Prévoir les stations pour carburants alternatifs

Prévoir les stations pour carburants alternatifs

Le volet « transports et mobilité » bouge sérieusement à l’échelle européenne. Notamment quant à l’obligation de déployer des infrastructures pour faire le plein des véhicules « verts », légers et lourds, électriques ou à hydrogène, par exemple.

François Bausch, Vice-Premier ministre et ministre de la Mobilité et des Travaux publics, participait récemment avec ses pairs, à Luxembourg, au Conseil européen « Transport, télécommunications et énergie ». On y a notamment fait le point sur les avancées, mais aussi sur les freins, du paquet « fit for 55 » qui contient des propositions législatives touchant directement le secteur des transports et la mobilité en général.

À l’ordre du jour, figurait notamment une proposition de règlement européen sur le déploiement d’une infrastructure pour carburants alternatifs, qui vise surtout à promouvoir l’électromobilité. Selon les communiqués officiels, « un compromis a pu être trouvé entre les ministres afin d’ouvrir la voie aux négociations sur ce texte avec le Parlement européen ». Que trouve-t-on dans ce texte ? Essentiellement des objectifs nationaux, contraignants, des seuils minimaux à atteindre pour que chaque État membre dispose sur son territoire de suffisamment d’infrastructures de recharge accessibles au public pour les véhicules électriques.

Une forme d’indexation des bornes

L’idée est que la croissance de la flotte de véhicules immatriculés soit implicitement, voire systématiquement, accompagnée du déploiement d’un nombre suffisant d’infrastructures de recharge ouvertes au public. Une sorte d’indexation automatique du nombre de bornes, en quelque sorte, liée à l’inflation de l’électromobilité…

L’objectif est aussi de créer dans l’Union une densité et une homogénéité de stations de recharge, afin de permettre les voyages automobiles de longue distance à travers l’Union, histoire d’éviter les pannes sèches ou les files d’attente en station… Des objectifs minimaux pour l’équipement des grands axes autoroutiers avec des bornes de charge rapide sont fixés, à l’horizon 2025. Le texte stipule que l’on doit pouvoir trouver au moins tous les 60 kilomètres des bornes de recharge rapides sur le réseau transeuropéen de transport (RTE-T), et ce évidemment dans les deux sens de circulation.

De plus, une infrastructure de recharge électrique dédiée aux véhicules lourds devra être mise en place, dans une envergure similaire, à partir de 2025, pour être finalisée fin 2030. « Cet accord constitue un signal fort à l’attention des constructeurs : l’infrastructure pour les camions 100% électriques sera prête », note le ministère luxembourgeois.

L’hydrogène et les moyens techniques

Dans ce domaine du transport routier, le texte prévoit également des stations où faire le plein d’hydrogène. L’horizon 2030 coïncide avec des annonces répétées de constructeurs de mise sur le marché de camions lourds, électriques mais fonctionnant sur pile à combustible, à l’hydrogène. Le texte européen retient cette date et stipule que, à fin 2030, les routiers doivent pouvoir trouver une station à l’hydrogène au moins tous les 200 kilomètres sur le RTE-T.

Le règlement établit aussi des spécifications techniques communes et des exigences en matière d’information des utilisateurs, de fourniture des données et de paiement applicables aux infrastructures pour carburants alternatifs. « Ces nouvelles spécifications techniques sont applicables dans toute l’Union. Elles vont surtout rendre la procédure de recharge plus simple et plus accessible au public. L’objectif est d’assurer que tous les abonnements de fournisseurs de service de charge soient compatibles avec toutes les bornes accessibles au public et de rendre la tarification plus transparente ». On pourra par exemple payer directement les recharges sans abonnement, par carte bancaire classique.

Pour le Luxembourg, pays de transit célèbre pour ses stations-services, cela n’a rien de neutre. François Bausch, dans un communiqué, commente : « Le Luxembourg s’est engagé lors des négociations pour que le texte en question reste le plus ambitieux possible et qu’un accord soit trouvé le plus vite possible. Le marché de l’électrique est en pleine expansion aujourd’hui et il est essentiel qu’un réseau dense et homogène d’infrastructure de recharge se mette en place partout dans l’Union et que le processus de la recharge électrique soit rendu plus simple et transparent pour l’utilisateur à travers toute l’Europe. »

Et pour faire voler les avions ?

Lors de la même session européenne à Luxembourg, on a évoqué une seconde proposition : ReFuel Aviation vise à réduire les émissions dans le secteur aérien en créant une obligation de mélanger un certain pourcentage de carburants alternatifs durables (sustainable aviation fuels − SAF) au kérosène.

La période transitoire a été rallongée à 10 ans, pour que les fournisseurs de kérosène offrent du carburant comportant un minimum de SAF dans tous les aéroports de l’Union. Et de nombreuses exemptions ont été ajoutées, afin d’accommoder les délégations qui craignaient un impact trop lourd sur leur connectivité ou leur secteur aérien.

Cela satisfait moins le Luxembourg, qui a défendu des objectifs ambitieux. Le ministre Bausch a notamment exigé qu’on utilise des SAF « effectivement durables, afin de ne pas faire du greenwashing dans l’aviation ». Ainsi, la présidence française a inclus, dans la dernière ligne droite des négociations, des carburants produits à base d’énergie nucléaire. « Cela n’a pas pu être évité par une coalition qui favorise les énergies réellement durables », explique le ministère luxembourgeois. « Après l’échec d’une ultime tentative de modifier le texte de l’orientation générale pour restreindre davantage le recours aux carburants bas carbone, le Luxembourg, avec l’Allemagne, la Belgique, l’Espagne et l’Autriche notamment, ont décidé de ne pas soutenir le texte de l’orientation générale. Ces délégations tenteront de revenir sur ce point notamment dans le cadre des négociations avec le Parlement européen pour dégager un compromis final plus avantageux ».

Le ministre Bausch a encouragé la future présidence à avancer dans ce dossier malgré les éléments qui sont à ce stade encore insatisfaisants. « Il est important que l’industrie puisse disposer d’un cadre réglementaire clair pour pourvoir réaliser les investissements nécessaires dans les capacités de production à grande échelle des SAF ». Le ministre a insisté surtout sur l’intégrité environnementale de cet instrument. Finalement il a suggéré que les carburants alternatifs soient en priorité utilisés pour décarboner l’aviation, « vu qu’il n’existe aucune alternative viable pour ce secteur, que la production de ces carburants alternatifs sera limitée et que pour le secteur routier on peut recourir rapidement et efficacement à l’électromobilité ».

Alain Ducat
Photos : SIP/Shell_Alfen/Hyundai

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Publié le lundi 13 juin 2022
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