
Prochainement à Rollingen : festival Voices for the Planet pour dénoncer l’écocide
Le 5 juillet prochain, CELL organise un festival : Voices for the planet – Stop ecocide. Mais qu’est-ce que l’écocide, et pourquoi le reconnaître ?
Le génocide désigne la destruction d’un groupe national, ethnique, racial ou religieux. L’écocide, lui, désigne la destruction des systèmes naturels par l’être humain.
Que peuvent faire nos structures juridiques pour prévenir et punir la destruction de l’environnement naturel ?
Depuis le début du génocide à Gaza, nous n’avons cessé de faire le lien avec le crime d’écocide. C’est une des raisons pour laquelle nous voulons nous pencher plus en détail sur cette notion. La destruction massive des écosystèmes naturels et le changement climatique conduisent vers un changement irréversible de la biosphère. La rapidité de ce processus ne donne pas assez de temps à l’humanité et aux autres êtres vivants de s’adapter et de limiter les risques. Seule une élite pourrait s’en donner les moyens, cette même élite qui, à son profit, a développé, dirigé et profité d’un système idéologique et économique responsable aujourd’hui des polycrises. Ce modèle s’est construit en ignorant sciemment la valeur des écosystèmes dans le maintien de la vie sur terre, et en nous faisant oublier que nous vivons dans un monde fini, où toute forme de vie est interconnectée et interdépendante.
Notre cadre juridique actuel ne possède pas les outils nécessaires pour mettre fin à la dégradation généralisée des écosystèmes causée par une activité industrielle dangereuse.
Pourtant, il nous faut préserver non seulement notre droit à la Vie, mais aussi les droits des générations futures, et les droits de la nature elle-même. Reconnaître le crime d’écocide comme crime international contre la paix permettrait une protection efficace de ces droits. (1)
En 1985, le rapport Whitaker (2) définissait l’écocide comme « des changements défavorables, souvent irréparables, à l’environnement – par exemple par des explosions nucléaires, des armes chimiques, une pollution sérieuse et des pluies acides, ou la destruction de la forêt tropicale – qui menacent l’existence de populations entières, délibérément ou par négligence criminelle (3) ».
L’article 26 du projet des statuts de la Cour Pénale Internationale (CPI) en résulte en 1991 sur les actes portant gravement atteinte à l’environnement, applicable en temps de guerre et en temps de paix :
« Tout individu qui cause délibérément ou ordonne que soient causés des dommages étendus, durables et graves à l’environnement naturel sera, une fois reconnu coupable de cet acte, condamné… ».
L’article fut enterré en 1995 et la CPI, créée en 2002, peut juger uniquement comme crime de guerre le fait de causer des dommages étendus, durables et graves à l’environnement naturel, mais rien n’est prévu pour protéger l’environnement de ce type d’atteinte en temps de paix (4).
Il est temps d’engager la responsabilité pénale des décideurs quand leurs choix conduisent à menacer la paix par des actions qui induisent la destruction des conditions de vie sur terre par la force de leurs impacts sur la biodiversité et le climat.
Stop Ecocide International, un mouvement réunissant des organisations de la société civile et des expert·es, fait revivre la thématique depuis quelques années, et a actualisé la définition de l’écocide en 2021 comme « des actes illicites ou arbitraires commis en connaissance de la réelle probabilité que ces actes causent à l’environnement des dommages graves qui soient étendus ou durables (5) ».
Depuis, plusieurs États ont lancé des initiatives, notamment la Belgique, qui est le premier pays européen à reconnaître le crime d’écocide aux niveaux national et international dans son code pénal depuis 2024. Autre pas important, en mars 2024, quand le Conseil européen a formellement adopté une nouvelle directive sur les crimes contre l’environnement, qui comprend une disposition visant à criminaliser les cas « comparables à l’écocide ». Il s’agit du dernier vote sur la nouvelle directive, qui fait suite à l’approbation du Parlement européen en février et à un accord politique historique entre le Conseil européen, la Commission et le Parlement en novembre 2023. Les États membres de l’Union Européenne disposent à présent d’une période de 24 mois, via le processus dit de « transposition », pour aligner leur législation nationale sur la directive nouvellement adoptée(6).
Ce cadre international nous semble favorable à une campagne pour la reconnaissance de l’écocide au Luxembourg ; campagne qui débutera le 5 juillet lors du festival Voices for the planet avec l’ensemble vocal Jubilate Musica à la ferme Kass-Haff.
Lors de cette journée aura lieu un concert unique d’un chœur éphémère de 300 chanteur·es du Luxembourg. Ce concert est inspiré du projet international « Choirs for Ecocide Law », un mouvement scandinave qui milite pour que la destruction massive de l’environnement soit reconnue comme un crime international.
Texte et illustrations de CELL, Citizens for Ecological Learning and Living
1Virginie Cabanes, Le crime d’écocide, dans : Des droits pour la nature, Les Editions Utopia, 2016
2 Rapport confié en 1983 au rapporteur spécial Benjamin Whitaker par l’ONU pour faire progresser la prévention et la répression du crime de génocide
3 Mark Whitaker Report, United Nations Economic and Social Council Commission on Human Rights, 1985, http://www.preventgenocide.org/prevent/UNdocs/whitaker/section6.htm
4 Virginie Cabanes, Le crime d’écocide, dans : Des droits pour la nature, Les Editions Utopia, 2016