propriété à l’économie du partage (certains économistes parlent de l’économie du partage comme la troisième révolution industrielle).Ces deux premiers changements induisent le troisième : on passe de la solution de mobilité unique (je ne dispose que de ma voiture pour me rendre au travail puis à mes rendez-vous professionnels) à un service de mobilité varié où chaque mode de transport correspond à une utilisation (je combine train et bus pour venir au travail et utilise l’auto-partage pour mes rendez-vous professionnels).

L’extension du MoDU (ndlr : la stratégie globale pour une mobilité durable voulue par le gouvernement selon une approche intégrative) aux frontaliers va changer la donne puisqu’elle permet d’accéder plus facilement à son lieu de travail au Luxembourg via les transports en commun. L’idée est d’aller plus loin en greffant des solutions permettant aux salariés luxembourgeois habitant dans des contrées plus reculées à l’étranger de se rendre sur leur lieu de travail en transports en commun ou en covoiturage. Cela passe notamment par la création de quatre P+R destinés à cet effet, dans la mesure du possible à hautes qualités de services, qui voient d’ailleurs petit à petit le jour, tout comme de navettes périphériques. Bien évidemment, une masse critique minimale reste la condition sine qua non à la réalisation de nouvelles infrastructures.

Mais il reste du chemin à parcourir et les freins restent nombreux. Quelques pistes de progrès sont à explorer, comme le ticket unique dans la Grande Région.

Les Luxembourgeois et les résidents luxembourgeois, à l’instar des Allemands, sont pour beaucoup d’entre eux très attachés à leur voiture personnelle de standing, confort et image de marque obligent. Or même en France où le phénomène est bien moindre, Clément Dupont-Roc, spécialiste en électro-mobilité au cabinet de conseil en stratégie BIPE, affirme que l’auto-partage « n’est pas un marché de masse (…) mais des petites niches, des étudiants, des gens qui remplacent ainsi la seconde voiture ou les transports en commun ». Quelle est votre analyse sur le sujet ?

Tout d’abord, ce qu’il faut savoir, c’est que l’auto-partage, c’est bientôt quatre millions d’utilisateurs dans le monde et des revenus qui atteindront les six milliards de dollars d’ici 2020, selon différentes études Il y a donc un véritable modèle économique et donc des investisseurs qui s’y intéressent de près, arguant d’un engouement qui ne saurait tarder.

Ensuite, il faut savoir qu’un véhicule reste 90% de son temps à l’arrêt. Or on s’inscrit aujourd’hui de plus en plus dans une optique d’économies collaboratives, que ce soit en termes de mobilité, d’achat de matériel divers, de produits ou de partage de l’habitation.

Le contexte évolue. La propriété devient moins importante que le service rendu et avec l’apport des NTIC, plus besoin de se déplacer pour faire ses courses par exemple. La symbolique de liberté représentée autrefois dans la voiture peut se retrouver dans de nombreux autres services.

Aussi, si les moins jeunes restent effectivement très attachés à leur voiture personnelle, sans doute au Luxembourg plus qu’ailleurs, effectivement, la génération Y, quant à elle, bousculera les habitudes actuelles.

On peut parler de niche même si l’auto-partage, pour fonctionner, doit dépasser ce créneau pour devenir un service de masse. Un contexte favorable s’installe, et des accélérateurs sont présents (internet et les réseaux sociaux).

Texte et photo PhR et ©Marlene Soares pour LG Magazine

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Publié le mercredi 19 février 2014
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