Le swap, une des solutions pour mieux consommer

Le swap, une des solutions pour mieux consommer

Opter pour les achats de seconde main, c’est bien. En le faisant de manière modérée, c’est mieux. Même si les plateformes de revente ont le vent en poupe, ont-elles vraiment conservé leur esprit solidaire ? Pas certain. Rencontre avec Ana Luisa Teixeira, coordinatrice des programmes chez Caritas Luxembourg.

Chaque année, rien qu’en Europe, 4 millions de tonnes de vêtements sont jetées. Un chiffre qui ne peut qu’interpeller. Et au-delà de ce gâchis, il ne faut pas oublier l’impact sur la planète.

« La mode est responsable de 5% des émissions de gaz à effet de serre », souligne Ana Luisa Teixeira. « Et on estime qu’en 2050, on passera à 25% ! Tous les experts sont du même avis sur le fait que si la mode s’inscrit dans les limites de production planétaire, nous devons absolument réduire notre dépendance à l’égard des combustibles fossiles. Cela veut dire encourager les achats de seconde main. Cela ne vaut pas uniquement pour les textiles. Outre les achats, on peut également passer par les locations par exemple. Le but est vraiment de prolonger les années de vie des produits de consommation et ainsi, diminuer notre impact sur l’environnement. Il faut absolument préserver nos ressources. »

Cependant, l’univers de la seconde main n’est pas totalement rose non plus. « Les prévisions nous disent qu’en 2030, ce marché va dépasser celui du neuf. Des marques de vêtements bien connues l’ont bien compris et proposent déjà des espaces dédiés à ces produits. C’est évidemment une problématique, car si ce type de démarche peut être louable à première vue, elle est surtout orientée marketing. C’est donc une dynamique perverse, car c’est très bien de se mettre à la seconde main, mais il faut réfléchir à la manière de consommer. »

Les plateformes, pour ou contre ?

Ana Luisa Teixeira a un avis précis sur la question. « Si je prends Vinted qui est le leader en termes de ventes en ligne, rien qu’en France, il y a 23 millions d’abonnés à l’application. Cette logique d’achat est évidemment bonne si on achète des biens dans son pays et de manière modérée. Mais si on achète un seul tee-shirt à l’étranger, c’est nettement plus discutable si on tient compte du transport par exemple. Il y a des études qui expliquent également que 70% des recettes du seconde main de Vinted sont investis dans du neuf. Nous sommes donc dans une logique de profit. A la base, l’action était solidaire. Mais maintenant, on est passé à du capitalisme qui encourage à la surconsommation. »

Un esprit de lucre, mais également la présence de marques loin d’être reconnues sur le plan durable. « On sait que la marque la plus vendue sur Vinted, c’est Shein. C’est-à-dire la représentation de l’ultra-fast fashion qui ne s’intéresse absolument pas aux droits humains du début à la fin de sa chaîne d’approvisionnement. C’est évidemment très paradoxal si on veut se donner bonne conscience en achetant de la seconde main. »

Autre paradoxe qui impacte la logique solidaire, la diminution de la qualité des vêtements. « Une partie des vêtements de seconde main est destinée aux personnes vulnérables par l’intermédiaire des collectes. On constate que la qualité des pièces qui arrivent dans nos centres a extrêmement baissé. Pire, une grande partie ne peut même pas être donnée aux personnes qui en ont besoin. Le profit de vendre des produits de qualité a pris le pas sur la générosité et la démarche louable de la seconde main. La faute à une surconsommation qui a doublé au cours des 15 dernières années due notamment à des prix toujours plus bas. Cela peut paraître incroyable mais on a déjà produit suffisamment de vêtements pour habiller la majorité de la planète jusqu’en 2100 ! »

Lët’z Refashion

Chez Caritas, on privilégie la qualité et la proximité. Outre les produits proposés par le magasin Lët’z Refashion, des vide-dressings y sont également organisés. « Nous faisons également la promotion du swap, c’est-à-dire un échange de vêtements. Depuis 2018, j’observe une certaine évolution des mentalités au Luxembourg. Même s’il y a encore du chemin pour rattraper la France ou la Belgique, il y a une réelle prise de conscience. Il y a un bel engouement, surtout pour le swap, qui peut être un moment d’échange convivial. La jeune génération y est particulièrement sensible. »

Et puis, ces événements permettent de faire de la place dans les garde-robes qui ne demandent qu’à respirer. « Une étude a démontré que plus de 30 % des vêtements qui n’ont pas été portés dans l’année, ne le seront plus jamais. Ça interpelle, d’autant plus que de nombreux messages passent régulièrement pour attirer l’attention sur cette surconsommation. Heureusement, les jeunes ouvrent les yeux sur cette situation. Nous avons un grand pouvoir, en tant que citoyen, pour mieux investir notre argent en soutenant, par exemple, des associations ou des projets locaux qui ont un esprit solidaire. »

Sébastien Yernaux
Photos : ©Fanny Krackenberger (portrait) / ©Caritas Luxembourg
Article tiré du dossier du mois « Courts-circuits »

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Publié le mardi 2 janvier 2024
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