À Wiltz, les artisans face au défi carbone

À Wiltz, les artisans face au défi carbone

Au Château de Wiltz, la 2ᵉ session du programme Carbone Coaching a réuni artisans, experts et formateurs autour d’un même objectif : comprendre, mesurer et réduire l’empreinte carbone du secteur. Entre ambitions européennes, retours d’expérience et outils concrets, la transition s’ancre dans le réel.

Le projet Carbone Coaching, piloté par l’IFSB, accompagne les acteurs de l’artisanat dans leur passage à un modèle bas carbone. Soutenu par le Fonds social européen, le ministère du Travail et la Chambre des Métiers, il répond à une réalité simple : beaucoup d’artisans veulent agir, mais manquent d’outils et de repères.

Deux formats structurent l’initiative :

  • une formation courte de quatre heures pour sensibiliser aux enjeux ;
  • une formation approfondie de huit heures, axée sur le calcul du bilan carbone et la mise en place de plans d’action adaptés.

À Wiltz, les participants ont découvert la première approche. L’objectif était d’identifier les leviers d’amélioration et bâtir une stratégie réaliste pour leur entreprise. « Le secteur artisanal fait face à de grands défis, mais aussi à de vraies opportunités », ont rappelé les organisateurs. « Former, partager, agir : c’est le cœur du projet. »

Repenser le modèle : l’appel de Boris Solecki

En ouverture, Boris Solecki (IFSB) a replacé la démarche dans le contexte du Green Deal européen. Adopté en 2020, ce plan fixe une réduction de 55 % des émissions de CO₂ d’ici 2030 et la neutralité carbone à l’horizon 2050. « Ce sont des objectifs ambitieux, mais atteignables à condition de transformer nos méthodes, nos matériaux et nos mentalités », a-t-il affirmé.

Il a rappelé que le Luxembourg avait pris une longueur d’avance avec l’introduction des bâtiments passifs dès 2017. La prochaine étape ? Dès 2028, les bâtiments de plus de 1.000 m2 devront être performants et construits avec des matériaux à faible empreinte carbone. « Il faut alléger les structures, repenser les épaisseurs, privilégier les matériaux biosourcés comme le bois, le liège ou même l’herbe compressée. »

Boris Solecki a également insisté sur la rénovation énergétique, véritable levier de la transition. « On ne peut pas bâtir un futur durable sans rénover l’existant. »

Avec 75 % du parc immobilier européen énergétiquement inefficace, il appelle à accélérer le rythme grâce à des approches industrialisées, comme le modèle néerlandais Energiesprong, capable de transformer une maison en quatre jours.


« Les technologies existent, les solutions aussi. Ce qu’il faut changer, ce sont les habitudes. »

Boris Solecki, project manager à l’IFSB

Bamolux : le courage de mesurer

Le témoignage de Sébastien Jungen, directeur de Bamolux, a illustré le passage du discours à la pratique. Son entreprise, engagée depuis près de dix ans dans une démarche RSE et certifiée B Corp, a réalisé plusieurs bilans carbone successifs.

« Entre 2021 et 2022, nos émissions ont augmenté de 173 %, et c’est une bonne nouvelle ! », a-t-il lancé. Une hausse qui reflète surtout une meilleure précision des données et une méthodologie plus fine. « Ce n’est pas une dégradation de nos performances, mais une amélioration de notre mesure. »

Chez Bamolux, le transport représente près de 70 % des émissions, malgré un parc déjà partiellement électrifié. Mais l’entreprise agit : films anti-chaleur sur les vitrages, télétravail encouragé, choix de matériaux biosourcés, dialogue avec les fournisseurs pour des livraisons plus propres. « C’est long, complexe, mais on avance », a confié Sébastien Jungen.

Il a insisté aussi sur la dimension stratégique du sujet.


« Une banque luxembourgeoise nous a choisis pour un marché car 35 % du critère portait sur la durabilité. Le bilan carbone n’est pas un exercice administratif. C’est une dynamique humaine. Il faut donner du sens à chaque action. »

Sébastien Jungen, directeur de Bamolux

Des outils concrets et des aides disponibles

Pour soutenir ces démarches, Ralf Cavelius, conseiller à la Chambre des Métiers du Luxembourg, a présenté les dispositifs existants. Son service e-Handwierk, gratuit pour les membres, propose un accompagnement complet : visites énergétiques sur site, diagnostics personnalisés et formations continues.

« Souvent, il suffit d’une heure pour identifier des quick wins », a-t-il expliqué. Changer un éclairage, isoler des conduites de chauffage ou installer une pompe à chaleur peut déjà produire des effets rapides.

Ralf Cavelius a détaillé les aides comme le Climat Bonus et le SME Package Sustainability, qui couvrent jusqu’à 70 % des investissements dans des projets d’efficacité énergétique, d’isolation ou de mobilité durable. Une entreprise ayant investi 18.000 euros dans son éclairage a, par exemple, reçu 12.500 euros d’aides et réduit sa facture en moins de cinq ans.

Il rappelle les objectifs nationaux.


« Le Luxembourg vise -55 % d’émissions d’ici 2030, 37 % d’énergies renouvelables et +42 % d’efficacité énergétique. On n’y est pas encore, mais les outils existent pour y arriver. Les aides sont là, il faut juste oser se lancer. »

Ralf Cavelius, conseiller à la Chambre des Métiers du Luxembourg

Le bilan carbone, outil vivant et levier d’action

Pour clôturer la journée, Vincent Thomassin, ingénieur en efficacité énergétique chez COCERT a ramené le débat à l’essentiel : comprendre pour agir. « Pourquoi faire un bilan carbone ? Parce que c’est le point de départ de toute stratégie climatique. »

Cet outil permet d’identifier les postes les plus émetteurs, de prioriser les actions et de suivre les progrès. Un bon diagnostic repose sur trois scopes : les émissions directes (scope 1), indirectes liées à l’énergie (scope 2) et indirectes globales (scope 3), souvent les plus complexes, mais aussi les plus décisives. « Quand vous construisez une maison, vous vendez aussi sa performance énergétique », a-t-il rappelé.

À travers une démonstration interactive, il a montré que la décarbonation est un processus évolutif : « Un bilan carbone, ce n’est pas un rapport figé, c’est un outil vivant qui s’enrichit d’année en année. » Et de prévenir : « Planter quelques arbres ne suffit pas. La priorité, c’est de réduire à la source. »

Son message final a résonné comme un appel.


« La neutralité carbone ne se décrète pas, elle se construit, pas à pas, avec rigueur et cohérence. »

Vincent Thomassin, ingénieur en efficacité énergétique chez COCERT

Prochaines sessions Carbone Coaching

Les artisans et indépendants souhaitant s’impliquer peuvent encore participer aux formations organisées à l’IFSB de Bettembourg.

Des sessions de 4h sont proposées :

  • le 18 novembre 2025 ;
  • et le 16 décembre 2025.
    Inscription en ligne via ce lien.

Des sessions de 8h sont organisées :

  • le 28 octobre 2025 ;
  • le 27 novembre 2025 ;
  • et le 15 janvier 2026.
    Inscription en ligne via ce lien.

Ces rendez-vous offrent un premier pas concret vers la transition bas carbone : comprendre, mesurer, agir, et faire du savoir un véritable levier de transformation.

Sébastien Yernaux
Photos : Eve Millet / Picto

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Publié le lundi 27 octobre 2025
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