Les matériaux biosourcés sont-ils nos futurs alliés sur chantier ?

Les matériaux biosourcés sont-ils nos futurs alliés sur chantier ?

Les matériaux biosourcés sont-ils nos futurs alliés sur chantier ? C’est la question que Neobuild a posée le 2 mars dernier lors d’une conférence inédite, où près d’une centaine de professionnels du secteur de la construction durable s’étaient réunis pour découvrir de nouveaux matériaux naturels, leurs applications dans le cadre de la nouvelle certification énergétique LENOZ, mais aussi leurs effets sur la santé.

Diverses actions et primes poussent le secteur de la construction durable vers les matériaux biosourcés et plus respectueux de l’environnement. Cependant, ces nouveaux matériaux ont leurs spécificités. Avant de les mettre en application, il faut en connaître les particularités pour éviter les mauvaises surprises et en tirer des bénéfices.

Après une brève introduction dédiée à LENOZ et aux nouvelles exigences en matière d’efficacité énergétique auxquelles nous devons aujourd’hui répondre, Francis Schwall, directeur de Neobuild, a présenté deux projets de construction durable écologiques.

Piloté par le Luxembourg Institute of Science and Technology (LIST), le projet CANCAN, d’une part, met en évidence la transition nécessaire vers une économie axée sur la biotechnologie, l’agriculture durable et les ressources renouvelables, ainsi que l’importance de l’utilisation de produits d’origine végétale comme solution alternative aux matériaux issus de l’industrie pétrolière, tant pour l’environnement que pour l’économie.

Le projet vise précisément à comprendre la base moléculaire de la composition hétérogène de la paroi cellulaire des tiges de chanvre. Il s’intéresse en particulier aux événements physiologiques qui déterminent la composition contrastée de la paroi cellulaire, en mettant un accent particulier sur l’intercommunication entre les voies de synthèse des phénylpropanoïdes et la formation de la paroi cellulaire.

Actuellement en cours de recherche, le projet CANCAN a d’ores et déjà permis de mettre en évidence le fait que le cœur ligneux du chanvre constitue l’un des meilleurs matériaux de construction naturels car il allie force et élasticité, mais des problèmes liés à l’humidité et à la dégradabilité des composants durables dans les matériaux de construction limitent leur application. Afin d’obtenir une matière végétale présentant des propriétés supérieures, la compréhension de la façon dont les biopolymères sont formés et intégrés dans la paroi cellulaire pourrait se révéler vitale. Le pôle d’innovation pour la construction durable Neobuild participe à ce projet, afin d’établir un lien entre le résultat scientifique du projet en cours et la future recherche appliquée.

D’autre part, Neobuild et le Fonds du Logement mènent pour le Luxembourg le projet international « E=0 » piloté par EnergieSprong – littéralement « saut énergétique » en néerlandais - pour lequel il vient d’obtenir 5,4 millions d’euros de fonds européens par le biais du programme Interreg Nord-Ouest Europe. Ce projet européen, soutenu nationalement par les ministères de l’Économie et du Logement, vise à réduire à zéro la consommation énergétique des logements, par leur rénovation efficace, abordable et rapide. Équipées en moins d’une semaine de panneaux solaires, de façades et toitures isolantes ainsi que de nouveaux équipements énergétiques, les habitations ont vocation à ne pas consommer plus d’énergie qu’elles n’en produisent. Le projet s’inscrit dans une approche d’économie circulaire, mais aussi dans une démarche écologique. En effet, il s’agit non seulement de réduire les impacts environnementaux générés par les matériaux utilisés, en privilégiant le biosourcé, mais également de mettre en œuvre de nouvelles méthodes de rénovation, comme l’industrialisation d’éléments préfabriqués.

La conférence a permis de donner la parole à de nombreux acteurs de la construction durable. Tous ont ainsi pu présenter leurs produits et les projets nationaux et internationaux dans lesquels ils sont mis en œuvre.

«  CHAUX DE CONTERN GOES LENOZ », ÉRIC KLUKERS
Conscient que la fabrication de béton rejette des quantités non négligeables de CO2, Chaux de Contern entend renforcer ses efforts pour adopter une démarche plus respectueuse de l’environnement. Cependant, de nombreux obstacles persistent, tels que le coût des matières premières, mais aussi les labels allemands de certification des matériaux qui manquent parfois de transparence.

Se réinventer devient donc une nécessité et faire évoluer les techniques et les produits une priorité. C’est pourquoi, Chaux de Contern a introduit le programme de recherche « cross roads » en collaboration avec différents acteurs du secteur tels que l’Université de Luxembourg (Doctorats), le LIST, Miscanthus.lu, Luxembourg Center for Circular Economy et Neobuild. Il a pour objectif d’identifier de nouveaux matériaux et de tester leurs applications. Deux types de matériaux biosourcés s’imposent ainsi : le chanvre et le miscanthus pour leurs propriétés isolantes notamment. Chaux de Contern prévoit de réaliser une évaluation environnementale de leurs produits à l’aide des Certificats EPD établis en collaboration avec le LIST et Positive Impact avant la fin de l’année 2017. Les premiers résultats ont démontré une consommation réduite d’énergie primaire et un bilan carbone positif pour les blocs isolants composés de matériaux locaux et biosourcés.

Pour répondre aux exigences de LENOZ, Chaux de Contern a par ailleurs pris en considération le processus de déconstruction de ces produits, avec notamment le développement d’un bloc de béton innovant qui ne nécessite ni mortier, ni colle (cf. : NEOMAG #03, page 42), la démolition s’en voit donc simplifiée.

ISOHEMP, JEAN-BAPTISTE DE MAHIEU
Le fabricant industriel belge de blocs de chanvre ISOHEMP a lui aussi participé à la conférence pour présenter ses blocs constitués de chaux hydraulique, de chaux aérienne et de chanvre. Il s’agit d’un bloc de maçonnerie non porteur, favorisant à la fois la régulation hydrique et thermique, ainsi que l’isolation acoustique. Ces blocs ont une grande inertie thermique, en raison d’une faible conductivité thermique et d’une grande capacité thermique. Ces blocs permettent alors de stocker facilement la chaleur en grande quantité et de la rediffuser tout au long de la journée. Par ailleurs, leur qualité d’isolation est stable, même en conditions humides. Avec ces blocs de chanvre, le bâtiment respire et le confort des occupants est optimal. Leur mise en œuvre est simple et ne diffère pas de la maçonnerie traditionnelle.

QUICK-MIX, ARMIN THONET
« Maçonner et enduire sous l’aspect de la construction durable »

La société Quick-Mix a mis en évidence l’importance des façades, les « cartes de visite d’un bâtiment ». Le mortier et l’enduit appliqués jouent non seulement un rôle esthétique, mais forment aussi une protection pour les murs.

Les mortiers et les enduits sont composés de liants (chaux, ciment, chaux-ciment, chaux-trass, aérienne…), de charges (sable, quartz, graviers, fibres ou composants légers minéraux ou organiques) et d’adjuvants (pour adhérence ou rétention d’eau ou garantir l’isolation thermique, pigment…). Améliorant à la fois la résistance d’une structure et son isolation phonique et thermique, les mortiers et les enduits doivent aujourd’hui s’adapter aux matériaux naturels de plus en plus utilisés sur chantier, tels que la paille, le chanvre, le miscanthus, et même la laine.

PEINTURE ROBIN, PATRICK BECKIUS
Dans une démarche éco-responsable et afin de « sortir de l’ère du pétrole », la société Robin a développé une gamme de peintures écologiques 100 % naturelles et recyclables, Verdello®. En tant que précurseur dans le domaine, Robin envisage de lancer une peinture à base de lin planté à Luxembourg.

ECOBATI, AURÉLIEN RAPEAU / BIOFIB, ANTOINE BARRÉ
ET YANNIS MARTIN

Cellulose, chanvre et lin une association performante pour l’isolation acoustique.

ECOBATI et Biofib partagent des valeurs écologiques communes, les réunissant pour développer des matériaux qui, non seulement protègent l’environnement et consomment peu d’énergies grises, mais qui restent performants, efficaces et durables. Ensemble, et grâce à la coopérative CAVAC biomatériaux qui cultive le chanvre, ECOBATI et Biofib ont développé des isolants acoustiques, Biofib ouate et Biofib acoustix, composés respectivement de cellulose et de chanvre et de cellulose et de lin. Ceux-ci permettent une protection du froid en hiver et une protection du chaud en été. Il s’agit de produits denses qui vont apporter des performances non seulement thermiques, mais aussi acoustiques, pour limiter les bruits aériens et les bruits solidiens.

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MISCANTHUS.LU, CARLO POSING
Comme son nom l’indique, Miscanthus.lu s’intéresse aux avantages et aux multiples applications du miscanthus, comme produit de construction pour l’économie circulaire. Cette plante trouve son usage dans de nombreux domaines, dont celui du BTP, qui l’utilise aussi bien dans les installations de chauffage, que dans la structure même des bâtiments.

WILLY NATURE, GEORGES ORIGER
Distributeur de matériaux de constructions durables et dernier produit naturel présenté lors de la conférence : la laine de mouton ! Cela peut être surprenant, mais Willy Nature nous l’assure, la laine de mouton peut faire office d’isolant pour l’homme comme pour le bâtiment. Depuis 2 ans Willy Nature organise la collecte de la laine de mouton et sa transformation en matériaux isolants pour la construction. C’est ainsi que plus que 3 tonnes de laines locales ont pu être valorisées jusqu’à présent pour un potentiel de 10 tonnes annuelles pour l’ensemble des troupeaux accessibles. Parmi les avantages de la laine de mouton, on peut noter qu’elle crée un climat intérieur sain, capable d’éliminer plusieurs odeurs et polluants intérieurs, comme le formaldéhyde, mais aussi qu’elle permet de réguler l’humidité pouvant absorber jusqu’à 33 % de son poids en humidité, sans perdre son pouvoir isolant.

MINISTÈRE DE LA SANTÉ, RALPH BADEN : BIENFAITS ET RISQUES – ASPECTS SANTÉ
De nombreux matériaux écologiques ont ainsi été présentés. Mais quels sont les effets de ces différents matériaux sur la santé ?

Certes ces types de matériaux sont plus respectueux de l’environnement, mais le spécialiste Ralph Baden l’affirme : naturel ne rime pas forcément avec sain.
Les substances nocives se cachent partout. C’est la raison pour laquelle il mène en collaboration avec le LNS et avec Neobuild différentes études pour analyser plus d’une centaine de matériaux biosourcés que l’on retrouve notamment dans le Neobuild Innovation Center. Étonnamment, les examens ont montré que parmi ceux-ci seulement 60 % d’entre eux peuvent être qualifiés de « sains », tandis que les autres présentent des risques pour la santé.

Il convient donc de rester vigilant, même sur les certifications. Citons par exemple, le styrodur, certifié A+, donc a priori sain, mais dont les biocides qui le composent ne sont pas pris en compte dans l’évaluation pour la certification de qualité intérieure en question.

Pour plus d’informations sur les aspects de santé liés aux matériaux biosourcés, nous vous invitons à lire l’interview complète de Ralph Baden page 16 de ce numéro.

POUR BIEN LES APPLIQUER, IL FAUT BIEN SE FORMER !
L’IFSB, en collaboration avec Neobuild, vous propose des formations pratiques entièrement dédiées à la construction durable et incluant la mise en œuvre de matériaux biosourcés : « Façades isolantes et bâtiments passifs » ; « Construire avec des matériaux naturels : Construction Bois » ; « Construire avec des matériaux naturels : confort et santé ».

Les stagiaires en formation à l’IFSB mettent concrètement en pratique leurs connaissances au sein même du Neobuild Innovation Center. Les participants à la conférence ont par exemple pu découvrir l’ensemble du système sur blocs de chanvre de Chaux de Contern/Quick-mix recouvrant une des salles de réunion du bâtiment intelligent.

Mélanie De Lima

Source : NEOMAG

Consultez en ligne NEOMAG #05

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Publié le mardi 25 avril 2017
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