« Non ! Cet Amazon n'est une chance ni pour le Luxembourg, ni ailleurs »

« Non ! Cet Amazon n’est une chance ni pour le Luxembourg, ni ailleurs »

Make Amazon Pay : Plusieurs organisations de la société civile luxembourgeoise organisent une manifestation le 28 novembre pour informer sur les manquements et dérives d’Amazon en matière d’environnement, de social, de fiscalité et de politique.

Le 19 septembre dernier, Amazon Luxembourg annonçait triomphalement par la voix de sa CEO les bénéfices de son implantation pour le pays : génération directe ou indirecte de plus de 10.000 emplois (dont près de la moitié indirectement), soutien à plus de 150 PME et TPE luxembourgeoises, dons aux différentes ASBL du pays, etc.

Patatras ! D’après RTL, 470 postes, soit près de 10% de l’effectif global au Luxembourg, seraient menacés par le plan social annoncé par Amazon international portant sur pas moins de 14.000 employés de bureau au total. Ceux-ci seront remplacés par de l’intelligence artificielle.

En effet, Amazon pèse lourd dans l’économie de l’emploi au Luxembourg et dispose de soutiens politiques de premier plan : le Premier Ministre Luc Frieden a récemment déclaré qu’il souhaitait qu’Amazon reste un acteur important au Luxembourg.

Cela ne l’autorise pas pour autant à violer les différentes réglementations nationales, européennes et internationales. Nous tiendrons une manifestation ce vendredi 28 novembre au croisement entre la rue des Capucins et la Grand-Re, de 12h30 à 14h, pour porter à la connaissance du grand public et des décideurs ces enjeux. Make Amazon Pay sera présent dans une multitude de pays ce jour-là.

Souveraineté numérique : Amazon ne respecte pas les réglementations européennes

Amazon a été condamnée au Luxembourg à verser 746 millions d’euros pour non-respect de la réglementation européenne sur la protection des données privées par le Conseil national de protection des données. Une condamnation confirmée par le tribunal administratif grand-ducal en mars 2025.

Le contrôle de l’espace numérique constitue un enjeu géopolitique majeur. Les États-Unis l’ont bien compris, comme en témoigne leur proactivité sur le risque d’ingérence du chinois TikTok. Les algorithmes sont au service de la rentabilité financière et désormais potentiellement de la manipulation politique (cf. Cambridge Analytica). La couleur politique de la Chambre des Députés se joue sur les réseaux sociaux, eux-mêmes paramétrables par des intérêts tout autres que ceux des luxembourgeois·es.

La réponse européenne est timide. Luc Frieden il y a quelques jours a d’ailleurs manifesté une soumission naïve et béate à la tech états-unienne dont Amazon. Nous appelons à une souveraineté numérique bien plus intégrée. Celle-ci a été dénudée au nom des principes du libre marché qui a par exemple entraîné la disparition des acteurs européens comme Nokia. Les responsables luxembourgeois tentent bien quelques initiatives, comme le cloud Clarence, mais cela reste hors d’échelle par rapport à la problématique. Mettre en avant, en guise d’exemplarité, que la plateforme Géoportail est open-source montre aussi la déconnexion entre le problème et la solution (voir ici aussi sur le sujet). La stratégie du Luxembourg en matière de données ne semble pas non plus mesurer l’ampleur de l’enjeu.

Politique : Amazon facilite le génocide à Gaza et s’aligne sur l’autoritarisme de Trump

Le Guardian a récemment révélé une entente secrète entre Google, Amazon et Israël. En effet, Israël loue des datacenters à Google et Amazon pour ses activités militaires dans la cadre du contrat Nimbus.

Or, il se trouve qu’Israël est obligé de respecter les règles d’utilisation. Si un État décide d’ouvrir une enquête auprès de Google et d’Amazon, ceux-ci n’ont pas le droit de prévenir Israël de cette ouverture d’enquête. On apprend non seulement que Google et Amazon ont mis en place un système d’alerte pour prévenir Israël illégalement, mais qu’en plus, ils ont garanti une continuité des services, même si l’infraction d’Israël violait le droit international par la perpétration de crimes de guerre.

Rappelons qu’en juin dernier, un rapport officiel de l’ONU établissait la complicité de Google et d’Amazon dans le soutien actif que ces deux entreprises engageaient dans le génocide à Gaza via leurs solutions numériques.

Cet alignement intégral d’Amazon sur la politique étrangère états-unienne est logique étant donné qu’Amazon, comme les autres entreprises géantes de la tech, a prêté allégeance à la politique, raciste, sexiste et LGBTphobe de l’administration Trump, notamment par l’abandon en décembre 2024 de ses politiques DEI (pour Diversité, Équité et Intégration).

Environnement : Amazon cache sa consommation réelle d’eau, énergie et ressources

Amazon se vante de sa politique durable, particulièrement à travers sa consommation d’eau et d’électricité de ses datacenters. Un document interne d’Amazon, qui a fait l’objet d’une fuite, révèle que les dirigeants de l’entreprise ont délibérément élaboré une stratégie pour dissimuler l’ampleur réelle de la consommation d’eau de ses centres de données.

Comme le souligne un rapport publié par les employés du groupe, Amazon nous raconte la fable d’une entreprise sur la voie du zéro carbone. Le recours à des certificats verts verdissant le bilan est en grande partie un leurre, les émissions sont justes reportées sur d’autres comptabilités. Ce tour de passe-passe masquent le développement des capacités fossiles pour alimenter l’infrastructure Amazon. Amazon favorise par ailleurs un modèle de surconsommation en contradiction avec le respect des limites planétaires. Le fonctionnement par abonnement et le développement de l’industrie culturelle via le service Prime ont pour objectif de pousser les clients à devenir captifs et à surconsommer à travers la promotion et la création de besoins inexistants.

Fiscalité : Amazon reste un mauvais payeur

Amazon reste une entreprise qui refuse de payer sa part à la collectivité : Le rapport « Silicon Six » de Fair Tax Fondation publié en avril 2025 révèle un écart fiscal de 277,8 milliards de dollars pour les six géants de la Silicon Valley (soit les GAFAM + Netflix), qui n’ont payé que 18,8 % d’impôts sur les sociétés sur les années 2015 à 2024 dans tous les pays où ils exercent leurs activités.

Amazon est classée 1re pour la plus mauvaise conduite fiscale. L’entreprise a payé seulement 38,6 milliards de dollars d’impôts, malgré des revenus bien supérieurs à ceux d’Apple et Microsoft. Son taux effectif d’imposition (TIE) était de 13,5 % en 2024. Rappelons que les petites et moyennes entreprises payent des impôts à un taux bien supérieur selon les pays qui peut dépasser les 30 %. Notons que 58 % de ses bénéfices 2024 proviennent d’AWS (Amazon Web Services), un service à haute marge (37 %).

Conclusion et recommandations

Amazon était déjà depuis longtemps dans le collimateur de différentes ONG et de syndicats de travailleurs pour ses atteintes graves à l’environnement, à la justice fiscale et au droit du travail. Son récent alignement avec la politique raciste, sexiste et LGBTphobe de l’administration Trump et sa collaboration avec l’Etat d’Israël ne vont évidemment pas dans la bonne direction. Amazon devrait interroger non seulement les acteurs de la société civile, mais aussi des décideurs politiques au Luxembourg : son comportement est en contradiction totale avec les valeurs que le Luxembourg et l’UE promeuvent en termes d’égalité, du respect du droit international comme dans le respect des directives européennes sur les données privées.

Nous demandons donc :

  • Au niveau du droit international, qu’Amazon reprenne son slogan Work hard, Have fun and Make history à la lettre et rejoigne le bon côté de l’histoire en se mettant en conformité avec le droit international, et collabore avec la justice internationale dès qu’Israël utilise ses datacenters de manière illégale.
  • Au niveau de l’environnement, qu’Amazon cesse de diffuser des fausses informations, donne les vrais chiffres de consommation d’électricité et d’eau, mette en place une stratégie réaliste et ambitieuse en la matière et que les autorités publiques soient plus vigilantes sur la transparence et le greenwashing et non pas prendre à la légère comme M. Frieden le fait le reporting des entreprises.
  • Au niveau de la fiscalité, que le Luxembourg soit plus ferme et rejoigne les pairs européens et australiens en imposant le Rapport Public Pays par Pays (pCbCR) par les multinationales, afin de clarifier les revenus, bénéfices et impôts payés dans chaque juridiction.
  • Au niveau de la protection des données et de la souveraineté numérique, nous demandons qu’Amazon paie enfin l’amende de 746 millions d’euros et se conforme pleinement au RGPD. De plus, en tant que siège européen d’Amazon, le Luxembourg doit instaurer des garanties contre tout accès extraterritorial aux données, notamment lié au CLOUD Act américain, et développer des infrastructures cloud publiques et souveraines pour réduire la dépendance aux géants technologiques étrangers sans faire l’impasse sur l’enjeu des réseaux sociaux à l’échelon européen.

Organisations signataires : ASTM, CELL, Collectif Palestine Luxembourg, Collectif Tax Justice Lëtzebuerg, Dei Lenk, etika, Jonk OGBL, Greenpeace Luxembourg, Rise for Climate

Contribution partenaire in4green
Publié le jeudi 27 novembre 2025
Partager sur
Avec nos partenaires
ASTM - Actions Solidarité Tiers Monde
Citizens for Ecological Learning and Living (CELL)
Nos partenaires