Réfléchir à la globalité de la consommation

Réfléchir à la globalité de la consommation

Le réseau de la Transition et le CELL (Centre for Ecological Learning Luxembourg) proposent d’aller au-delà d’une consommation bio et équitable en devenant de réels consomm’acteurs.

Sur la consommation totale de fruits et légumes au Luxembourg, seulement 3 % sont produits sur le territoire du pays. « C’est dramatique, ça rend le pays très vulnérable et complètement dépendant des pays exportateurs et des énergies fossiles nécessaires au transport », explique Delphine Dethier, coordinatrice du réseau Transition Luxembourg. Chaque résident luxembourgeois gaspille par ailleurs 193 kg de produits alimentaires par an, et, si l’humanité vivait comme les Luxembourgeois, 7 planètes seraient nécessaires pour subvenir à ses besoins (contre 4 pour un Français et 0,6 pour un Indien).

Face à ces chiffres, le CELL et le mouvement de la Transition se mobilisent pour faire revivre le modèle coopératif qui valorise le travail de la terre et le statut du producteur. À travers les coopératives, les consommateurs deviennent consomm’acteurs : ils s’engagent avec les producteurs locaux, partagent les risques de la production, ont leur propre rôle à jouer. « Il faut à tout prix sortir de la vision court-termiste et réfléchir aux conséquences de nos actions à long terme », ajoute Delphine Dethier. « C’est un investissement dans nos sols, qui doivent redevenir vivants, un investissement pour les prochaines générations ».

Parmi les alternatives, la coopérative de production Terra a été la première à voir le jour au Luxembourg. Aujourd’hui, il en existe plusieurs sur le territoire grand-ducal. Les coopérateurs prennent des parts en début de saison (les inscriptions sont ouvertes !), qui permettent à la coopérative de se développer indépendamment du système bancaire, et ainsi éviter d’avoir à payer des intérêts. Le coopérateur peut également être membre, c’est-à-dire recevoir des colis de fruits et légumes au fil des récoltes. Terra compte trois agriculteurs rémunérés et une équipe de bénévoles et apprentis qui les soutient. Chaque dernier dimanche du mois, le grand public peut se rendre sur place pour observer, apprendre et donner un coup de main.

Vers un nouveau magasin pour la capitale

La Mesa (Maison de la Transition) à Esch propose également une alternative aux supermarchés traditionnels sans prétendre disposer de tous les aliments nécessaires à la préparation d’un bon repas. « Manger est un acte politique et on a un réel impact en tant que citoyen », explique Delphine Dethier. Or il y a très peu de sensibilisation sur la provenance des produits qu’on achète en supermarché et les gens ne savent pas ce qu’ils consomment. La Mesa, qui fonctionne à travers une coopérative, a pris la décision de proposer des aliments très locaux issus de l’agriculture biologique (même s’ils ne sont pas tous certifiés « bio » !), à commencer par le Gemeiseguart d’Esch-sur-Alzette, tout proche.

Lorsque les stocks ne sont pas suffisants ou pour les aliments qui n’y sont pas cultivés, le Mesa s’approvisionne dans un rayon de 60 km (via Terra, Forum pour l’Emploi et autres maraîchers locaux et bio). « Il y a toutefois trois exceptions », explique Éric Lavillunière, coordinateur REconomie : « L’huile d’olive vient d’une coopérative grecque, avec qui nous travaillons sans intermédiaire et dont les bénéfices sont, en partie, reversés au réseau d’économie solidaire grec. Pour le café et le chocolat, s’ils sont transformés de manière locale, les matières premières viennent des pays du Sud mais sont sélectionnés pour leur approche éthique et biologique ». Du lundi au samedi sur le temps de midi, la Mesa propose également un menu 100 % végétarien et bio. La Mesa n’est bien sûr pas la seule initiative du genre dans le pays, et ses coordinateurs se réjouissent de voir naître des projets similaires.

L’équipe a pour projet d’ouvrir un supermarché coopératif participatif, AlterCoop, impliquant les membres à travers du bénévolat. Leur volonté est de l’installer à Luxembourg-ville, et elle est donc actuellement à la recherche d’un local où l’installer. Les initiatives citoyennes prennent un peu de temps à se mettre en place car elles rencontrent de nombreux freins, principalement financiers. « Malheureusement, les coûts locatifs rendent très difficiles la mise en place de ces projets citoyens », confirme Éric Lavillunière.

Consommer autrement

Ce que la Mesa et le CELL visent, ce n’est pas une écologie punitive ou un retour en arrière. « Il est possible de consommer autrement, et mieux, sans perdre en confort », positive Éric Lavillunière. Si manger local implique de se priver de certains aliments quand ils ne sont pas de saison, beaucoup peuvent toutefois être conservés. « Nous aimerions voir arriver des conserveries locales où nous pourrions directement envoyer les aliments pour conserver des tomates et autres indispensables en cuisine », note Karine Paris, coordinatrice urban gardening.

Toutes ces initiatives sont seulement quelques pièces d’un puzzle au sein duquel chacun doit trouver ce qui lui convient. L’aspect convivial est un autre élément à faire renaître dans ces démarches, comme cela peut être le cas à travers les jardins communautaires.

Pour plus d’informations sur ces projets, et tous les autres, contactez la Mesa au 26 53 26 70.

À lire également, interview de Norry Schneider, coordinateur du réseau de la Transition, parue dans notre dossier du mois « objectifs de développement durable ». ()

Marie-Astrid Heyde
Photo Fanny Krackenberger

Dossier du mois Infogreen « De la Terre à l’assiette »

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Publié le vendredi 18 janvier 2019
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