Ce que les résidents pensent du changement climatique et l'action au Luxembourg 

Ce que les résidents pensent du changement climatique et l’action au Luxembourg 

En septembre et octobre 2024, l’Observatoire de la politique climatique du Luxembourg a mené une enquête auprès des résidents luxembourgeois pour recueillir leur opinion sur divers enjeux liés au changement climatique. Après la présentation des résultats, un panel d’experts les a discutés lors d’un événement à l’Abbaye de Neimënster.

L’enquête «   Opinion publique sur le changement climatique et l’action au Luxembourg  » réalisée par l’Observatoire de la politique climatique du Luxembourg (OPC), en collaboration avec le Luxembourg Institute of Socio-Economic Research (LISER), nous aura appris plusieurs choses. Lors de l’événement organisé autour de cette étude, Prof. Dr. Claire Dupont (Université de Gand & membre de l’OPC) a présenté les enseignements clés a en tirer.

« La grande majorité des répondants est d’accord pour dire que le changement climatique est un sujet important, qu’il nécessite une solution urgente », déclare-t-elle. Le rapport indique en effet que 89 % des adultes (22 ans et plus) et 78 % des jeunes (entre 15 et 21 ans) interrogés estiment que les enjeux climatiques et environnementaux sont soit «  très importants  », soit «  importants  ».

Des attentes envers les pouvoirs publics

Il révèle aussi que plus de résidents considèrent que les questions environnementales devraient être résolues principalement par des politiques publiques, en comparaison avec leurs attentes envers le progrès technologique. Ils estiment aussi que cette action ne doit pas être reportée à plus tard. Lors de son intervention, le ministre de l’Environnement, du Climat et de la Biodiversité Serge Wilmes, a déclaré être positivement surpris par cette information, et qu’il est donc « de la responsabilité du gouvernement d’agir ».

Serge Wilmes, ministre de l'Environnement, du Climat et de la Biodiversité
Serge Wilmes, ministre de l’Environnement, du Climat et de la Biodiversité - © MECB


«  L’étude de l’OPC montre qu’une large majorité de la population luxembourgeoise est préoccupée par le changement climatique, souhaite que le gouvernement agisse, et est prête à modifier ses habitudes de vie. De petits changements, mis bout à bout, peuvent avoir un grand impact. C’est à nous, au gouvernement, de faire en sorte que les choix favorables au climat soient les plus faciles à adopter. Si nous créons les bonnes conditions, nous pouvons ensemble transformer notre mode de vie pour le bien de la planète et de nos enfants.   »

Serge Wilmes, ministre de l’Environnement, du Climat et de la Biodiversité

« Cependant, une grande majorité ne veut pas que les politiques climatiques leur coûtent de l’argent », ajoute la scientifique. Lors de la table ronde, tous les panelistes se sont accordés pour dire que la transition durable de la société doit être juste. Le député Franz Fayot (LSAP) estime que « les gens veulent des politiques publiques fortes, claires et équitables ». Il suggère par exemple que la taxe carbone prenne une dimension sociale avec des recettes redirigées vers les ménages les plus nécessiteux. Pour Claire Dupont, « quel que soit le domaine, nous devons nous assurer que la solution durable est le choix le plus simple et le moins cher. » Natasha Lepage, Climate Youth Delegate, insiste : « Personne ne doit être laissé pour compte ! »

Des actions sur ou sous-estimées

L’enquête de l’OPC cible les connaissances générales des résidents sur les causes, les conséquences et les solutions au changement climatique. S’ils sont familiers avec les notions des base - comme les émissions de gaz à effet de serre, l’adaptation et l’atténuation du changement climatique – ils le sont beaucoup moins avec les aspects plus techniques ou spécifiques. Le rapport « montre que le niveau d’éducation des répondants, ainsi que leurs sources d’information sur le changement climatique, influencent leur familiarité avec ces concepts ». Les personnes avec un diplôme de niveau plus élevé ont de meilleures connaissances en la matière, tout comme celles qui s’informent plutôt auprès des médias traditionnels que des réseaux sociaux.

Graphique issu des résultats de l'enquête « Opinion publique sur le changement climatique et l'action au Luxembourg »
Graphique issu des résultats de l’enquête «   Opinion publique sur le changement climatique et l’action au Luxembourg  » - © OPC

Par ailleurs, Claire Dupont constate « un manque de connaissances à propos de l’efficacité des différentes actions individuelles en faveur du climat ». Le passage de la voiture individuelle aux transports publics, l’isolation du logement et l’installation de panneaux solaires sont correctement identifiés comme étant efficaces pour réduire les émissions de CO₂, mais l’impact du recyclage et de l’achat de produits locaux est surestimé, tandis que celui du passage à une voiture électrique, à un régime végétarien et de l’installation d’une pompe à chaleur, est sous-estimé. Au final, deux personnes sur cinq n’ont pas su identifier, ou n’ont su citer qu’une seule des cinq actions climatiques les plus efficaces. Pour Natasha Lepage, c’est le résultat le plus surprenant de l’étude. Elle estime que pour combler ce manque de connaissances sur l’efficacité des solutions climatiques, c’est « à un stade précoce qu’il faut agir, en renforçant l’éducation des enfants sur le sujet. »

Miser sur la jeune génération, mais pas que

L’éducation au changement climatique de la jeune génération à l’école est un autre axe de l’enquête de l’OPC. 53% des jeunes répondants considèrent les professeurs comme les personnes qui dirigent les activités liées au changement climatique dans leur école. Vu ce rôle essentiel, « leur fournir un soutien, des formations, des informations et des ressources pédagogiques pourrait être un moyen particulièrement efficace de répondre à la faible culture climatique observée chez les jeunes », considère l’OPC dans son rapport.

Quand on leur demande s’ils se sentent prêts à faire face au changement climatique sur la base de ce qu’ils ont appris à l’école, 40% des jeunes disent être « pas si bien préparés que ça » et 41% être « plutôt bien préparés ». Des chiffres à mettre en parallèle avec le constat dressé par la déléguée de la Jeunesse pour le Climat : « D’un côté certains jeunes se soucient trop de la question climatique, ce qui peut être une vraie source d’anxiété pour eux, et de l’autre, il y a ceux qui ne s’en soucient pas assez. »

Nancy Thomas, directrice d’IMS, tient à ajouter que l’enjeu de l’éducation ne concerne pas que la jeune génération. « Les adultes et les entreprises doivent aussi être éduqués et sensibilisés. Ces dernières ont un grand rôle à jouer dans la transition et leur soutien ne doit pas uniquement être financier, elles doivent mener des actions concrètes. »

Les membres de l'OPC et les panélistes.
Les membres de l’OPC et les panélistes. - © MECB

Les transports : un enjeu clé

Lors de la table ronde, il a été rappelé que le secteur des transports est le principal émetteur de gaz à effet de serre (GES) au Luxembourg – il représente plus de 60% des émissions totales du pays selon le Plan national intégré́ en matière d’énergie et de climat (PNEC). Le sujet de la mobilité était donc incontournable pour l’OPC.

65 % des adultes interrogés dans l’étude déclarent que la voiture est leur principal moyen de transport et 24 % privilégient les transports publics. Cependant, le rapport met en avant le fait que « le choix du mode de transport dépend fortement du revenu » : 52 % des répondants ayant un revenu mensuel inférieur ou égal à 1.250 euros dépendent des transports publics comme principal mode de transport, tandis que 72 % des personnes gagnant plus de 8.000 euros par mois privilégient la voiture. Au-delà de ce critère, l’accessibilité, l’efficacité du service et la brièveté du trajet sont des facteurs déterminants pour choisir les transports en commun.

Graphique issu des résultats de l'enquête « Opinion publique sur le changement climatique et l'action au Luxembourg »
Graphique issu des résultats de l’enquête «   Opinion publique sur le changement climatique et l’action au Luxembourg  » - © OPC

Franz Fayot estime qu’il faut fortement s’engager sur le thème des transports, et évoque le potentiel du carsharing comme alternative à l’utilisation d’un véhicule personnel. Ayant bien conscience de l’importance des enjeux liés à la mobilité, Serge Wilmes cite les ambitions du PNEC en matière d’infrastructures adéquates, avec « plus de pistes cyclables sécurisées, un besoin de motiver le passage de la voiture aux transports publics et de renforcer la disponibilité de bornes de recharge pour les véhicules électriques. »

Pour finir, la modératrice de la table ronde, Annick Goerens, a demandé aux panelistes s’ils avaient un dernier message à faire passer. Il sera clair : Le changement demandé doit être systémique, ce qui demandera du courage et des efforts de la part de tous. Le discours sur le climat doit changer et ne plus être systématiquement négatif, car il y a de l’espoir.

Léna Fernandes
Photos © Ministère de l’Environnement, du Climat et de la Biodiversité

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Publié le jeudi 22 mai 2025
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