Un partenaire du quotidien

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Luc Koedinger est co-fondateur de Canopée, coopérative en Agroforesterie. Il est aussi paysan-formateur et travaille à sa microferme, sur la frontière belge. Pour lui, l’agroforesterie est une voie royale pour permettre aux arbres d’épauler l’être humain, partout, tout le temps, avec fruit.

L’arboriculture, c’est une activité humaine qui consiste à cultiver des arbres et à les entretenir. Et qui inclut l’étude de la physiologie végétale, de la façon dont les arbres réagissent à leur environnement et interagissent avec lui. L’agroforesterie pense paysages en symbiose, avec la nature et avec l’humain, sachant que l’humain cultive et que la nature reprendra toujours ses droits… L’arbre devient l’acteur végétal planté au milieu d’activités agricoles avec lesquelles il cohabite et participe, cultures productives, maraîchage, élevages divers…

Luc Koedinger, maraîcher, arboriculteur et pédagogue, se dit volontiers « paysan-formateur ». Il défend Lumbrikina, sa microferme à Habergy (Messancy), à deux pas belges du Luxembourg dont il a la nationalité. Et il est cofondateur d’une société coopérative en agroforesterie, joliment baptisée Canopée.

« Nous travaillons sur des modèles simples, alternatifs quoique anciens, mais qui ont d’innombrables avantages : éviter l’érosion des sols et les crues incontrôlables, protéger des chaleurs et des vents, créer de la matière organique, stocker du carbone, abriter une biodiversité multiple, fournir bois et alimentation… »

De formidables usines biologiques

L’homme propose aussi le terme « dendroculture », pour dribbler le rôle paysager voire décoratif auquel l’arbre est souvent cantonné, invitant à dépasser le cadre agricole pour donner aussi ses lettres de noblesse à la plantation en milieu urbain, en zone industrielle ou commerciale… « L’arbre est à sa place dans presque toutes les régions d’Europe. Avec le « climax écologique », un certain type de végétation reprend ses droits dès que la nature est livrée à elle-même, ou délivrée de l’impact humain. La forêt de hêtres et de chênes correspond au climax du Luxembourg. Sans la présence humaine, la surface forestière s’approcherait des 100%, alors qu’aujourd’hui elle est réduite à 37%. L’agriculture occupe quant à elle 52% du territoire et près de 10% des surfaces sont construites ou artificialisées ».

Pour Luc Koedinger, il ne s’agit pas de remonter dans les arbres comme nos lointains aïeux ont pu le faire mais de permettre aux arbres de nous épauler au quotidien. « Le manque de terres boisées pose de nombreux problèmes. Au contraire, les arbres nourrissent les sols, aident au stockage de l’eau en profondeur et en surface cultivée, fabriquent de l’oxygène et capturent le carbone… Ce sont de formidables usines biologiques fonctionnant à l’énergie solaire. Un chêne adulte, par exemple, fait des racines de plus de 120 mètres de profondeur. Ces racines permettent à l’eau de pluie de pénétrer dans les nappes phréatiques. Ce chêne transpire par son feuillage jusqu’à 500 litres d’eau par jour. Son ombrage est agréable pour l’Homme et cet arbre accueille une faune innombrable, toute une vie, dans le sol et dans sa partie aérienne. »

Rendements… et investissement

L’agroforesterie associe les arbres et les haies aux différents domaines de l’agriculture et du paysage, permet de mieux ancrer des sites industriels ou commerciaux dans leur environnement. « Sur un plan économique, cette technique agricole permet aussi une augmentation significative des rendements à l’hectare. Prenons l’exemple d’une association de cultures céréalières et de peupliers. Les peupliers seront récoltés (coupés) après 15 ans. Une telle association en agroforesterie est 34 % plus productive que les deux cultures séparées ».

Autre exemple, le verger : « Les arbres fruitiers sont régulièrement fragilisés par des insectes ou des parasites. Associons, par exemple, un élevage de poules à ces fruitiers. Entre autres parce que, quand les fruits tombent, malades ou farcis d’une larve, les poules s’en nourrissent aussitôt, éradiquant le pathogène ou la larve pour les transformer en engrais ».

L’agroforesterie est, ainsi présentée, comme une révolution verte, à promouvoir pour ses avantages écologiques dans le contexte du dérèglement climatique subi aussi par le monde agricole. « Des recherches récentes indiquent que la voie d’une agriculture prenant soin des sols en augmentant le taux de carbone pourrait rapidement faire de l’Europe un territoire à bilan neutre sans rien changer au reste de nos activités. L’inertie n’est plus de mise. Les mondes de la finance et de l’industrie peuvent jouer un rôle décisif dans ce tournant de l’agriculture et le Luxembourg peut devenir ce laboratoire de l’excellence. Comment ? En visant la neutralité carbone par compensation. Investir dans le paysage agricole à travers la plantation d’arbres et de haies, voilà de quoi réenchanter l’histoire ».

Alain Ducat avec Canopée, coopérative en agroforesterie, partenaire Infogreen
Article paru dans le dossier du mois « Arborescence »

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Publié le mercredi 16 février 2022
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