Le reflet de la Terre peut-il contribuer à refroidir la planète ?

Le reflet de la Terre peut-il contribuer à refroidir la planète ?

La capacité de la Terre à réfléchir la lumière du soleil, connue sous le nom d’albédo de surface, pourrait-elle contribuer à compenser le réchauffement climatique ?

C’est la question qui sous-tend une étude publiée récemment dans Nature, co-rédigée par Aolin Jia, chercheur postdoctoral au sein de l’unité Environmental Sensing and Modelling du Luxembourg Institute of Science and Technology (LIST). L’étude révèle que l’activité humaine et le changement climatique ont modifié les paysages à l’échelle mondiale, augmentant ainsi la réflectivité de la planète, ce qui a entraîné un effet de refroidissement faible mais mesurable.

Un effet de refroidissement subtil avec un impact global


« Pour comprendre l’albédo, imaginez une journée chaude. Si vous deviez choisir entre porter un t-shirt blanc ou noir, vous choisiriez probablement le blanc. En effet, le blanc réfléchit davantage la lumière du soleil et vous garde au frais, tandis que le noir absorbe plus de chaleur, vous donnant ainsi une sensation de chaleur. Ce concept de base illustre ce que les scientifiques appellent l’albédo, c’est-à-dire la proportion d’énergie solaire réfléchie par une surface. »

Aolin Jia, chercheur au LIST

Lorsque la lumière du soleil atteint la Terre, une partie est réfléchie dans l’espace par la terre, l’eau ou la neige, tandis que le reste est absorbé, contribuant ainsi au réchauffement. « Les gaz à effet de serre comme le dioxyde de carbone piègent une partie de cette énergie dans l’atmosphère, ce qui intensifie l’effet de serre. Si le rôle des gaz à effet de serre est bien documenté, le comportement changeant de la réflectivité de la surface terrestre, c’est-à-dire son albédo, est moins bien compris », explique-t-il.

L’albédo varie considérablement selon les types de couverture terrestre. Les forêts, par exemple, apparaissent sombres depuis l’espace et absorbent une grande partie du rayonnement solaire incident. Les déserts et les zones enneigées, en revanche, sont beaucoup plus clairs et réfléchissent une plus grande partie de la lumière solaire. À partir de données satellitaires recueillies sur deux décennies, l’étude a quantifié la manière dont l’utilisation des sols, les changements de couverture terrestre et la dynamique de la neige ont modifié l’albédo de la surface terrestre entre 2001 et 2020.


« Nous avons constaté que dans les régions enneigées, l’albédo a considérablement diminué en raison de la réduction de la couverture neigeuse, une tendance qui correspond au réchauffement climatique. Cependant, dans les zones sans neige, l’albédo a en fait augmenté. Cette augmentation, bien que modeste, est statistiquement significative et entraîne une réflexion accrue de l’énergie solaire vers l’espace. »

Aolin Jia, chercheur au LIST

L’étude a révélé que les changements d’albédo ont entraîné un refroidissement global d’environ -0,142 W/m2, les régions sans neige contribuant à elles seules à hauteur de -0,164 W/m2. Cet effet de refroidissement équivaut à près de 60 % du réchauffement causé par les émissions mondiales de CO₂ entre 2011 et 2019.

Il ne s’agit pas seulement de déforestation et d’urbanisation

Une autre conclusion de l’article est que la majeure partie du refroidissement dû à l’albédo ne provient pas de régions subissant des changements massifs tels que la déforestation ou l’expansion urbaine. Il provient plutôt de zones qui n’ont pas connu de changements majeurs dans l’utilisation des sols.


« Même dans les régions où nous ne constatons pas de conversions importantes, la surface continue de changer. Par exemple, les changements dans la fraction végétale, la phénologie, l’humidité du sol ou les conditions de sécheresse peuvent tous influencer la réflectivité du sol. »

Aolin Jia, chercheur au LIST

Ces régions « non converties » ont montré un impact radiatif 3,9 à 8,1 fois supérieur à celui des zones où le sol a été activement converti.

Cela peut-il être une réponse au réchauffement climatique ?

« Chaque médaille a deux faces », met en garde le scientifique. « Si l’augmentation de l’albédo peut atténuer en partie le réchauffement dû à l’effet de serre, le problème est que la concentration des gaz à effet de serre continue d’augmenter de manière significative. Ainsi, la rétroaction de l’albédo, due par exemple à la déforestation, ne peut pas compenser entièrement le réchauffement et ne peut donc pas être considérée comme une solution. »

Selon lui, la véritable importance de cette étude réside dans la nécessité de prendre en compte plus explicitement ces changements d’albédo dans les modèles climatiques et les stratégies d’atténuation, et de ne pas se concentrer uniquement sur les concentrations de gaz à effet de serre. « Les changements d’albédo ont clairement un impact mesurable sur le bilan énergétique de la Terre et ne doivent pas être négligés. »

Deuxièmement, l’étude souligne l’importance de comprendre les mécanismes de rétroaction liés aux changements d’utilisation et de couverture des sols, tels que la déforestation. « La plupart des études examinent comment l’énergie influence des processus tels que l’évaporation et la transpiration », note Aolin Jia. « Mais l’inverse est également vrai : ces processus peuvent affecter le bilan énergétique, y compris l’albédo. Cette boucle de rétroaction est souvent ignorée, mais elle est importante. »

Enfin, il souligne que les décisions en matière d’utilisation des sols ont des implications plus larges qu’on ne le reconnaît souvent. « La transformation des forêts en zones urbaines n’est pas seulement néfaste pour la santé publique ou la biodiversité, elle modifie également la quantité d’énergie solaire réfléchie ou absorbée », explique-t-il. « Ces changements de surface jouent un rôle dans la dynamique climatique, et nous devons les traiter avec le même sérieux que les émissions. »

Communiqué du Luxembourg Institute of Science and Technology (LIST)

Contribution partenaire in4green
Publié le mardi 5 août 2025
Partager sur
Avec notre partenaire
Nos partenaires