Nature et infrastructures révélées par l'objectif d'Andrés Lejona

Nature et infrastructures révélées par l’objectif d’Andrés Lejona

Visible jusqu’au 30 juin 2026 au Biodiversum de Remerschen, l’exposition « Nature et Infrastructures » d’Andrés Lejona donne à voir des ouvrages techniques habituellement invisibles. À travers plus de quarante photographies, l’artiste interroge notre capacité collective à faire dialoguer aménagement humain et protection du vivant.

Barrages discrets au cœur des forêts, stations de pompage nichées dans le paysage, passages à faune surplombant les autoroutes ou tunnels laissant circuler l’eau sous les routes. Ces infrastructures, rarement accessibles au public, jouent pourtant un rôle central dans la préservation des écosystèmes. C’est précisément ce monde invisible que révèle « Nature et Infrastructures », l’exposition photographique d’Andrés Lejona inaugurée le 10 décembre 2025 au Centre nature et forêt Biodiversum Camille Gira, à Remerschen.

À travers plus de quarante photographies réalisées en moyen et grand format, ainsi qu’au drone, l’artiste propose un regard à la fois esthétique et documentaire sur ces ouvrages techniques. « À la demande de notre ministère, Andrés a réalisé une série de plus de 40 photographies prises dans la nature, mais aussi autour d’infrastructures que nous avons construites pour la protéger et préserver ses fonctions naturelles », explique Serge Wilmes, ministre de l’Environnement, du Climat et de la Biodiversité. « Ces infrastructures admirablement mises en avant sont essentielles, mais souvent ignorées. »

- © MECB / Jérôme Neumann

L’exposition s’inscrit dans le programme de sensibilisation du troisième Plan national concernant la protection de la nature (PNPN3). Elle rappelle que l’adaptation au changement climatique et la restauration de la biodiversité passent aussi par des choix d’aménagement concrets, parfois invisibles, mais décisifs.

Un regard façonné par quarante-quatre ans de photographie

Photographe depuis plus de quatre décennies, Andrés Lejona revendique un parcours nourri de curiosité et de déplacements. « Cela fait 44 ans que je suis photographe », résume-t-il simplement. Une vocation née presque par hasard. « Au départ, mon intérêt, c’était la peinture et le dessin. Et puis une petite caméra est tombée dans mes mains. J’ai vu que je pouvais faire des choses avec ça, et j’ai commencé la photo. »

Très tôt, il développe une double pratique. « Dans ma carrière, il y a deux versions. D’un côté, la photo professionnelle pour pouvoir vivre. Mes sujets préférés sont l’architecture et le portrait pour les magazines. Et de l’autre, une photographie plus personnelle, artistique, avec mes propres idées. ». Son travail l’amène à voyager largement, à multiplier les commandes et les projets.

Cette expérience nourrit une réflexion critique sur l’évolution de la photographie contemporaine. « Aujourd’hui, on est beaucoup plus fixé sur la partie esthétique que sur le contenu », observe-t-il. « Avant, il y avait davantage de recherches intellectuelles, parfois folles, mais profondes. » Une remarque qui éclaire son approche : derrière l’esthétique soignée de ses images, « Nature et Infrastructures » reste avant tout un projet de sens.

Des ponts à faune du Luxembourg aux mangroves colombiennes

L’origine du projet remonte à une image restée gravée dans la mémoire du photographe. « Dans les années 90, ici au Luxembourg, j’ai vu un pont construit pour laisser passer les animaux au-dessus de l’autoroute. C’était la première fois de ma vie que je voyais ça. Pour moi, c’était génial. » Une découverte fondatrice, longtemps restée « encapsulée » dans son esprit.

- © infogreen.lu

Des années plus tard, en Colombie, cette image refait surface. Andrés Lejona y observe les conséquences dramatiques d’une route coupant les flux d’eau entre la mer et une vaste mangrove. « Suite à cette construction, les mangroves ont commencé à dépérir », raconte-t-il. La solution viendra de tunnels aménagés sous la chaussée. « L’eau a pu circuler à nouveau et, progressivement, la mangrove a repris ses droits. »

Pour le photographe, le parallèle est évident. « D’un côté, au Luxembourg, on laisse passer les animaux. De l’autre, en Colombie, on laisse passer l’eau. C’est la même logique. » Une logique qui irrigue toute l’exposition : penser les infrastructures non comme des ruptures, mais comme des liens.

Photographier l’invisible pour mieux comprendre

Les images présentées au Biodiversum ont toutes été réalisées en 2024, après une longue phase de maturation. « Le projet a commencé dans ma tête il y a très longtemps », confie Andrés Lejona. « Puis, au fil des discussions, on m’a parlé des escaliers à poissons, des moules perlières dans les rivières du nord, ou encore des cabanes à chauve-souris. Je me suis dit que ça pouvait créer un vrai projet. »

- © infogreen.lu

Soutenu par le ministère de l’Environnement, il accède à des sites habituellement fermés. « Ils m’ont ouvert les portes. Je suis allé dans des laboratoires, sur des infrastructures techniques. » Le résultat est fascinant : des paysages inattendus, où l’ingénierie humaine se fond parfois dans la nature, parfois s’y confronte frontalement.

Certaines images marquent particulièrement les visiteurs. Serge Wilmes cite notamment celle d’un écopont. « Elle montre à quel point l’ingénierie humaine peut dialoguer avec la nature lorsqu’elle est pensée dans le bon sens. » Plus largement, le ministre souligne la portée du message. « À travers ces images, on perçoit clairement les changements à l’œuvre, notamment dans nos forêts. Le changement climatique est bien là, visible sur le terrain. »

Le Biodiversum comme lieu de transmission

L’exposition trouve un écho particulier au Biodiversum de Remerschen, pensé comme un lieu de découverte et de sensibilisation. « Le Biodiversum est un lieu où l’on apprend, où l’on découvre et où l’on s’émerveille », rappelle Mike Molling, directeur adjoint de l’Administration de la nature et des forêts. « Il accueille plus de 20.000 visiteurs par an, toutes générations confondues. »

- © infogreen.lu

Le bâtiment lui-même porte un message. « C’est une construction en bois, inspirée des longères celtiques, qui respecte son environnement au lieu de s’y imposer. » Implanté dans une zone protégée au niveau national et international, le site illustre la reconversion réussie d’anciennes gravières en espaces naturels de grande valeur écologique.

À l’intérieur, l’exposition permanente interactive complète le propos. « La nature est littéralement à quelques pas de la porte », poursuit Mike Molling. « Un accent particulier est mis sur l’éducation. C’est un véritable investissement dans l’avenir. »

Une lecture locale, mais aussi européenne

Pour Michel Gloden, bourgmestre de Schengen, l’exposition résonne avec l’identité de la commune. « Nous comptons près de 500 hectares de forêts, des zones humides, la Moselle, des étangs et de nombreux sentiers de randonnée », rappelle-t-il. Des paysages transfrontaliers, où la nature ignore les frontières administratives.

Dans une année marquant les quarante ans des accords de Schengen, le symbole est fort. « Schengen n’est pas un problème ; Schengen est une solution », insiste le bourgmestre. Une affirmation qui fait écho à l’esprit de « Nature et Infrastructures » : penser la protection de la nature à une échelle dépassant les limites territoriales.

Andrés Lejona, Serge Wilmes, Mike Molling et Michel Gloden
Andrés Lejona, Serge Wilmes, Mike Molling et Michel Gloden - © MECB / Jérôme Neumann

Déjà présentée dans le cadre de la LUGA et dans l’espace public à Luxembourg-ville, l’exposition a été conçue comme itinérante. « Je suis très heureux qu’elle fasse aujourd’hui étape au Biodiversum », conclut Serge Wilmes. « Elle nous rappelle notre responsabilité collective et nous encourage à poursuivre les efforts pour protéger la nature et nous adapter aux évolutions en cours. »

L’exposition est visible jusqu’au 30 juin 2026.

Sébastien Yernaux
Photos : MECB / Jérôme Neumann/ infogreen

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Publié le vendredi 19 décembre 2025
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