« Un outil qui trompe le consommateur et favorise la distorsion de concurrence »

« Un outil qui trompe le consommateur et favorise la distorsion de concurrence »

Le Nutriscore, une aide quasi-institutionalisée pour les grands groupes agroalimentaires au détriment des consommateurs et des PME artisanales ? C’est le titre ô combien explicite de l’avis publié par la Chambre des Métiers le 11 décembre 2019 à ce sujet. Résumé.

Le Nutriscore est un système d’étiquetage volontaire qui indique la valeur nutritionnelle d’un aliment en se basant sur une échelle allant de A à E et du vert au rouge. Son but ? Encourager la consommation de produits sains et, ainsi, lutter contre les maladies cardiovasculaires, l’obésité et le diabète.

Ce système a été instauré dès 2016 par la France qui a été suivie par la Belgique et l’Espagne, et devrait bientôt l’être par l’Allemagne. De plus en plus de denrées labellisées sont donc amenées à apparaître dans nos rayons. Le ministère de la Protection des consommateurs est en train de réfléchir à son adoption au Luxembourg et vient de lancer une consultation auprès des producteurs et des consommateurs.

Que faut-il en penser ?

La Chambre des Métiers pointe du doigt le fait que, si le Nutriscore considère 4 composantes « négatives » (densité énergétique, graisses saturées, sucres simples, teneur en sel) et 3 composantes « positives » (fruits et légumes, fibres, protéines), il ne tient compte en revanche ni de la présence d’additifs ni de la taille des portions et évalue chaque produit en fonction de son état au moment de la vente, même si une étape de transformation est prévue en aval.

« Ainsi, le système émet des résultats qui ne correspondent pas à la réalité : tandis que l’huile d’olive obtient un D malgré son excellente réputation et le fait que l’aliment n’est jamais consommé à l’état pur, les pommes de terre précuites surgelées pour frites sont classées A. Des limonades « light » contenant une rangée d’édulcorants suspects sont également classées vertes et les boissons alcooliques sont carrément exemptes de marquage », souligne Gilles Reding, directeur des Affaires environnementales, technologies et innovation, qui a signé le rapport.

Un des effets pernicieux pourrait être de voir les multinationales ajouter des additifs à leurs recettes pour atteindre le A ou la pastille verte qui leur permettra de vendre davantage, en trompant le consommateur.

D’autre part, « il y a de fortes chances que la prolifération du logo entraînera une demande du consommateur généralisée. Les entreprises artisanales qui proposent leurs produits dans les grandes surfaces à côté des marques de l’industrie agroalimentaire seront quasiment obligées de s’aligner aux tendances du marché ». Ce qui leur demandera des investissements non négligeables pour les analyses et les logiciels de calcul et ce, d’autant plus qu’elles ont un assortiment de produits souvent très varié, saisonnier, et dont le processus de fabrication est variable.

Quelles alternatives / solutions ?

La Chambre des Métiers alerte sur le risque que cet outil « favorise la distorsion de concurrence en privilégiant les multinationales au détriment des entreprises artisanales » et demande au Gouvernement de prévoir un régime d’aide spécifique pour les PME.

Elle se montre également sceptique quant au fait qu’il contribue réellement à réduire les maladies cardiovasculaires. Elle propose de renforcer l’information et la sensibilisation sur une alimentation équilibrée et de systématiser l’offre en produits régionaux dans les cantines.

Mélanie Trélat
Article tiré du dossier du mois « Consom’acteurs, Holmes ? Alimentaire, mon cher Watson ! »

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Publié le lundi 1er juin 2020
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