« Hausser le niveau de circularité des constructions »

« Hausser le niveau de circularité des constructions »

La transition du secteur de la construction est en marche, boostée par les impératifs législatifs. Interview de Patrick de Cartier d’Yves, Deputy Principal Engineer chez SECO Luxembourg.

La loi du 9 juin 2022 relative aux déchets donne de nouvelles obligations au secteur de la construction. Quelles sont-elles ?

« Le secteur de la construction est en phase de transition. Dès aujourd’hui, la nouvelle loi (article 23) impose la mise en place d’un inventaire des matériaux pour tous les bâtiments à déconstruire. Cet inventaire est valable pour toutes les déconstructions d’un volume bâti de plus de 1.200 m³ et produisant au moins 100 m³ de déchets.

L’inventaire doit être soumis à l’administration, et le tri des matériaux déconstruits devra être séparé en conséquence (inerte, bois, verre, métal…). Si le volume à déconstruire est supérieur à 3.500 m³, cet inventaire doit être réalisé par un organisme agréé.

Ce même article impose aussi l’inventaire matériaux pour les nouveaux bâtiments de plus de 3.500 m³, dont l’autorisation de construire aura été accordée à partir du 1er janvier 2025. Ceci se fera sous la forme d’un ‘registre informatique’ des différents matériaux utilisés avec indication de leur emplacement. Ce registre devra être mis à jour par le propriétaire ou le syndic lors de la vie future du bâtiment.

La loi prévoit aussi de pouvoir fixer les normes de qualité auxquelles doivent répondre les matériaux issus du recyclage des déchets de construction et de déconstruction pour plus de transparence et de suivi.

Il est clair que cette loi a pour vocation de hausser le niveau de circularité des constructions. Recycler les matériaux est un premier petit pas. Cependant, à l’échelle de la circularité, réutiliser et donc rendre les matériaux aptes au démontage est une manière d’optimiser et de minimiser la consommation des ressources. »

Le pays a du retard comparé à plusieurs pays d’Europe du Nord

Ces exigences s’inscrivent dans la volonté de développer l’économie nationale vers un modèle circulaire. Pouvez-vous illustrer cela par un exemple concret pour le secteur de la construction ?

« Le pays a du retard comparé à plusieurs pays d’Europe du Nord. Néanmoins, des exemples de constructions circulaires commencent à sortir de terre. Citons le parking à Bissen, qui sera construit en 2023. Il est conçu pour être partiellement démontable. Ceci implique de minimiser, voire supprimer la conception à usage unique qui a la vie dure. Tout élément, et surtout les éléments porteurs, seront assemblés et démontés de manière à pouvoir être techniquement et économiquement démontables et donc réutilisables. Cela aura alors un impact positif considérable sur le futur volume de déchets.

Pour être circulaire, outre la démontabilité et l’adaptabilité, un autre domaine dans lequel de grand progrès sont encore à réaliser est la qualité de l’information. Pour pouvoir être réutilisé, un matériau doit être connu. Le requalifier à postériori est économiquement irréalisable vu le coût des nombreux tests. L’information sur les matériaux, stockée avec le bâtiment, est donc primordiale. Aujourd’hui, d’autres techniques que le dossier as-built se développent pour assurer la fiabilité et la qualité des informations transmises aux gestionnaires et propriétaires successifs des immeubles. »

Pour réaliser un tel inventaire des matériaux, le BIM - Building Information Modeling - se présente comme une solution adaptée. Pourquoi ?

Une fois en fin de vie, l’inventaire permet d’avoir une idée rapide et précise des matériaux à déconstruire

« La nouvelle loi ’impose pas le BIM, mais bien une version informatisée et modifiable (les modalités de mise en place ne sont pas encore définies) de l’inventaire des matériaux présents. L’idée est donc de pouvoir suivre la vie du bâtiment, au travers des propriétaires successifs. En effet, la modélisation et la gestion numérique des bâtiments facilitent la collecte et le suivi des données pertinentes.

Une fois en fin de vie, l’inventaire permet d’avoir une idée rapide et précise des matériaux à déconstruire. Leur réutilisation s’en trouve facilitée, pour peu que cet inventaire ait été mis à jour au gré des évolutions du bâtiment. On comprend donc bien que si ces informations sont stockées sous la forme d’une modélisation BIM, les modifications sont plus aisées. La qualité des informations est aussi meilleure, au travers par exemple des fiches techniques intégrées à la maquette. »

Quels services l’entreprise SECO peut-elle proposer pour une démarche de construction circulaire ?

« Pour répondre à la demande d’inventaire matériaux lors de la démolition, notre organisme agréé est en cours de demande d’un agrément, premier du genre au Luxembourg. Nous espérons donc pouvoir répondre aux premières demandes dans quelques mois.

Comme mentionné ci-dessus, la loi a aussi pour but de fixer des normes de qualité pour les matériaux recyclés. Dans cette optique, nous avons développé conjointement l’attestation ‘Safety in circularity’ en Belgique. Cette attestation vise à instaurer et augmenter la confiance par un suivi des processus mis en place par les acteurs du réemploi. Elle a pour objectif d’instaurer et augmenter la confiance dans la capacité des acteurs de la récupération à proposer des matériaux de réemploi fiables. Architectes et maitres d’ouvrages pourront donc prescrire l’utilisation de matériaux de réemploi pour leurs projets sans avoir de craintes quant à la qualité des matériaux de réemploi mis en œuvre. »

Propos inventoriés par Marie-Astrid Heyde
Photo : Licence CC
Extrait du dossier du mois « Circul’ère »

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Publié le vendredi 21 avril 2023
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