Un mastodonte d'acier sur l'A3

Un mastodonte d’acier sur l’A3

Vendredi 4 mars, 14h00. Après avoir cherché notre route sur les petits chemins secondaires et rejoint le parking du chantier, nous découvrons un ouvrage majestueux qui en impose par sa stature. Chaque matin, nous avons beau le voir « déposé » de tout son long et au repos sur le bord de l’autoroute A3 qui mène aux bureaux de Neobuild, nous restons sans voix quand nous approchons du dénommé « OA14 ».

L’ouvrage de type « bow-string » est réellement gigantesque et figure déjà parmi les plus grands de ce type en Europe : le tablier de 18,7 mètres de largeur s’étend sur pas moins de 200 mètres de longueur tandis que la double arche jumelée asymétrique - particularité significative de l’ouvrage - culmine à environ 45 mètres depuis l’autoroute. Une autre de ses particularités tient au fait que les deux tirants parallèles ne sont pas rectilignes mais légèrement courbes afin de suivre le tracé courbe des voies de chemin de fer, « ce qui n’a d’ailleurs pas manqué de compliquer la tâche des ingénieurs du bureau InCA, responsables des simulations statiques et dynamiques », nous confie Gilles Nies, ingénieur au Service Projets Infrastructure des CFL.

L’ouvrage d’acier est composé de plusieurs « tronçons » pesant entre 40 et 120 tonnes et réalisés par des modules caissons de longueur approximative entre 12 et 25 mètres. Chacun de ces tronçons étant préfabriqué en atelier puis acheminé sur site par transport exceptionnel pour être jumelé à ses semblables par soudage. Nous nous faufilons dans l’un des éléments remisés au sol, en attente d’être mis en place, nous permettant de jauger les épaisseurs impressionnantes des tôles d’acier utilisées.

L’autre fait très surprenant étant les quantités de soudures nécessaires à l’élaboration de l’ouvrage, qui s’élèvent à plus de trente tonnes de consommables. Afin de permettre aux opérateurs de travailler dans un environnement confortable et sécuritaire maximal, des « cabines » de travail ont été conçues et construites sur mesure pour être déplacées par grutage aux jonctions à assembler ; « l’arche sud, côté français, est réalisée dans un atelier MATIERE à Charmes en France tandis que son jumeau nord, côté Luxembourg-Ville, est réalisé en Belgique dans les ateliers MBB (anciens Ateliers Roger Poncin & Cie SA) à Ocquier, ce qui en fait un modèle unique de coopération et de coordination transfrontalière !

Une fois l’ouvrage assemblé, il sera d’abord hissé à l’aide de presses hydrauliques puis « glissé » entre les culées de béton, conduit en place en une seule opération à l’aide d’engins de transport spécifiques (Kamag). Certaines parties de l’ouvrage sont d’ailleurs renforcées uniquement dans le but de permettre cette opération de ripage. Cette phase délicate, qui ne prendra que quelques heures, sera la dernière grande opération mobile avant une campagne finale de mise en peinture qui parachèvera l’ensemble.

La parole aux CFL

Suite à l’identification du goulot d’étranglement sur le réseau ferroviaire sud du Grand-Duché, tant au niveau des trains voyageurs ainsi que dans le fret, la construction d’une nouvelle ligne ferroviaire reliant la capitale à Bettembourg s’impose inévitablement. Cette dernière comprend sur une longueur d’environ 7 km, une série d’ouvrages d’art enjambant l’A3 - dont l’OA14 constitue le dernier à réaliser. Sa portée importante résulte du fait qu’il croise l’autoroute à la hauteur de la Kockelscheuer en un angle aigu résultant du tracé bien défini le long de l’A3 avec des rayons de courbes généreuses pour augmenter le confort des voyageurs. Un pilier central du projet longeant l’autoroute la plus sollicitée de Luxembourg fut la coordination étroite avec les communes, administrations et surtout les Ponts & Chaussées, d’autant plus que le chantier de l’élargissement de l’A3 s’effectue simultanément. Afin de ne pas impacter le trafic autoroutier hebdomadaire, l’OA14 se monte in situ à côté de l’autoroute sur une aire de préfabrication. En plus, l’aménagement d’un accès autoroutier expressément pour ce chantier a su garantir un approvisionnement du chantier par la multitude d’éléments (tirants, arcs, suspentes) arrivant avec des convois exceptionnels sans gêner le trafic. Pour le transfert des 5 850 tonnes de structure métallique du bow-string à son emplacement définitif, un week-end de barrage de l’A3 en automne 2022 est cependant inévitable. Ce n’est qu’après ce ripage que le tablier sera bétonné avant de pouvoir l’équiper de toute l’infrastructure nécessaire aux deux voies de circulation envisagées (ballast, rails et alimentation électrique).

La parole au bureau InCA

Pour la conception de cet ouvrage, la première question qui se posait était celle de la typologie du pont. Dès les premières discussions avec le maître d’ouvrage, il était clair qu’il fallait préfabriquer le pont à côté de l’autoroute, puis le déplacer vers son emplacement final. Un ouvrage de type bow-string est parfaitement adapté à ce mode de construction. Le choix d’un double arc a été fait pour obtenir une grande raideur flexionnelle, tout en évitant des sections trop massives. Cet arc très rigide permet alors de réduire au strict minimum la poutre principale, celle qui surplombe directement l’autoroute. Un autre choix important a été celui de masquer les attaches des suspentes. La ligne du tirant file de manière continue et constante sur plus de 180 m. Cela a été un vrai défi pour acheminer et faire coexister dans un endroit étroit les différentes forces verticales et horizontales, tout en laissant une possibilité de passage pour les futures inspections de la structure. Tout au long de la conception, une collaboration constructive avec le maître d’ouvrage a permis d’avancer ensemble vers cet ouvrage exceptionnel.

©InCA, INNOVATIVE ENGINEERING

Largeur : 18,7 m Longueur : 200 m Hauteur : 45 m

Un modèle unique de coopération et de coordination transfrontalière !

Une passerelle piétonne en fibres de lin

Sous la direction de la Technische Universiteit Eindhoven, 15 partenaires ont mené le projet européen Smart Circular Bridge visant la construction de 3 ponts dont une passerelle piétonne de 15 m de long qui peut supporter le poids de 275 personnes, récemment inaugurée à Almere aux Pays-Bas.

Elle est constituée de fibres de lin 100 % naturelles et d’une biorésine composée à partir de déchets issus de la production de biodiesel et de bouteilles en PET recyclées.
Plante à croissance rapide, matériau léger, très stable et qui offre des propriétés mécaniques comparables à celles de l’aluminium ou de l’acier léger, le lin offre un potentiel intéressant dans le cadre de la décarbonation de la construction, de la réduction de la consommation des ressources et de l’énergie, ainsi que dans le développement d’une économie circulaire biosourcée.

À la fin de la vie de l’ouvrage, les matériaux seront recyclés mécaniquement (déchiquetage les éléments et réutilisation dans de nouveaux produits), chimiquement (par pyrolyse afin de décomposer les molécules en fractions plus petites) et biologiquement à l’aide de champignons.

Extrait du NEOMAG#47
Plus d’informations : http://neobuild.lu/ressources/neomag
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Publié le vendredi 29 juillet 2022
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