Pistes cyclables au Luxembourg : le réseau change de braquet

Pistes cyclables au Luxembourg : le réseau change de braquet

Entre 1995 et 2035, quatre décennies sépareront la préhistoire du réseau cyclable, d’un territoire entièrement recouvert par des mailles de 10 km. Mais, ce grand coup de pédale suffira-t-il à combler les besoins quotidiens, jusqu’à en transgresser le modèle actuel ? Une chose est certaine, plus rien ne roulera carrosse sans le vélo.

L’échappée historique

De 1995 à 2015, le kilométrage consacré au vélo a pratiquement doublé. Plus de 320 kilomètres de pistes cyclables ont été créés, portant la distance globale à 600 km.

Ce sprint vers une mobilité douce ne s’est guère démenti entre 2015 et 2018 : 47 km d’infrastructures cyclables nationales sont nés, dont 17 km de tronçons existants, sécurisés et optimisés.

La loi 2018 prévoyait à terme un maillage complet de 1 102 km de pistes viabilisées (1).

Nouvelle législation en matière de pistes cyclables, dossier technique (2018)
Nouvelle législation en matière de pistes cyclables, dossier technique (2018) - Ministère du Développement durable et des Infrastructures

Aujourd’hui, les cartes, comme celles du Luxembourg For Tourism / Visit Luxembourg, de l’asbl ProVelo.lu ou de luxvelo.lu illustrent un réseau national partagé en 23 voies cyclables (de PC1 à PC23) pour un total de plus ou moins 630 km (2).

Elles recensent également quelque 700 km de pistes VTT (mountain bike tracks).

Absorber 40 % de déplacement en plus d’ici 2035

Lors de la présentation du Plan national de mobilité 2035 (PNM 2035) en avril 2022, François Bausch, ministre de la Mobilité et des Travaux publics, résumait la contradiction locale : « Si le Luxembourg continue à se développer de la façon dont on le prévoit, on aura une demande supplémentaire de mobilité de 40% ».

Comment dès lors, intégrer une croissance exponentielle de déplacements tout en étant cohérent avec le plan national en matière d’énergie et de climat (PNEC) accolé au Pacte vert pour l’Europe de la Commission européenne ? Si l’on excepte la question transfrontalière, sujette à d’autres impératifs, la question ne peut se résoudre sans la centrer sur les cycles et notamment les vélos électriques.

Réseau cyclable national - Itinéraires structurants
Réseau cyclable national - Itinéraires structurants - Ministère de la Mobilité et des Travaux Publics (MMTP)

Le couronnement de la petite reine

À plus de la mi-course du millier de km dédiés aux cycles, le PNM 2035 fait du vélo, « le mode de transport qui doit connaître la plus grande progression dans les années à venir » en ajoutant, « sans une telle évolution, la mobilité individuelle dans les agglomérations se détériorera considérablement ».

Le discours s’accompagne d’objectifs chiffrés. Il s’agit de faire passer les déplacements vélo de moins de 5 km en « centralité principale » (déplacements urbains intra-muros), de 5% en 2017, à 20% en 2035. Pour les déplacements entre 5 et 15 km, l’effort reste dans le même ordre de grandeur.

Il faut savoir que ces petits trajets de moins de 5 km, représentent 54 % des allées et venues des résidents.

Or, un tiers des déplacements inférieurs à 1 km et deux tiers des déplacements d’une distance comprise entre 1 et 5 km sont effectués en voiture (3). Plus de 6 fois sur 10, un habitant prend sa voiture pour parcourir de 1 à 5 km. Il y a comme un vélo au pays de Charly Gaul.

Dans le fond, la volonté n’est pas très ambitieuse, comme le juge lui-même le PNM, concédant que cela ne placerait les agglomérations du Grand-duché qu’au « niveau actuel de villes comme, Bonn, Francfort ou Munich ».

Mais, au-delà des louables discours d’intention, le vélo est-il réellement en tête du peloton de la transition ?

Deux éléments de réponses concordants et complémentaires : le développement des infrastructures et le changement des mœurs des usagers.

Inauguration d'une nouvelle piste cyclable reliant l'avenue John F. Kennedy et le boulevard Konrad Adenauer
Inauguration d’une nouvelle piste cyclable reliant l’avenue John F. Kennedy et le boulevard Konrad Adenauer - MMTP

Emporter l’adhésion des cyclistes et des indécis

Militante infatigable de la cause cycliste, l’association ProVelo.lu a réalisé une étude basée sur quatre enregistreurs de la marque Eco-Compteur, installés dans la Ville de Luxembourg. Au 31 décembre 2022, ils affichaient 1.003.045 passages de cyclistes, correspondant à une croissance de 36,5% par rapport à l’année 2021 (734.991 comptages). (4)

Le succès de Vel’OH, la prestation de vélo en libre-service de la ville de Luxembourg, qui a constaté une hausse record de 400% (800.000 locations) en 2021 appuie l’hypothèse d’une dynamique (5).

Après la pandémie de COVID qui avait fait du vélo l’un de ses grands bénéficiaires collatéraux, la vague ne reflue pas. Pourtant, l’ASBL Pro-Vélo estime que cela n’est en rien facilité par les infrastructures, qualifiant, en l’état, la situation de « compliquée ».

Bien sûr, d’un point de vue micro, au quotidien, chaque usager se fera juge de cette évaluation. Pourtant, si l’on élève le débat au niveau macro, les choses semblent se décanter.

Des infrastructures en chantier

La liaison entre Esch-sur-Alzette et Belval, projet pharaonique de 47,5 millions avec la plus longue passerelle cyclo-pédestre d’Europe est déjà, en partie, opérationnelle. Elle devrait être achevée en 2025. Le Vëlodukt tissera sa toile jusqu’en France et préfigure la véloroute qui reliera Esch à Luxembourg-Ville, future épine dorsale du réseau grand-ducal.

Sous la place de la Gare, un grand parking à vélo de 2 500 places, géré par les CFL pour le compte de l’État, devrait entrer en service dès 2027.

Autour des grandes agglomérations, ce genre de chantiers témoigne ostensiblement de la volonté des pouvoirs publics à poser les premiers jalons d’une mobilité durable et décarbonée, orientée vers son développement cyclable.

Liaison cyclable directe entre Esch-sur-Alzette et Belval
Liaison cyclable directe entre Esch-sur-Alzette et Belval - Administration des ponts et chaussées

Le cyclotourisme

Dans un tissu interconnecté, rien de ce qui est accompli n’est sans conséquence. Chaque nouvel équipement cyclable du quotidien rejaillit immanquablement sur le cyclotourisme.

Le PNM 2035 entend « doter toutes les régions touristiques du pays d’un accès à vélo et les connecter aux itinéraires cyclotouristiques internationaux, notamment la Vennbahn et l’EuroVelo 5. »

Il pourra tirer parti de l’aura du Vëlosummer, manifestation estivale autour d’itinéraires cyclotouristiques, qui avait réuni 29.000 participants en 2022 (6).

Du nord au sud, de l’ouest à cette Moselle que les amateurs de bicyclettes sillonnent depuis belle lurette, cet écosystème pourrait insuffler aux offres écotouristiques, un nouvel élan.

Sébastien MICHEL

Sources :
(1) Nouvelle législation en matière de pistes cyclables, 2018. Ministère du Développement Durable et des infrastructures, Administration des ponts et chaussées
(2) Carte éditée par Luxembourg For Tourism / Visit Luxembourg – disponible en libre-service
(3) PNM 2035 (conférence de presse internationale du 22/04/2022) / Présentation publique PNM 2035 Mierscher Kulturhaus (05/05/2022)
(4) Communiqué de presse ProVelo.lu, 12/01/2023.
(5) JCDecaux, 24/01/2022
(6) « Présentation du bilan Vëlosummer par François Bausch et Lex Delles », 06/10/2022

Article tiré du dossier du mois « Feuilles de route »

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Publié le samedi 17 juin 2023
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