L'arbre, le loup, le castor et notre avenir

L’arbre, le loup, le castor et notre avenir

Les trois frères face aux changements climatiques.

Luc Koedinger
Luc Koedinger - ©Fanny Krackenberger/Picto

Inondations et sécheresses, deux phénomènes qui font désormais partie de nos saisons. Les inondations sont de toute évidence plus spectaculaires, rapides, désastreuses et meurtrières. Alors que la sécheresse fait son œuvre sur un temps long. Les paysages jaunissent, les rivières maigrissent et le sous-sol plus discret voit les nappes phréatiques baisser… le bétail exprime sa souffrance.

Pour remédier à ces deux problèmes majeurs, qui peuvent mettre à rude épreuve notre civilisation, il y a les trois frères issus de nos territoires : l’arbre, le loup et le castor.

La forêt est essentielle, elle constitue le climax de nos régions, ne craignant pas la pluie. Les racines gèrent l’eau en la drainant vers les nappes phréatiques. L’érosion est un phénomène insignifiant en forêt. Cette dernière favorise également la pluie. 60% des précipitations en Allemagne sont due au petit cycle hydrique, c’est-à-dire de l’eau de pluie qui n’est pas directement issue du grand cycle hydrique venant de la mer. Ce sont les arbres, par leur évapotranspiration, qui font pleuvoir plus loin sur le continent. Les spécialistes parlent de rivières de pluie.

Nos forêts sont pourtant mal en point ! La maladie est due aux vagues de chaleurs, aux sécheresses successives et à une gestion inadéquate. L’absence de régénération est causée par un broutage excessif par la faune et c’est là que le loup joue un rôle majeur dans la vie d’une forêt. Une horde de loups garde la faune - c’est-à-dire les cervidés et les suidés - en mouvement, évitant ainsi un broutage semblable à une « mise à blanc » des jeunes arbres.

Il nous manque le troisième acteur du récit, le castor, ingénieur hydrologue depuis la nuit des temps. Deux options s’offrent à nous : l’introduction du castor dans nos paysages et/ou l’imitation de son travail. Le castor ralentit l’eau, l’infiltre dans les sols, la purifie et la donne en partage à tous les vivants. Son travail peut nous aider à traverser les sécheresses, les feux et les crues [1]. Le castor amplifie remarquablement le rôle de régulateur hydrique du super organisme forêt.

L’arbre et l’agriculture, une conception hors d’âge

L’agriculture a réduit l’espace forestier depuis des siècles, mais aujourd’hui ce fait nous expose à des problèmes « nouveaux » car amplifiés par les changements climatiques.

Pour remédier aux problèmes d’érosion des terres nourricières par la pluie et par le vent, d’inondation, de la pénibilité du bétail exposé à une météo plus extrême, etc., l’arbre redevient un acteur central sur les terres agricoles. Il s’agit d’agroforesterie, une pratique paysanne millénaire. Le principe : produire plus et mieux sur une même surface agricole. Un pré-verger, par exemple, permet l’élevage, la production de fruits et finalement du bois, mais de nombreuses combinaisons sont possibles.

Les haies quant à elles protègent, produisent et prolongent les lisières forestières permettant à la faune d’y trouver refuge, habitat, nourriture et lieu de circulation. Les haies abritent des auxiliaires de cultures qui permettent une régulation des nuisibles sans pesticides...

Le jardin planétaire a besoin d’arbres, de loups et de castors.

Par Luc Koedinger
Coordinateur du Liber – Centre de formations & Fabrique de liens
Consultant, formateur et artisan en arboriculture fruitière et agroforesterie


[1] B. MORIZOT, S. HUSKY, Rendre l’eau à la terre, Actes Sud, 2024.
Extrait du dossier du mois « inTERREdépendance »

Carte blanche
Publié le mercredi 14 mai 2025
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