Les clés du financement climatique

Les clés du financement climatique

Encore un bilan mitigé pour la COP. Mais le fameux fonds « loss and damage » prend doucement vie et le Luxembourg est à la pointe des finances durables

15 jours de négociations, beaucoup de discussions en coulisses, des plaidoyers, des palabres et, au final, comme après chacune des récentes « conférences des parties (COP) sous la convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques », un goût de trop peu…

« À Charm El-Cheikh, la communauté mondiale était appelée à faire progresser de façon substantielle la protection internationale du climat. Ambition et solidarité ont été les mots clé du succès de la conférence », souligne, dans un communiqué en forme de premier bilan, le ministère de l’Environnement, du Climat et du Développement durable, dont l’équipe, autour de sa ministre Joëlle Welfring, a mené la délégation luxembourgeoise d’hémicycles où l’on brasse de grandes paroles en alcôves où davantage d’avancées s’observent.

Dynamique luxembourgeoise

Des résultats ? Le plus observé a été la création de ce nouveau fonds dédié aux pays les plus vulnérables, qui subissent les « pertes et préjudices » de la dégradation climatique. Pour Joëlle Welfring, cela représente « une véritable percée dans l’impasse des négociations mondiales sur le climat ». C’était attendu, espéré plutôt, par les pays en développement.

Même si l’UE a contribué à cette percée, dont ne voulaient que du bout des lèvres certains grands argentiers européens sans même parler des géants américains ou chinois, il reste à savoir qui va alimenter le fonds et comment il va évoluer sur le terrain, une fois les spots éteints sur la grand-messe égyptienne.

Le Luxembourg a sans doute déjà fait sa part et reste un moteur, parfois discret mais souvent sollicité, de la dynamique européenne. D’abord parce que le petit pays a son côté pionnier de la construction européenne et des talents de négociation qui sont connus et appréciés. Ensuite, parce que son expérience dans des domaines pointus, comme la finance durable, est utile au collectif.

Ce n’est pas un hasard si, dans la dernière ligne droite des négociations à la COP, la présidence tchèque du Conseil de l’UE a fait appel aux équipes ministérielles selon leurs spécialités : Joëlle Welfring a été « recrutée », avec son homologue néerlandais Rob Jetten, pour prendre en charge les sujets ayant trait aux finances...

Pour quelques millions de plus

Et le pays s’engage aussi, au-delà de ce qu’il faisait déjà, via la coopération au développement notamment. Le Luxembourg a ainsi annoncé 5 millions d’euros en soutien au « réseau de Santiago », créé à la COP25 déjà pour coordonner les efforts en matière de prévention, de réduction et de prise en compte des pertes et préjudices. Ou encore 1,5 million pour l’initiative sur les systèmes d’alerte précoce aux risques climatiques CREWS.

« En outre, une contribution à l’initiative du bouclier global contre les risques climatiques développé par la présidence allemande du G7 et le groupe vulnérable des vingt (V20) sera envisagée », déclare le ministère luxembourgeois.

Au-delà des « pertes et préjudices », le Luxembourg devrait apporter 1 million d’euros au fonds d’adaptation (AF), lancé en 2007 pour simplifier l’accès des pays les plus vulnérables aux ressources financières.

Et puis la team d’experts luxembourgeois a participé à bon nombre d’entretiens bilatéraux avec en toile de fond des projets liés au financement climatique international. Joëlle Welfring a notamment rencontré le directeur-général de l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN), Bruno Oberle, le directeur exécutif du Fonds vert pour le climat (Green Climate Fund, GCF), Yannick Glemarec, ou encore la directrice exécutive du Programme des Nations unies pour l’environnement (PNUE), Inger Andersen.

L’influence grand-ducale sait aussi s’appuyer sur d’autres structures, comme le Benelux, ou d’autres institutions, comme la BEI – faut-il le rappeler basée à Luxembourg.

La Banque européenne d’investissement devrait évidemment être aussi à la pointe du combat contre les effets du dérèglement climatique. À la COP27, la BEI a confirmé son cadre de soutien à de grands projets de durabilité environnementale à l’échelle mondiale, pour un développement résilient, équitable et inclusif.

La BEI, avec ses partenaires publics et privés, prévoit entre autres de mobiliser des financements accrus pour ces projets et d’accompagner ces opérations en déployant de nouvelles activités sur les marchés de la « dette verte » ainsi que des instruments de financement.

Ambitions fossiles

Malheureusement, dans le bilan de la COP27, il faut aussi souligner l’échec de l’Union européenne qui souhaitait le relèvement du niveau d’ambition dans la réduction des émissions de gaz à effet de serre, notamment par l’élimination progressive des combustibles et carburants fossiles. Commentaire de Joëlle Welfring : « Soutenue par plus de 80 parties, cette proposition n’a pas su persuader une grande partie des grands émetteurs au sein des États en voie de développement, au détriment des pays les plus vulnérables et les plus exposés aux effets dévastateurs du dérèglement climatique ».

Autre « effet de serre » : le Grand-Duché a annoncé, en pleine COP27 mais en dehors de ses négociations – à l’issue du Conseil de gouvernement à Luxembourg -, quitter le Traité sur la charte de l’énergie (TCE), un accord très controversé. Après avoir préconisé la modernisation du TCE, le Luxembourg dénonce à son tour l’incompatibilité de ce traité d’investissement avec les objectifs de lutte contre le changement climatique.

8e pays européen à se retirer de l’accord, le Luxembourg pourra consacrer son énergie à d’autres investissements.

Alain Ducat

Photos : MECDD, BEI

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Publié le mardi 22 novembre 2022
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