Le principe du pollueur-payeur solidaire

Le principe du pollueur-payeur solidaire

L’introduction d’un « prix minimal carbone » et donc d’une taxe CO2 fait partie des accents verts, nouveaux et chiffrés, dans le budget 2021. Les carburants vont en prendre pour leur grade… et les recettes augmentées pour l’État auront une valeur ajoutée pour la transition énergétique.

Le budget 2021 de l’État propose des mesures qui visent le renforcement des efforts entrepris pour la protection du climat. La principale est sans doute l’introduction d’un « prix minimal carbone ». Qui va se traduire par une hausse des accises sur les carburants...

C’est le fameux principe du pollueur-payeur, inscrit dans le PNEC - Plan national intégré en matière d’énergie et de climat – dont le but est d’atteindre les objectifs de l’accord de Paris et donc de réduire les émissions de gaz à effet de serre de 55 % d’ici 2030 (calculée par rapport à l’année de référence 2005).

À la faveur d’une commission de la Chambre des députés consacrée aux dossiers de l’Environnement, du Climat, de l’Énergie et de l’Aménagement du territoire, les deux ministres écologistes Carole Dieschbourg (Environnement, Climat et Développement durable) et Claude Turmes (Énergie) ont donné des explications supplémentaires sur ces mesures, par ailleurs calculées dans les lignes budgétaires que l’on peut éplucher.

20 euros la tonne de CO2

Il s’agit bien d’appliquer une augmentation progressive du prix carbone. Et c’est, au Luxembourg des stations-services de tous les records, une approche particulièrement notable : ce prix carbone s’applique aux carburants routiers (essence et diesel), ainsi qu’au mazout de chauffage et au gaz.

Dans l’esprit du gouvernement, il s’agit, « en tenant compte du coût pour le climat des énergies fossiles, d’aider à accélérer le passage à une mobilité sans émissions de CO2 et à des systèmes de chauffage alimentés par les énergies renouvelables, ce qui accélère la transition écologique et améliore la qualité de l’air ».

Le système, dans l’esprit, permet de faire supporter les frais résultant des mesures de réduction de la pollution par le « pollueur ». Le prix de départ retenu est de 20 euros par tonne de CO2 émise. Pour le diesel routier par exemple, cela représente environ 5 cents par litre. Selon les notes budgétaires gouvernementales, « le taux augmentera progressivement au cours des prochaines années, pour atteindre 25 euros par tonne de CO2 émise en 2022 et 30 euros par tonne de CO2 émise en 2023. »

160 millions d’euros pour 2 milliards de litres

Un avant-projet de règlement grand-ducal vient modifier les taux applicables en matière de droit d’accise autonomes sur les produits énergétiques.

Il y avait déjà un droit d’accise autonome servant de contribution au changement climatique (via le Fonds dédié), un « Kyotoccent » de 3,5 cents/litre pour le diesel, 2,5 cents/litre pour l’essence sans plomb. L’apport aux fonds de l’État représente, selon les données ministérielles, 85 millions d’euros en 2019, et quelque 62,5 millions en 2020.

Selon les estimations et projections budgétaires, à partir de 2021, avec la taxe CO2 en plus, la ligne de recettes 2021 afficherait 159 391 200 euros. Note utile : ces quasi 160 millions viendraient de la vente de près de 2 milliards de litres de carburant, dont 1,5 milliard de litres de diesel…

Affectation des recettes

Comment faire pour que cette mesure touche bien le « pollueur » et ne frappe pas le consommateur de base qui n’a pas toujours le choix, pour le chauffage notamment ? Le gouvernement parle d’une mesure en faveur de la transition énergétique et d’un caractère solidaire aussi. Il est en effet prévu une redistribution complète des revenus générés par la « taxe carbone ». Les recettes seront réparties « d’une manière équilibrée » pour financer des mesures de lutte contre le changement climatique et aussi des mesures fiscales et sociales qui devront bénéficier directement aux ménages à faible revenu.

Ainsi, les crédits d’impôt pour salariés, pensionnés et indépendants vont passer de 600 à 696 euros à partir du 1er janvier 2021. Et l’allocation de vie chère sera augmentée de 10%.
L’apport de la tarification carbone ira aussi, toujours dans cette logique d’affectation ciblée des recettes, aux régimes d’aide censés faciliter la transition énergétique. Ont sait que les aides existantes (Clever wunnen, Clever fueren, Clever lueden, Clever solar) ont été augmentées et connaissent un succès certain

Le gouvernement a aussi décidé d’ajouter de nouvelles incitations. Ainsi, pour pousser les propriétaires à procéder à une rénovation énergétique durable, l’âge minimal de l’immeuble requis pour l’application du taux TVA super-réduit de 3% est ramené de 20 à 10 ans. Pour les propriétaires d’un logement mis en location durable, un taux d’amortissement de 6% est accordé pendant 10 ans pour toute dépense d’investissement en rénovation énergétique bénéficiant des aides « Clever wunnen ». Et on augmentera le seuil de puissance à partir duquel les revenus tirés de l’exploitation d’une installation photovoltaïque constituent des revenus imposables.

Alain Ducat

Illustrations et données : Budget 2021 de l’État - Fonds climat et énergie - Ministère de l’Environnement, du Climat et du Développement durable - Ministère de l’Énergie et de l’Aménagement du Territoire.

Photo : La station Aral de Berchem, 9 millions de litres/mois - aral.de

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Publié le mardi 3 novembre 2020
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