Thé de Darjeeling : un goût amer pour la biodiversité

Thé de Darjeeling : un goût amer pour la biodiversité

Diplômé en juillet de l’Athénée de Luxembourg, Tanay Karnik, 18 ans, vient de s’installer à Stockholm pour étudier la biomédecine. Dans le cadre de son Baccalauréat international, il a analysé l’impact de la culture du thé sur la biodiversité à Darjeeling. Originaire de Mumbai, le futur chercheur vit depuis plus de douze ans au Luxembourg.

Parle-moi de ton étude

Tanay Karnik : Pour obtenir mon diplôme à l’Athénée, je devais écrire un essai sur un sujet précis. J’ai choisi de prendre une voie un peu différente : au lieu de rester dans une seule matière, j’ai examiné un sujet à travers deux angles.

J’ai étudié comment le thé impacte la biodiversité à Darjeeling, par la biologie mais aussi sous un angle historique, pour avoir une vision plus large de ce que j’observais.

Cela a demandé beaucoup de préparation. Au départ, je connaissais les matières dans lesquelles je voulais travailler, mais je n’avais pas encore le sujet.

Comment as-tu finalement pris la décision de t’intéresser à la culture du thé ?

Je savais que je voulais me pencher sur des espèces végétales spécifiques et analyser la biodiversité : nous en étudions à l’école et je trouvais cela très intéressant. Comme le thé est une culture très importante et un grand produit d’exportation, j’ai décidé de suivre cette piste.


« Je pense que mon objectif était de bousculer les connaissances que la plupart des gens ont de la culture du thé et de leur montrer une autre facette de ce qu’ils consomment. »

Tanay Karnik

J’ai choisi Darjeeling car c’est une région que je connais et qui est très célèbre pour son thé. Nous avons approfondi le sujet avec mes professeurs de biologie et d’histoire, qui ont confirmé que cela pouvait être un bon sujet d’étude.

Comment as-tu étudié ces plantations de thé ?

Il y a eu beaucoup de recherche secondaire : de nombreuses personnes ont mené des expériences. J’ai observé des cartes pour analyser les régions où le thé est cultivé et comment cela les impacte, des graphiques économiques pour voir l’évolution des exportations, puis des comparaisons avec des cartes « avant/après ». C’était donc beaucoup d’accumulation de recherches diverses, puis leur mise en commun dans un seul projet.

Quelles ont été tes conclusions pour la partie biodiversité ?

Le thé a clairement endommagé la biodiversité dans la région, et à une assez grande échelle — à un degré surprenant et largement méconnu. C’était flagrant quand je l’ai présenté au concours national Jonk Fuerscher puis aux États-Unis. Beaucoup de gens connaissent le thé de Darjeeling, mais ignorent à quel point il a réellement endommagé l’environnement.

D’après tes recherches, quelles sont les causes de l’impact de la culture du thé sur la biodiversité ?

J’ai examiné trois raisons précises.

L’une d’entre elles tient à la structure même du théier. Il a un système racinaire très superficiel, comparé aux forêts locales qui ont des racines profondes. Or la région est très vallonnée, au pied de l’Himalaya, avec des pentes abruptes. À cause de ces racines superficielles, le sol est moins bien retenu, surtout lors des glissements de terrain, très fréquents à cause de la mousson.

Une autre raison, c’est qu’en abattant des arbres pour créer les plantations, on a détruit des habitats. Suite à cela, beaucoup d’espèces locales – comme l’ours noir – ne peuvent plus y vivre.

Enfin, le ruissellement de pesticides constitue un autre énorme problème. Ces plantations de thé sont situées près des rivières et ruisseaux qui forment certains grands fleuves du pays et se jettent ensuite dans les océans. Les pesticides ruissellent dans l’eau et endommagent ainsi une grande partie du milieu aquatique.

As-tu comparé l’impact des plantations biologiques par rapport aux cultures conventionnelles ?

J’ai bien regardé cela, et il y a clairement des avantages à l’agriculture biologique, mais je ne pouvais pas aller plus en profondeur dans le cadre de cet essai. Ce que j’ai trouvé intéressant, c’est que le facteur économique entre en jeu.


« L’agriculture biologique est extrêmement coûteuse par rapport à l’utilisation de pesticides. Elle est donc moins fréquente, et je ne la vois pas non plus se généraliser à l’avenir. »

Tanay Karnik

Comment as-tu abordé l’angle historique de tes recherches ?

Grâce à de nombreux livres, lectures et sources. Je pense que c’était l’une des parties les plus difficiles de l’essai. Biologie et histoire sont rarement combinées ; elles semblent très différentes mais sont en fait assez similaires. Beaucoup des techniques que j’ai utilisées en biologie ont aussi servi en histoire. C’est surtout la manière de les formuler et ce que tu cherches précisément qui diffèrent, car en histoire tu analyses les sources, pour savoir notamment pourquoi tu peux leur faire confiance ou non.

Quelles ont été tes conclusions du côté historique ?

Propriétaires britanniques et cueilleurs népalais et indiens dans la région de Darjeeling, 1880
Propriétaires britanniques et cueilleurs népalais et indiens dans la région de Darjeeling, 1880 - ©Domaine public/Wikipedia

Je voulais vraiment me concentrer sur la continuité de ces plantations : elles sont là depuis longtemps, puisqu’elles remontent à la période coloniale, au 18e siècle. Les politiques qui freinent leur expansion ont été très limitées. En fait, il y a eu beaucoup de lois et d’accords qui, au contraire, favorisent la croissance. Et cela sape clairement une bonne partie des recherches écologiques qui y ont été consacrées.

Tu as ensuite présenté ce travail au concours Jonk Fuerscher. Comment as-tu connu la Fondation Jeunes Scientifiques Luxembourg (FJSL) ?

La Fondation a fait une présentation dans notre école, et j’en ai aussi entendu parler par d’autres amis qui avaient déjà participé à leur concours. Suite au concours, j’ai eu l’opportunité d’aller défendre mon projet à New York, à l’Olympiade internationale Genius. Contrairement au Luxembourg, à New York, aucun membre du jury n’avait lu mon projet. Les quelques minutes dont je disposais n’ont pas suffi pour transmettre toute l’ampleur de mes recherches.

Découvrez chaque semaine un projet proposé par des étudiants dans le cadre du concours national Jonk Fuerscher.

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Marie-Astrid Heyde
Photo : FJSL

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Publié le lundi 8 septembre 2025
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