Ce que les enfants ont à nous dire sur la crise climatique

Ce que les enfants ont à nous dire sur la crise climatique

L’éco-anxiété – cette réaction de peur générée par la perspective d’un avenir funeste – affectera sans doute un nombre croissant de personnes à mesure que l’équilibre climatique et environnemental se dégrade.

On sait déjà que 45 % des enfants ayant survécu à des conditions météorologiques extrêmes ou des catastrophes naturelles souffrent de dépression durable. Une partie de ce bouleversement émotionnel peut sans doute s’expliquer par la confusion ressentie par les plus jeunes : pourquoi les adultes ne font-ils pas plus pour lutter contre le changement climatique ?

Parler de ce sujet avec les enfants révèle l’absurdité qu’il y a à faire si peu pour éviter ces dérèglements. Cela met aussi à jour le troublant décalage entre ce que nous disons et ce que nous faisons.

Les adultes sont souvent en proie à propos du changement climatique à ce que l’on nomme la « dissonance cognitive », cette impression d’être en contradiction avec soi-même… Le parlement britannique déclare l’urgence climatique après avoir voté l’agrandissement d’un aéroport. Les scientifiques concluent que la forêt amazonienne constitue l’un des meilleurs atouts au monde pour le stockage des gaz qui réchauffent le climat, tandis que de larges pans de cette même forêt sont brûlés délibérément pour faire de la place au bétail, grand émetteur de méthane. Une vaste mine de charbon est autorisée près de la Grande Barrière de corail d’Australie, alors que l’état de cet écosystème vient de passer de « dégradé » à « très dégradé ».

Les jeunes sont peut-être tout simplement moins cyniques que les adultes et plus à même de voir clairement à quel point ces décisions sont irrationnelles. Quand j’ai interrogé des adolescents aux Maldives à ce sujet, l’un d’eux m’a répondu :

« Nous avons vu sur Internet des gens se rendre en Islande pour organiser les funérailles d’un glacier… mais qui va le faire pour nous ? Ces gens ne voient-ils pas que nous serons bientôt sous l’eau, que notre pays va disparaître ? Tout le monde s’en fout. Comment peut-on pleurer la glace et nous ignorer à ce point ? »

En raison de l’élévation du niveau de la mer, les habitants de la basse terre des Maldives sont en première ligne du changement climatique. Le sentiment d’injustice que ces jeunes éprouvent est palpable :

« Le changement climatique est comme Thanos, anéantissant la moitié du monde pour que le reste puisse survivre… Nous sommes les sacrifiés. »

Ce que les jeunes disent des changements climatiques témoigne d’une grande lucidité ; mais, même à leur jeune âge, apparaît déjà une certaine lassitude. Après tout, en tant qu’utilisateurs des réseaux sociaux, ils sont tout autant bombardés de mauvaises nouvelles environnementales que les adultes. Et certains peuvent ainsi trouver presque normales les extinctions de masse dont ils entendent parler. Un petit Anglais de 10 ans m’a confié un jour :

« Grandir dans un monde sans ours polaires, c’est comme ça pour nous maintenant. C’est différent de ce que c’était pour vous. »

Aujourd’hui, je suis confrontée à un dilemme : comment parler aux enfants des changements climatiques sans les contrarier encore plus ? Je souhaite également découvrir ce qu’ils ressentent vraiment, inconsciemment. Plutôt que de les entendre répéter ce qu’on leur dit à l’école ou ce qu’ils entendent auprès des adultes, je cherche à comprendre ce que cette génération – des gens qui n’ont jamais connu un monde sans la menace imminente d’une catastrophe climatique – pense de ce qui arrive à la planète et par conséquent à leur avenir.

Combler le fossé générationnel

Pour mieux comprendre comment les plus jeunes percevaient la crise climatique, je leur ai demandé de le personnifier. De le voir comme un animal et de lui donner une voix : si le changement climatique pouvait parler, que dirait-il ? J’espérais qu’en extériorisant cette voix, ils pourraient l’évoquer plus directement. Je n’étais pas
vraiment préparée à leurs réponses.

« Tu m’as créé et maintenant tu dois faire face aux conséquences… Tu as gâché la planète pour les enfants et les animaux, maintenant je vais la gâcher pour toi… Les adultes ont rendu le monde pire, alors je suis là pour me venger. »

L’émotion la plus fréquemment observée avec cette technique fut la colère. Ces réactions complexes au sujet du changement climatique – sans doute difficiles à exprimer ou à organiser dans une conversation – m’ont surpris, même si avec du recul elles n’ont rien d’étonnant. Compte tenu de la gravité du changement climatique et de la perte de biodiversité auxquelles les jeunes générations vont être exposées au cours de leur vie, la colère semble appropriée.

Ces échanges avec les enfants ont également révélé leur empathie durable à l’égard des autres créatures terrestres. Si ces enfants reconnaissaient leur propre vulnérabilité face au changement climatique, cela n’éclipsait en rien leur préoccupation du monde qui les entoure. L’un d’eux a ainsi déclaré :

« Le changement climatique, c’est comme la bombe insecticide de la nature ; sauf qu’ici, ce sont les gens qui sont les insectes. »

Pour moi, les enfants portent le fardeau émotionnel du changement climatique avec plus de courage que les adultes. Raison de plus pour partager ce fardeau avec eux : écoutez vos enfants lorsqu’ils parlent de la crise environnementale, vous en apprendrez davantage sur la façon dont nous devrions assumer la responsabilité du gâchis, nous excuser et commencer à agir.

Écrit par Caroline Hickman, University of Bath / Teaching Fellow, University of Bath, membre de la Climate Psychology Alliance.
Traduit de l’anglais par Jennifer Gallé.
Source : The Conversation
Légende photo : Le 15 mars 2019 à Delhi (Inde) lors d’une des grèves scolaires pour le climat. Laurène Becquart/AFP

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Publié le mercredi 25 septembre 2019
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