Digitalisation : plus qu'une maîtrise d'outils, un état d'esprit…

Digitalisation : plus qu’une maîtrise d’outils, un état d’esprit…

Le secteur de la construction est au cœur d’une révolution liée à la digitalisation. Au-delà de la maîtrise de nouveaux outils à acquérir, il s’agit in fine de garantir un échange de données efficace, mais surtout coordonné.

Interview de Nicolas Delaite, BIM Manager Chez Betic Ingénieurs-Conseils

La digitalisation doit faciliter la diffusion d’informations, aussi bien en interne qu’en externe, afin d’optimiser la coordination des projets ou encore le facility management. Mais, pour y parvenir, la clé n’est-elle pas avant tout un changement d’état d’esprit quant à notre façon de travailler ?

En quoi la digitalisation est un plus pour le secteur de la construction ?

Les outils de la digitalisation (digital twin, scan 3D, smart building, generative design…), lorsqu’ils sont maîtrisés, permettent aux projets d’aller bien plus loin, bien plus vite, avec un niveau de qualité accru. Aujourd’hui, le bâtiment peut se concevoir en simultané par les différents acteurs, se visualiser sous toutes ses coutures, se concrétiser bien avant la phase chantier et anticiper même sa fin de vie.

La nécessité de se digitaliser est donc essentielle ?

Si l’on regarde les expériences passées, nos prédécesseurs ont déjà eu à s’adapter, à changer de façon de travailler. Il y a d’abord eu la planche à dessiner, puis la DAO, maintenant le BIM, mais clairement le futur du BIM, ce n’est pas le BIM ! C’est pourquoi, il faut l’adopter dès à présent, avant qu’une nouvelle façon de travailler apparaisse, ce qui permettra à chacun de rester compétitif aujourd’hui, sur un marché on ne peut plus tendu. Dans combien de temps le BIM sera-t-il dépassé ? Ça, je ne le sais pas ! Mais la technologie et les méthodes de travail évoluent très vite. C’est pour cela qu’il faut rester agile et y aller !

Au-delà de l’aspect purement technique, la digitalisation donne naissance à de nouvelles difficultés auxquelles nous ne sommes pas ou peu initiés. Soyons honnêtes, lorsque l’on parle de modélisation coordonnée, nous ne sommes pas au niveau. Il arrive encore trop souvent que chacun travaille dans son coin et que, lors de la mutualisation, nous nous rendions compte que finalement ça ne va pas… Il faut bien admettre que la collaboration autour de la maquette numérique arrive encore trop tardivement sur les projets. L’interopérabilité des logiciels n’offre pas tout son potentiel si elle n’est pas accompagnée de l’interopérabilité des acteurs. L’une ne va pas sans l’autre.

Alors, que faut-il mettre en place pour que cela fonctionne ?

À nouveau, le BIM, au-delà de l’utilisation de logiciels, c’est un changement d’état d’esprit. Bien entendu la maîtrise des logiciels est indispensable, mais il y en a de plus en plus qui apparaissent et nous ne pouvons pas tous les maîtriser parfaitement. Le bon état d’esprit, c’est la collaboration, donc le dialogue et ce, dès les tout débuts du projet. Clairement, lorsque l’on travaille en BIM, il ne faut pas penser maquette architecte, maquette ingénieur statique ou technique chacun de son côté mais penser projet avant tout. C’est-à-dire penser comme une seule et même entreprise, comme des collègues le font au sein d’un bureau en travaillant main dans la main, dès le tout début de la conception.

Ce n’est pas encore dans les mœurs…

Ce n’est pas encore naturel et il faudra du temps pour que cela se mette en place. D’ailleurs, cela ne fait pas tant d’années que nous faisons du BIM au Luxembourg. D’autres pays comme le Royaume-Uni, la France ou encore les Pays-Bas l’ont mis en place il y a très longtemps, mais cela se fait différemment car les besoins, les rendus et les processus de conception et de construction ne sont pas identiques aux nôtres. Il y a même des entreprises spécialisées en BIM dans ces pays, comme nos collègues d’Infranea au PaysBas. Ils font du BIM et de la réalité virtuelle depuis 20 ans maintenant ce qui les rend experts dans leur domaine depuis plusieurs années déjà ! Nos collègues du Groupe VK Architects & Engineers, dont nous faisons partie, sont des « Reviters » aguerris depuis plus de 10 ans. C’est bien la preuve qu’il faut du temps pour acquérir ces méthodes de travail et cette maîtrise des logiciels métiers, mais c’est la preuve également qu’il faut « sauter le pas » sans attendre !

Vous parlez de spécialisation, d’après vous la formation des professionnels est une priorité ?

L’état d’esprit passe aussi par la formation. Seulement, jusqu’à encore très récemment il n’y avait pas de formation pour apprendre à collaborer, pas de formation BIM… Certaines apparaissent dans les pays voisins, en France ou en Belgique par exemple, et depuis quelques années déjà, vous pouvez suivre des formations de 6 mois pour vous former au métier de BIM modeleur ou suivre des cursus plus longs via des licences, bachelors ou masters dans le domaine. Mais il n’y en a pas partout… Concernant le Luxembourg, nous savons par ailleurs que le programme des cours d’un nouveau BTS BIM est en cours de finalisation. Cependant, soyons honnêtes, ce n’est pas en quelques mois que les élèves auront intégré l’ensemble des spécificités du BIM. Le BIM est avant tout un travail collaboratif et ce n’est pas dans une salle de classe, derrière un écran, que l’on apprend à collaborer. Il faut pousser les stages en entreprise de longue durée pour découvrir la réalité du terrain et apprendre à travailler ensemble.

Et chez Betic, comment envisagez-vous l’avenir ?

Nous veillons à instaurer davantage de synergies dans les projets entre nos équipes et avec celles de toute la maîtrise d’œuvre. Nous misons sur la transparence en partageant nos rendus de façon plus récurrente pour dynamiser les conceptions de projets et rapprocher les acteurs. Le protectionnisme sur la conception a vécu et bien vécu dans le passé, mais aujourd’hui nous voulons absolument nous placer comme un acteur de cette évolution de nos façons de concevoir.

Article paru dans le NEOMAG#47
Plus d’informations : http://neobuild.lu/ressources/neomag
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Publié le mardi 21 juin 2022
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