Le premier parking démontable et remontable du Luxembourg

Rencontre avec Ludovic Thiery, Project Manager chez Progroup

En 2018, le ministère de l’Économie lance un appel d’offre pour la construction d’un parking de 500 places sur le campus automotive de Bissen. Une condition : il doit être circulaire. Cette soumission soulève un défi en termes d’innovation avec, en bonus, un montant total forfaitaire et non révisable. C’est le groupement Looppark qui remporte le projet. Cette association momentanée regroupe un pilote et conseiller en économie circulaire (PROgroup), un architecte hollandais spécialisé dans l’économie circulaire (Thomas Rau), un ingénieur conseil (Plan B), un ingénieur technique (Dal Zotto & associés), ainsi que le mandataire (l’entreprise Jans qui se partage les travaux avec Astron Buildings).

Cette construction a été pensée pour pouvoir être démontée et remontée sans porter atteinte à la qualité intrinsèque des matériaux utilisés. Dès lors, ils pourront être réutilisés dans d’autres bâtiments. L’effort a principalement été consenti au niveau de la structure principale du bâtiment constitué d’un squelette métallique dans lequel sont enchâssées des dalles de béton préfabriquées, selon un système de trames de 5 m sur 16 m. « Nous avons aujourd’hui prévu un système auquel de nouvelles trames pourront être ajoutées par la suite pour étendre le bâtiment et créer ainsi de nouveaux emplacements de parking.

Par ailleurs, cette structure a également été pensée afin de faire évoluer les hauteurs sous plafond », précise Ludovic Thiery, Project Manager chez PROgroup.

Ainsi, le parking à Bissen, dont chaque étage doit mesurer 2,5 m de haut suivant la norme, pourra être démonté pour devenir, par exemple, un immeuble de bureaux à Eschsur-Sûre, avec des hauteurs sous plafond réglementaires de 2,8 m.

Douze des quinze rampes ont été réalisées suivantes ces principes. Toutefois, les caractéristiques du site accueillant le projet, la présence de locaux techniques au rez de-chaussée et la gestion de la pente ont nécessité de réaliser les trois premières rampes sur place, avec des éléments en béton solidarisés par un mortier de scellement.

Le concept en action

Fin août 2022, un test grandeur nature a été réalisé. Il a permis d’apporter la démonstration du démontage et remontage d’une trame complète. Cet exercice a été réalisé avec le concours du bureau de contrôle agréé (SECO Luxembourg) qui a permis de certifier la démarche. Un deuxième essai sera effectué ultérieurement. Il visera à démontrer que l’on peut transformer le parking en bâtiment administratif.

Pour rendre cette transformation plus visuelle et plus concrète aux yeux du grand public, une collaboration avec un artiste est prévue.

La démontabilité est un défi : « A priori, le caractère démontable et remontable peut sembler évident, facile à mettre en œuvre mais il ne l’est pas du tout dans les faits. La déconstruction reste une notion théorique à ce jour, car la mettre en pratique implique de changer profondément de paradigme dans la conception et la réalisation de projets. Ces démarches étant encore trop peu fréquentes à l’heure actuelle, il est important que l’ensemble des parties prenantes accordent du temps et de l’énergie dans les réflexions qui conduisent aux interfaces et, notamment à la réutilisation de matériaux qui ont eu une certaine durée de vie et donc soumis à divers types d’usure.

Par ailleurs, le mode de montage doit être spécialement étudié en prévision du démontage. Enfin, afin de compléter la démarche, il est fondamental d’évaluer la part de pertes objectives lors du démontage et remontage ».

L’acier utilisé pour l’armature est bien entendu recyclé. En revanche, le béton des dalles ne l’est pas pour des raisons de résistance mécanique qui ne pouvait finalement être garanties.

La transparence au cœur du bâtiment : une traçabilité des matériaux garantie

L’ensemble des matériaux constituant ce projet seront regroupé dans une base de données spécifique. Chaque pièce sera créée dans une base de données permettant in fine d’attribuer individuellement un indice de circularité tant d’un point de vue quantitatif que qualitatif. À cette fin, le choix s’est rapidement porté vers la plateforme Madaster.

L’enregistrement et la documentation des matériaux et des produits utilisés dans l’environnement bâti permettent de comprendre le cycle de vie des ressources utilisée et donc de comprendre comment elles peuvent être réutilisées, encore et encore. Cela permet d’éliminer les déchets et de créer, lentement mais sûrement, une économie entièrement circulaire. Madaster est une plateforme en ligne qui rend les données immobilières transparentes, permet de se conformer aux réglementations légales et de favoriser les objectifs environnementaux tout au long du cycle de vie des bâtiments. Cette base de données fait partie d’un ensemble plus vaste. En bouclant la boucle pour tous les matériaux et produits utilisés dans le secteur de la construction, nous espérons donner l’exemple à d’autres secteurs.

La clé d’un projet circulaire réussi : la coopération de l’ensemble des intervenants dès le début du projet

Un éclairage artificiel est apporté par des néons avec les chemins de câbles apparents. Dans un premier temps, 200 bornes de rechargement pour véhicules électriques seront posées et les installations techniques sont d’ores et déjà prévues pour équiper la totalité des 500 places de stationnement.

« L’anticipation et la communication sont deux facteurs primordiaux dans la réussite ce type de projet. La collaboration et la communication entre le groupement Looppark et notre interlocuteur au sein du ministère de l’Économie est excellente, ce qui permet d’avoir un coup d’avance », souligne-t-il.

Mélanie Trélat

Extrait du NEOMAG#57
Plus d’informations : http://neobuild.lu/ressources/neomag
© NEOMAG - Toute reproduction interdite sans autorisation préalable de l’éditeur