Demain, des bâtiments comme banque de matériaux

Demain, des bâtiments comme banque de matériaux

Dans la gestion des déchets de construction, l’objectif ou l’idéal, serait, à terme, le réemploi direct. Mais il est encore très faible, pour de multiples raisons. On essaie donc aujourd’hui de favoriser le recyclage. Le point avec Marcel Deravet, Project Manager Lusci (IFSB).

Marcel Deravet
Marcel Deravet

Quels types de matériaux peut-on récupérer dans les bâtiments qui sont aujourd’hui déconstruits ?
Le matériau que l’on trouve en plus grande quantité dans les bâtiments, en termes de tonnage, est le béton. Il est recyclable, mais la réglementation luxembourgeoise limite à 5 % le taux de béton de déconstruction pouvant servir à la fabrication de nouveau béton après concassage (en France, ce taux atteint 15 %). Cette limite s’explique par le fait que nous n’en avons pas énormément à disposition, mais aussi par le fait que nous en avons besoin pour la construction de soubassements de routes. Le réemploi n’est pas faible, mais le matériau n’est pas valorisé à un niveau supérieur. Dans les bâtiments, on trouve également de l’acier. Il peut facilement être séparé des autres matériaux par des procédés électromagnétiques et, au Luxembourg, ArcelorMittal dispose d’un four électrique permettant de fondre la ferraille pour créer de nouveaux éléments en acier (ndlr : plus de 95 % de la ferraille sont ainsi revalorisés). Il s’agit, là encore, d’une transformation qui induit une perte énergétique. Il en va de même pour le verre qui est lui aussi cassé et fondu pour entrer dans une nouvelle production. Quant au bois, il est le plus souvent valorisé énergétiquement (donc brûlé), parce que les traitements contre les insectes et autres champignons qu’il subit le rendent impropre à la réutilisation.

Est-ce qu’on peut imaginer vivre demain dans des bâtiments démontables dont les éléments seront réutilisables ?
Tout à fait ! La réglementation luxembourgeoise LENOZ en vigueur depuis 2017 prévoit des primes pour inciter les maîtres d’ouvrage et les propriétaires à construire des bâtiments déconstructibles. Prenons un exemple typique de la situation actuelle, qui est catastrophique en termes de réutilisation : celui de l’isolation. Elle est aujourd’hui collée sur les murs extérieurs et couverte d’un enduit ciment posé sur un treillis. Ce système ne permet pas de réemployer le polystyrène expansé qui la compose parce qu’il est contaminé d’un côté par la colle et de l’autre par l’enduit. Le bloc de maçonnerie brique ou béton peut l’être aussi. C’est pourquoi, on cherche aujourd’hui à développer des façades qui se fixent mécaniquement sur les murs extérieurs, ce qui permet de les démonter et de réemployer les éléments de parement et d’isolation sans devoir les transformer.

Quels modèles économiques peuvent émerger de ces nouveaux modes de construction ?
Jusqu’à peu, on ne considérait que le coût de la construction. Depuis la réglementation sur l’efficacité énergétique, on prend aussi en compte le coût de l’utilisation. Vient maintenant le coût de la déconstruction, qui va en augmentant à cause des obligations légales concernant la détection des substances dangereuses telles que l’amiante et le tri avant revalorisation. De ce fait, les entreprises devraient rapidement s’adapter et une certaine valorisation de l’investissement devrait se faire.

Peut-on parler d’écoconception ?
C’est le terme adapté. Il va falloir réinventer les choses, consacrer plus de temps à la conception des nouveaux bâtiments parce qu’ils ne seront pas faits comme on les a toujours faits. L’écoconception finira par devenir naturelle, mais il va falloir encore un peu de temps de formation et d’investissement de la part du maître d’ouvrage, mais aussi de la maîtrise d’œuvre qui doit s’approprier de nouveaux matériaux et de nouvelles techniques.

Mélanie Trélat

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Publié le mercredi 7 février 2018
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