Overshoot day : le Luxembourg pèse lourd !

Overshoot day : le Luxembourg pèse lourd !

Selon la méthodologie établie par le Global Footprint Network, le Luxembourg a épuisé, ce 20 février, toutes les ressources à sa disposition pour l’année 2024. Comment le pays et ses habitants vivront-ils donc les 315 jours restants ?

Le Earth Overshoot Day correspond à la date de l’année à partir de laquelle l’humanité est supposée avoir consommé toutes les ressources que la planète peut regénérer en une année. Cette date tombait pour l’année 2023 au 2 août, ce qui signifie qu’après cette date, l’humanité a épuisé les ressources naturelles et accumule des déchets. Les conséquences principales de ce dépassement sont l’épuisement des ressources planétaires et le réchauffement climatique. Actuellement, il faudrait l’équivalent de 1,7 terres pour satisfaire les besoins de la population mondiale.

Au Luxembourg, comment allons-nous nous résoudre à nous serrer la ceinture sur notre alimentation, notre chauffage, l’utilisation de nos écrans et nos voitures, nos loisirs et nos voyages pour cesser de dilapider les ressources naturelles limitées ? Entendons-nous bien : ces ressources que nous consommons en trop, nous n’y avons pas « droit » ; c’est uniquement notre pouvoir d’achat qui nous permet de préempter leur utilisation au détriment des plus vulnérables, à qui elles sont véritablement confisquées, et sans aucune compensation.

« Il est grand temps de planifier une réduction équitable de la production et de la consommation qui permettrait d’alléger suffisamment notre empreinte écologique. L’obsession que nous avons pour la croissance est un frein écologique majeur, comme quelqu’un qui voudrait perdre du poids tout en voulant toujours manger davantage », insiste Thimothée Parrique, chercheur à l’Université de Lund, en Suède et auteur de Ralentir ou périr, l’économie de la décroissance » chez Seuil.

« Si l’on doit trouver un coupable à notre empreinte si élevée, c’est notre pouvoir d’achat, pointe également Thomas Gibon, chercheur au List (Luxembourg Institute of Science and Technology). La corrélation entre niveau de vie et empreinte carbone a été prouvée maintes et maintes fois : de fait, plus on est riche, plus on a une grande maison, un grand nombre de voitures (et d’appareils digitaux), une alimentation carbonée, plus on achète de produits de consommation, de voyages en avion, de meubles, de vêtements ou d’articles de sport. »

« Les 10 % les plus riches sont responsables de la moitié (48 %) des émissions mondiales de CO2. Le 1 % le plus nanti entraîne même à lui seul 17 % des rejets carbonés, soit davantage que la moitié la plus pauvre de la population, qui est responsable de 12 % des émissions. Ce top 1 % est responsable d’un quart de la croissance des émissions entre 1990 et 2019 » explique une étude sur les inégalités climatiques publiée le 31 janvier 2023 et coordonnée par Lucas Chancel avec Thomas Piketty. Selon ces économistes réunis par le Laboratoire sur les inégalités mondiales (World Inequality Lab), un institut de recherche rattaché à l’Ecole d’économie de Paris et à l’université de Californie à Berkeley, « revoir la fiscalité mondiale, notamment en taxant les plus riches, permettrait à la fois d’accélérer la lutte contre le réchauffement et celle contre la pauvreté. »

Lorsque la moitié la plus pauvre émet seulement 1,4 tonne d’équivalent CO2 par personne et par an, le 1% de la population mondiale la plus privilégiée émet 101 tonnes (le top 10%, en émet 29 tonnes, contre 6 tonnes pour les classes intermédiaires), selon les chiffres avancés par Lucas Chancel, qui prennent en compte à la fois la consommation de biens et services et les investissements. Or, pour conserver une chance de limiter le réchauffement climatique à 1,5°C à la fin du siècle, il faudrait réduire l’empreinte carbone à 1,9 tonne par personne en 2050.

Dans le même temps, « la moitié la plus pauvre de la population mondiale endure 75% des pertes de revenus liées aux impacts du changement climatique (inondations, sécheresses, glissements de terrains, ouragans…, NDLR), tout en ayant le moins la capacité financière pour agir (faibles infrastructures publiques, pas d’accès aux assurances… NDLR) : seulement 3% des capacités de financement alors que les trois quarts sont concentrées dans les mains des 10% les plus aisés ».

Réviser l’idée selon laquelle une vie vécue est une vie d’abondance matérielle et de longs trajets en avion

Face à ces données et ces faits, nous ne pouvons plus tergiverser sur la question de notre redevabilité, ni de la responsabilité des pouvoirs publics d’un pays dont les piliers de prospérité reposent sur un pouvoir d’achat globalement très élevé (malgré l’émergence de personnes précaires de plus en plus nombreuses), levier d’une consommation destructrice de la biodiversité et prédatrice des ressources des plus vulnérables.

L’ubris n’est plus un modèle enviable car c’est l’archétype qui justifie ces habitudes de surconsommation et qui nous fait croire qu’on est un bon citoyen parce qu’on « fait tourner l’économie », alors que la frénésie consumériste va à l’encontre de la vertu qui nous est plus nécessaire que jamais : la sobriété.

Thimothée Parrique nous propose un horizon alternatif : « Fini les taxes régressives et la politique des petits gestes, il va falloir éradiquer la richesse extrême et l’ubris environnemental qu’elle permet. Pour vivre mieux avec moins, partageons davantage. À l’opposé de la mentalité acquisitive qui pousse les individus à accumuler les uns contre les autres, il va nous falloir inventer une culture de l’abondance conviviale. Fini la publicité à outrance, l’obsolescence programmée, et la commercialisation de nos infrastructures vitales ; au lieu de trimer pour protéger le pouvoir d’achat, tâchons de limiter le pouvoir de vente. Organisons une économie du bien-être centrée sur les besoins et non plus sur les profits. Cette utopie concrète de la post-croissance et du post-capitalisme est une invitation à inventer ensemble un nouveau récit de civilisation joyeuse en harmonie avec le vivant. »

Communiqué de SOS Faim, dans le cadre de sa campagne « Changeons de Menu ! »

Communiqué
Publié le mardi 20 février 2024
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