
« Faire le lien entre la stratégie, l’humain et la performance durable »
Chez Deveco, Mike Van Kauvenbergh transforme la responsabilité sociétale en véritable moteur stratégique. Ce pionnier luxembourgeois mise sur une approche structurée et pragmatique pour accompagner les entreprises vers un modèle plus responsable et pérenne. Échange avec un entrepreneur passionné.
« Je suis économiste de formation, mais j’ai eu un parcours assez atypique », explique Mike Van Kauvenbergh, directeur de Deveco. D’abord actif dans le secteur de la sidérurgie en Suisse, puis directeur des ventes dans le secteur des parfums à Munich, il revient en 2006 au Luxembourg. C’est alors qu’il découvre une nouvelle dimension du marketing : celui orienté vers la responsabilité sociétale.
« Dans le transport et la mobilité, on ne peut pas se contenter de belles images. Il faut des faits. C’est comme ça que j’ai rencontré la RSE : en cherchant à raconter une histoire vraie. »
Mike Van Kauvenbergh, directeur de Deveco
Chez Sales-Lentz, il initie une transformation en profondeur. L’entreprise devient l’un des précurseurs de la mobilité électrique et adopte dès 2010 le label INDR, alors quasiment inconnu. La durabilité n’y est plus une option, mais bien un élément structurant du modèle économique, avec une culture interne progressivement alignée sur ces nouvelles priorités.
Après un passage aux CFL, il décide de franchir un nouveau cap. En 2017, il fonde Deveco, société de conseil spécialisée dans le développement durable. « Depuis, c’est devenu une passion profonde. Et ce que j’aimais à l’époque, je le retrouve dans l’accompagnement quotidien : faire le lien entre la stratégie, les valeurs humaines et la performance durable. »
Structurer l’engagement pour le rendre efficace
L’approche de Deveco repose sur un constat simple : sans méthode, les bonnes intentions peuvent rapidement tourner à vide. « On voit encore beaucoup d’initiatives intuitives dans les PME : remplacer les gobelets par des tasses, investir dans des panneaux solaires… Ce n’est pas inutile, mais ce n’est pas suffisant. »
Selon lui, la clé réside dans l’analyse des enjeux concrets liés à l’activité de l’entreprise. « Il faut comprendre ce qu’on influence réellement, et à l’inverse, ce qui nous influence. C’est là qu’on peut agir efficacement. »
C’est le rôle de la démarche de matérialité, que Deveco mène avec ses clients.
« Lors de nos ateliers stratégiques, il y a souvent une prise de conscience. Les collaborateurs réalisent que la durabilité, c’est déjà leur quotidien : la sécurité sur un chantier, la formation, la santé au travail... Il faut simplement lui donner une place claire et structurée. »
Mike Van Kauvenbergh, directeur de Deveco
Le Luxembourg : entre ambition et contradictions
Sur la scène européenne, le Luxembourg affiche une position proactive. « Il y a une vraie volonté politique. Les aides à la transition sont nombreuses, et des décisions fortes comme la gratuité des transports publics montrent un engagement clair. »
Mais le pays n’échappe pas à certaines contradictions. Son empreinte écologique reste élevée, notamment en raison du tourisme frontalier et des flux quotidiens massifs de population. « Il faut nuancer les chiffres. Mais en matière d’évolution, je pense qu’on est plutôt bien positionnés. Pas en retard, mais encore loin d’un modèle parfait. »
L’expert souligne aussi que la taille réduite du pays peut être un atout : « Cela permet de tester des projets pilotes à l’échelle nationale, de fédérer plus rapidement les acteurs et d’adapter les politiques publiques en temps réel. »
Une petite structure, un grand impact
Deveco compte aujourd’hui quatre collaborateurs, tout en étant intégré au groupe ATOZ. Ce partenariat lui permet de bénéficier d’infrastructures ambitieuses, notamment en matière de mobilité propre. « ATOZ a investi dans l’électromobilité de ses collaborateurs, avec un réseau de bornes de recharge en place et encore en expansion. Ils ont aussi adopté des politiques intelligentes pour réduire les déplacements et favoriser le télétravail. »
Au sein du groupe, le bien-être au travail n’est pas un slogan. « Ils reçoivent le prix Best Place to Work, chaque année, depuis 2013. Ce n’est pas anodin. Ils prennent très au sérieux la santé mentale et l’ambiance générale. C’est là où, dans une entreprise de services, on peut vraiment faire la différence. »
RSE : de l’opportunité à l’écueil réglementaire
Si Mike Van Kauvenbergh se montre optimiste quant au potentiel de la RSE, il regrette l’effet contre-productif de certaines réformes récentes. « Après la crise du Covid, les entreprises avaient commencé à voir la durabilité comme une source d’innovation et de résilience. Mais les nouvelles obligations de reporting ont généré un rejet. On est passés d’une logique volontaire à une logique de conformité pure. »
La suppression ou le report de certaines exigences réglementaires a aussi contribué à un essoufflement. « Cela a envoyé un mauvais signal. Beaucoup se sont dit ’tant mieux, on va ralentir’. Le cadre était devenu trop lourd, et en l’allégeant brusquement, on a cassé l’élan. »
Malgré cela, le fondateur de Deveco reste confiant sur un point : la transition énergétique, elle, reste bien sur les rails.
« L’investissement continue, les enjeux restent majeurs, et il y a encore beaucoup à faire. Mais il faudra redonner du sens et une dynamique positive aux autres dimensions de la durabilité. »
Mike Van Kauvenbergh, directeur de Deveco
Sébastien Yernaux
Photo : Deveco
Extrait du dossier du mois « Entrepreneurs engagés »