Une affaire de responsabilité

Une affaire de responsabilité

À l’occasion de la COP27, Action Solidarité Tiers Monde (ASTM) lance un appel fort envers le gouvernement luxembourgeois à s’engager enfin à financer l’indemnisation des pertes et dommages liés au changement climatique subis par les pays du Sud à la hauteur de la responsabilité du pays.

La contribution équitable du Luxembourg au financement des pertes et dommages globaux liés au changement climatique

Dans le cadre d’une publication présentée le 08 novembre 2022, l’ONG a calculé la contribution financière équitable du Luxembourg.

Les responsables du dérèglement climatique sont bien connus. Selon les données communément admises, les pays riches ont contribué à 92% des émissions historiques et sont responsables de 37% des émissions actuelles (alors qu’ils n’abritent que 15% de la population mondiale).[1] À titre de comparaison, le Kenya, l’Éthiopie, la Somalie et le Soudan du Sud ne sont responsables que de 0,1% des émissions globales.

La Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques (CCNUCC) a instauré le principe de « responsabilités communes mais différenciées », qui s’inscrit dans le concept de justice climatique : tous les pays doivent contribuer à la lutte contre le changement climatique, mais certains États doivent faire plus d’efforts en raison de leur contribution importante aux émissions de gaz à effets de serre et des moyens plus étendus dont ils disposent.

Or, les plus grands émetteurs de CO2 par habitant·e, dont le Luxembourg, ne contribuent toujours pas à la hauteur de leur responsabilité. C’est pourquoi un grand nombre d’organisations de la société civile, dont l’ASTM, appellent à la création d’un fonds distinct, équitable et automatique, pour indemniser les personnes subissant des pertes et dommages liés au changement climatique, en s’appuyant sur le principe que celles et ceux qui ont le plus contribué à la crise climatique doivent prendre en charge les dommages causés dans les pays les moins responsables et les plus durement touchés.

Qu’entend-on par pertes et dommages ?

Selon le World Resources Institute, le terme « pertes et dommages » fait référence aux conséquences du changement climatique qui vont au-delà de ce à quoi les populations peuvent s’adapter, ou lorsque des options existent mais qu’une communauté ne dispose pas des ressources nécessaires pour y accéder ou les exploiter. Le sujet est plus que jamais d’actualité au vu de la fréquence croissante des phénomènes météorologiques extrêmes, y compris en Europe : le mois d’août a été le plus chaud jamais enregistré en Europe, dépassant de 0,8ºC le précédent record. En septembre, près d’un tiers du territoire du Pakistan a été inondé. 33 millions de personnes ont été touchées et environ 1600 personnes ont perdu la vie.

Le glossaire du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) énumère différents exemples d’événements extrêmes et d’événements à évolution lente susceptibles d’engendrer des pertes et dommages, tels que les super tempêtes ou l’élévation du niveau de l’eau.[2]

La responsabilité du Luxembourg

En se basant sur la méthodologie du Climate Equity Reference Calculator[3], l’ASTM a calculé la contribution équitable du Luxembourg (il s’agit d’une estimation respectivement d’un ordre de grandeur), prenant en compte sa responsabilité (la somme des émissions des gaz à effet de serre du Luxembourg) et sa capacité (la somme des revenus individuels des résident·e·s du Luxembourg).

Si le Luxembourg est considéré actuellement comme un des plus grands donateurs par habitant·e au niveau du Fonds vert pour le climat des Nations Unies, ce modèle de calcul montre que le budget alloué au financement climatique international est encore loin de représenter une contribution équitable. En 2030, selon le principe de « responsabilités communes mais différenciées », la contribution annuelle du Luxembourg à l’indemnisation des pertes et dommages globaux liés au changement climatique devrait s’élever en moyenne à environ 324 millions d’euros[4], ce qui représenterait 76 % du budget actuel du Ministère de l’Environnement, du Climat et du Développement durable (MECDD).[5] « Le Luxembourg affirme payer sa part équitable, mais ce n’est clairement pas suffisant », remarque Birgit Engel, co-coordinatrice du Klima-Bündnis Lëtzebuerg à l’ASTM.

Si le gouvernement luxembourgeois ne prend pas d’engagements concrets concernant sa contribution juste aux pertes et dommages liés au changement climatique, il risque de s’exposer à des procès coûteux dans le futur. Le contentieux climatique est devenu un instrument utilisé pour faire respecter ou renforcer les engagements climatiques pris par les gouvernements. « Notre responsabilité est évidente. Nous devrons donc payer d’une manière ou d’une autre, soit à travers le financement des pertes et dommages, soit par voie juridique. Il serait en tout cas préférable de privilégier les négociations diplomatiques », explique Cédric Reichel, co-coordinateur du Klima-Bündnis Lëtzebuerg à l’ASTM.

Lët’z pay our fair share

Les émissions de gaz à effets de serre par habitant·e du Luxembourg sont les plus élevées au niveau de l’UE.[6] Afin d’être cohérent avec ses engagements internationaux, le gouvernement doit s’engager publiquement à contribuer de manière équitable au financement des pertes et dommages globaux.

Ainsi, l’ASTM appelle les responsables politiques luxembourgeois·es à :

  • s’engager au niveau international pour la création d’un fonds international dédié aux pertes et dommages et pour l’annulation de la dette des pays vulnérables au changement climatique,
  • s’engager à financer les réparations des pertes et dommages à hauteur de sa responsabilité, en plus des engagements existants en matière de financement climatique, d’aide humanitaire et de coopération au développement lors de la COP27,
  • augmenter progressivement les contributions du Luxembourg au financement des pertes et des dommages pour atteindre sa part équitable en 2030,
  • garantir la transparence en ce qui concerne les financements accordés.
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    Pour plus d’informations :

La publication « Une affaire de responsabilité » est disponible en français sur : https://actionsolidaritetiersmonde.org/rapports-et-etudes/

https://actionsolidaritetiersmonde.org/wp-content/uploads/2022/11/Une-affaire-de-responsabilite%CC%81_ASTM_20221108.pdf

[1] « L’heure des comptes. Pour un financement équitable des pertes et dommages dans un contexte d’escalade des impacts climatiques » Oxfam, juin 2022, https://www.oxfamfrance.org/rapports/pertes-et-dommages-lheure-des-comptes/

[2] https://www.ipcc.ch/sr15/chapter/glossary/

[3] https://calculator.climateequityreference.org/

[4] Le montant en dollars s’élève à 319 millions USD. Tous les chiffres ont été convertis en euros sur base du cours EUR-USD au 24/10/2022 1 EUR=0,98 USD

[5] https://budget.public.lu/lb/budget2022/am-detail.html?chpt=depenses&dept=22 Le budget du MECDD en 2022 s’élève approximativement à 425 millions d’euros. L’estimation se base sur un cours de l’euro égal à celui du dollar (au moment de la rédaction du document).

[6] https://ec.europa.eu/eurostat/databrowser/view/t2020_rd300/default/table?lang=fr

Communiqué
Publié le jeudi 10 novembre 2022
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